ORDINAIRE 27 A

« Il leur envoya son fils »

(Mat 21, 33-43)

Jésus, dans ses paraboles, aime reprendre les images de l’Écriture. Ces images sont bien connues de ses interlocuteurs et leur parlent avec force. En effet, même s’il met en scène ses ‘histoires’, Jésus ne part pas de rien. Il puise aux sources symboliques de la tradition et de l’expérience empirique. Il sait toucher les cœurs par un rappel du passé et un appel au présent. Il réussit à interpréter pour aujourd’hui les appels de Dieu et à incarner la Loi et la prophétie. Les images parlent d’elles-mêmes à un peuple pétri d’une longue tradition et d’une longue méditation des Écritures. L’image de la vigne est de celles-ci. Elle rappelle le soin que Dieu a mis à cultiver sa vigne et à la protéger. Elle rappelle l’amour de Dieu pour son peuple au-delà des infidélités et des moments difficiles, des situations risquées et des compromis tendancieux. Israël reste la vigne du Seigneur qu’il a portée à la vendange, à la fête du vin nouveau, au banquet des noces, à la joie du Royaume. La vigne du Seigneur a donné son fruit qu’il est temps de partager. Le Fils vient récolter ce fruit pour l’épanouir en joie éternelle.

  1. 1. La vigne du Seigneur.

L’image de la vigne est très forte dans l’Ancien Testament. On comprend que pour un peuple d’abord nomade, s’arrêter pour cultiver relevait de l’exploit. Passer le désert ne permettait pas de planter ni de récolter les fruits de la vigne ou d’un champ de blé. Il fallait d’âpres négociations avec les sédentaires. L’imagination et le désir faisant le reste, le peuple d’Israël va s’installer sur la terre promise et se sédentarisera en rêvant aux fruits enfin possibles. Les prophètes reprennent cette image pour parler du peuple et de sa relation à Dieu.

La vigne à planter : il faut du temps à la vigne pour grandir et fructifier, pour s’enraciner et s’épanouir. Il lui faut un terrain adapté et des mains habiles pour la planter. Il lui faut les conditions de sa croissance. Ainsi le peuple de Dieu, passant d’une terre à l’autre, faisant l’expérience de l’esclavage puis de la libération, d’une assemblée de tribus à un peuple, passant du désert à la terre fertile. Il faudra du temps au peuple de Dieu pour se savoir aimé et choyé, pour passer de l’idolâtrie à l’adoration de l’Unique, de l’élection à la proclamation universelle. Comme une jeune vigne, il devra croître avec patience et ténacité mais avec vigueur et détermination. Elle arrivera à maturité à la venue du Fils portant avec Lui la plénitude de la Révélation dans l’Esprit du Père.

La vigne à émonder : la vigne a besoin d’être soignée et émondée, taillée et encouragée. Il semble quelque fois que la taille est trop profonde ou trop sélective mais elle est nécessaire pour que la sève se propage et atteigne les bons sarments. Ainsi le peuple de Dieu qui a eu besoin de tailles radicales, de prophètes puissants et exigeants, d’une Loi claire et habile, d’un culte précis et exclusif. Dieu n’a pas lésiné sur les moyen pour que son peuple le connaisse, le reconnaisse et l’adore. L’adoration de l’Unique est la condition de sa liberté et de son élection, de sa vocation et de son rôle d’éveilleur. Si le péché est pardonné, l’exigence est plus grande. Si l’élection est particulière, la conscience n’en est que plus profonde. Cet émondage est arrivé à maturité avec la venue du Fils portant avec lui des possibilités nouvelles pour la vigne prête à la gloire. Elle sera le lieu de la rencontre et de l’action de  l’Esprit, une vigne portant au maximum les dons de l’Esprit Saint pour la gloire du Père.

