ORDINAIRE 29 A

« Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? »

(Mat 22, 15-21)

Jésus prêche le Royaume de Dieu, cette présence cachée du Créateur dans sa création, cette présence mystérieuse de Dieu dans sa créature, cette présence éclatante du Père dans le Fils. Le Royaume croît et se développe quand nous aimons, quand nous reconnaissons le Christ, quand nous vivons dans son Esprit. Le Royaume est là quand c’est l’esprit filial qui préside nos vies et que la communion accomplit notre identité en la Trinité Sainte. Ce Royaume s’édifie par nous avec la grâce de Dieu car il est donné au Fils et aux fils/filles que nous sommes pour reluire de ses feux et pointer le but de nos vies. Le quotidien est expérience du Royaume car il est le lieu qui nous est donné pour grandir en humanité et trouver Dieu, un chemin vers le Ciel. C’est respecter la création que d’en tenir compte mais surtout l’Incarnation que de le prendre au sérieux. Y-a-t-il une autre voie pour nous ? Dieu est là au cœur de nos vies et dans l’humble chemin entrepris. Il nous faut l’admettre mais aussi reconnaître la suprématie du Père sur nos vies. Autonomes, oui, mais sous le regard bienveillant de Celui qui veut notre bien et qui nous attire à lui.

  1. 1. Juste séparation des domaines.

La création est autonome. Elle est régie par ses propres lois. Les lois physiques sont un défi pour nous mais les connaître permet d’admirer les œuvres de Dieu mais aussi de respecter son évolution. L’homme est autonome. Il est guidé par la Loi naturelle mais aussi par sa propre conscience. Il cherche à se connaître et à respecter ainsi son existence et sa nature profonde. S’il est authentiquement autonome, il reste un ‘appelé’, un fils qui marche vers son Père, un frère qui marche avec les autres.

La Loi naturelle : elle est beaucoup décriée aujourd’hui. Il semble qu’on veuille l’écrire soi-même, qu’on veuille décider de ce que l’on est et de son avenir sans tenir compte de ce qu’on est en vérité. Y-a-t-il vraiment une Loi naturelle objective qui nous permet de résister au relativisme et à la manipulation ? Sommes-nous ce que nous décidons d’être au risque de sombrer dans l’idéologie et dans l’esclavage de nos passions incontrôlées ou trop bien contrôlées par certains ? La Loi naturelle est un garde-fou qui nous parle de l’humanité avec passion et qui trace un chemin vers une identité objective et universellement reconnue. Elle parle de l’humain et de sa vocation dans le monde, dans la communauté, dans ses relations. Elle est à découvrir et à méditer pour libérer l’humanité.

La conscience : elle est beaucoup décriée aujourd’hui. Il semble qu’on la nie ou qu’on lui en donne trop. On la nie quand l’homme n’est qu’un robot qui consomme et obéit. On lui en donne trop quand on ne la relie pas à une loi objective, externe, qui limite ses prétentions. La conscience est formée par la Loi naturelle et apprend à trouver l’équilibre entre objectivité et subjectivité. Elle résiste aux passions et aux pulsions en regardant, non pas son nombril, mais la réalité et l’avenir avec espérance. La conscience est une arme puissante face à la manipulation et à l’idéologie. Elle déroute les oppresseurs et libère les oppressés. Elle est la voix de Dieu en nous qui nous appelle à faire le bien et à rejeter le mal. Bien et mal ! Qui décide finalement ?

Dieu suprême : il est beaucoup décrié aujourd’hui. Il semble qu’on célèbre sa mort ou son absolu. Sa mort car l’homme se veut d’une autonomie extrême refusant toute intrusion ‘étrangère’ dans ses décisions ou son style de vie. Son absolu quand on le met en avant et qu’il devient une quasi-idole décidant pour l’homme et manipulant sa conscience. Dieu n’est pas mort, il est bien là, présent et bienveillant. Dieu n’est pas une idole à qui se soumettre comme un esclave, il est bien notre Père, en communion avec le Fils dans l’Esprit. Certes, il est le Créateur, le Dieu suprême, qui nous décentre d’une anthropologie triomphaliste et illusoire mais aussi le Père qui ne cherche que notre bonheur par une filiation acceptée et assumée, vraie anthropologie chrétienne. Il n’y a rien à craindre de lui. Il n’y a pas d’arrière-pensée. Il y a un Dieu d’amour qui nous veut autonomes dans l’acceptation de nos limites et fils/filles dans l’acceptation d’une vraie relation filiale.

Par la connaissance de la Loi naturelle et l’usage éclairé de la conscience, sous le regard paternel de Dieu, nous pouvons aborder la vie avec sérénité et efficacité. Notre existence est une vraie autonomie vécue en alliance avec Dieu. Les domaines (politique, social, économique…) sont séparés mais n’en restent pas moins éclairés par la volonté divine. L’amour vient surélever le débat car c’est lui qui donne à ces domaines leurs consistances propres et leur vérité. On comprend mieux l’affirmation de Jésus de « rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».

  1. 2. À l’image de Dieu

L’épisode de Jésus demandant aux Pharisiens une pièce de monnaie est vraiment pittoresque. Va-t-il tomber dans le piège ? Va-t-il se mettre à dos les autorités ou le peuple ? Jésus s’en sort avec brio en replaçant les choses selon le regard de Dieu et sa volonté de séparer les domaines mais aussi de réaffirmer sa suprématie. La pièce romaine appartient à César, qu’il la garde donc puisque son effigie y est gravée. Dieu, quant à lui, a gravé son image en nous dans l’amour.

A l’image et à la ressemblance de Dieu : cette affirmation biblique est un remède à nos maux et à nos illusions. Dieu a imprégné son image en nous et nous lui ressemblons. A son image, nous sommes autonomes, nous vivons de communion, nous sommes relationnels, nous partageons notre existence. A sa ressemblance, nous sommes libres, nous refusons l’injustice et l’esclavage, nous voulons construire une cité juste et respectueuse des personnes. Cette image, même César ou l’idéologie, la politique, l’économie… ne peuvent l’effacer. Elle sera toujours une protestation contre la réduction de l’humanité à une masse informe manipulable à volonté.

Fils et filles dans le Fils : cette affirmation biblique est un remède à notre autodépréciation, notre égoïsme, notre faiblesse. Elle vient relever ce que nous sommes au niveau de Dieu selon sa volonté. Être suprême, Dieu se révèle Père dans le Fils par l’Esprit. Il nous montre son amour et la force de vie qui nous anime. Nous ne serons jamais de simples créatures voulues par son caprice ou laissées à son arbitraire. Nous serons toujours des fils/filles aimés et reconnus, ses enfants de lumière partageant sa vie trinitaire pour l’éternité.

  1. 3. Conclusion : l’image devient icône.

Images de Dieu, nous le sommes par création, même César n’y peut rien.

Images de Dieu, nous lui ressemblons chaque jour plus dans l’amour

Images de Dieu, nous partageons sa divinité et nous reflétons sa beauté. Notre autonomie assumée et notre conscience nous font passer de l’image à l’icône, du quotidien à l’éternité en la Trinité.

P. Francis

 

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