La vigne à vendanger : la vigne est vendangée en son temps avec les risques d’un temps mauvais mais aussi d’un soleil trop fort. Elle porte les fruits de sa croissance et de ses possibilités. Elle porte le résultat de son émondage et des soins du vigneron. Elle resplendit des cris de joies des vendangeurs et des transformateurs du fruit. De la terre et de sa sève sortiront les fruits nouveaux pour la joie de tous. Ainsi le peuple de Dieu qui a su porter les fruits de justice et de sainteté, la joie de la connaissance et de la révélation, la lumière du Dieu unique engagé dans l’Alliance.  Si la croissance a été laborieuse et parfois pénible, il n’en reste pas moins que le culte a embelli sa vie, la Loi a illuminé son chemin, la fraternité a ennobli sa société. Malgré les imperfections, il est arrivé à maturité pour recevoir le Fils prêt à vendanger le fruit nouveau d’une vie dans l’Esprit enracinée dans l’amour et la communion. Ce Fils qui se laissera ‘presser’ pour nous donner les dons de l’Esprit et la certitude du pardon et de la communion. Ce Fils qui offre à son Père les fruits de l’Alliance Nouvelle en son sang.

La vigne du Seigneur, c’est Israël. Elle a été entourée et choyée. Elle a été appelée à témoigner du Dieu unique par une vie d’adoration. Le Christ a reçu les fruits de cet amour et les a rendus au Père. Bien que rejeté, le Christ initie la vigne nouvelle par l’Esprit qui suscite le Nouvel Israël, Peuple de Dieu, Corps du Christ et Temple de l’Esprit… l’Église, témoin par son adoration de la Trinité Sainte.

  1. 2. Le Fils de Dieu

Le rejet du Messie d’une partie d’Israël est un événement bien mystérieux. Alors que tous les signes étaient là, alors que le Ciel indiquait clairement Jésus comme le messie, alors qu’il agissait avec puissance et force… il aura fallu la croix et la mort du Christ puis sa Résurrection pour passer du drame humain et divin à la glorification humaine et divine. L’aveuglement, le ritualisme, le légalisme, le péché… bien des raisons peuvent être évoqué. La partie d’Israël qui a reconnu en Jésus le messie est devenu l’Église, l’assemblée des croyants, témoin des merveilles de Dieu dans l’Esprit et héritière de la promesse. L’Église resplendit de la beauté de son Seigneur et porte les fruits de l’Esprit pour le salut du monde. Le Royaume de Dieu lui est confié « pour lui faire porter son fruit. »

Le Christ est l’Envoyé : tout avait été préparé pour recevoir le Messie. Seul le petit reste l’a reconnu. Non pas les ‘spécialistes’ ou les ‘docteurs de la loi’ mais les publicains et les pécheurs. Peut-être faut-il se reconnaître pécheur, en besoin de pardon et d’amour pour reconnaître le messie ! Seul le cœur  attentif et en attente reconnaît son Seigneur. Les promesses passent à ce peuple nouveau qui se reçoit de son Seigneur et qui ne vit que par lui dans la puissance de l’Esprit.

Le Christ est le Fils : la nouveauté absolue de la venue du Christ est la foi en sa divinité, fruit de sa mort et Résurrection. Le Christ est le Fils de Dieu incarné, prenant notre chair pour sa plus grande sanctification. Le Christ meurt pour nous accorder le pardon pour notre plus grande joie. Le Christ ressuscite pour nous accorder l’adoption filiale pour notre plus grande transfiguration. L’amour a resplendi au matin de Noël et a rempli l’univers au matin de Pâques. Un peuple de fils/filles est né !

  1. 3. Conclusion : les fruits du Royaume.

La vigne, Israël, a été préparée pendant des siècles pour porter ses fruits par la miséricorde divine.
La vigne, prête à la vendange, n’a pas donné tous les fruits espérés. Elle est confiée à d’autres.
La vigne nouvelle, l’Église, a reçue de son Seigneur la mission de proclamer l’Évangile et de porter du fruit pour la gloire du Père par une vie dans l’Esprit Saint à la suite du Fils unique. Nous sommes cette vigne nouvelle, œuvrant pour le Royaume et entrant dans la communion trinitaire.

Père Francis

 

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