RAMEAUX B

« Le rideau du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas »

(Marc 14, 1 – 15, 47)

Nous voici arrivés aux portes de la Semaine Sainte, de la Grande Semaine, où vont se succéder les jours saints de notre libération, de notre rédemption et de notre divinisation. La Semaine Sainte n’est pas une semaine ordinaire ou banale. Elle nous plonge dans le mystère trinitaire à partir de la Passion, Mort et Résurrection du Christ. On pourrait s’arrêter à l’aspect historique, juridique, judiciaire ou même religieux de  « l’événement Jésus ». Il est vrai qu’un innocent a été condamné, que les compromis politico-religieux ont porté préjudice à un homme et donc à un peuple, que les intérêts des prêtres juifs ont prévalu sur la bonne foi d’un rabbi local, que le peuple juif a failli à sa mission d’accueillir le messie annoncé. Il est vrai que l’histoire est pleine de ces événements malheureux qui ne lui font pas honneur. Et pourtant, ce qui arrive à Jésus ne nous laisse pas indifférent, nous touche profondément, nous questionne. L’Histoire s’interroge. Le cœur se positionne. L’esprit se met en alerte. L’âme sait reconnaître l’importance du moment. Ce moment historique est un moment qui nous atteint « comme si on y était ». De fait, on y est, on participe à ce drame pour mieux en saisir la profondeur et la grandeur. En suivant Jésus, c’est Dieu qu’on trouve. En souffrant avec Jésus, c’est la joie qu’on découvre. En mourant avec Jésus, c’est la vie qui est donnée. C’est une semaine sainte de vérité et de lumière.

  1. « Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni ? »

Les prêtres juifs ne se sont pas trompés de combat : ils comprennent les enjeux spirituels et religieux de la prédication de Jésus. Ils ont saisi l’importance de cet homme même s’ils ne croient pas en sa messianité ou en sa mission. Ils saisissent  le changement radical et la nouveauté absolue de son approche. Peut-on parler de Dieu comme d’un père ? Peut-on aimer même ses ennemis et les étrangers ? Peut-on vouloir le salut pour l’entière humanité ? Alors qu’Israël avait un rôle de veilleur et d’annonceur, voilà que ses représentants ne veulent plus rien annoncer ni même proposer au monde. Jésus vient bouleverser ce ronronnement et cette routine mortifère qui enferment la lumière dans un puits de ténèbres. Sa divinité va percer dans son humanité souffrante.

Est-il le Christ ? : La question va se dérouler tout au long de l’Évangile. On attendait certes le messie mais peut-il être du type de Jésus ? On voulait un messie politique, peut-il être un messie spirituel ? On voulait une action éclatante et visible, peut-il se contenter de l’amour et du regard de bonté ? Il y a équivoque sur le rôle du messie. Le Christ Jésus n’est pas ce genre de messie. Il est envoyé pour annoncer la repentance, le pardon des péchés, la réconciliation. Il cherche la brebis perdue sans la condamner. Il touche le lépreux sans se rendre impur. Ses armées sont les légions d’anges qui ne cherchent qu’à chanter Dieu et à inviter les hommes à la louange. Le Messie est bien venu : c’est Jésus de Nazareth, le fils de Marie, prêt à donner sa vie pour tous.

Est-il le Fils de Dieu ? : La question revient constamment dans l’Évangile. Jésus peut-il se revendiquer de Dieu ? A quel niveau et jusqu’où ? Dieu peut-il avoir un Fils et comment ? Les gestes et les paroles de Jésus démontrent une proximité inusitée avec celui qu’il ose appeler Père. Cette relation particulière est-elle de nature ou pas ? Si Dieu est si proche, parle-t-on encore du même Dieu d’Israël ? La Passion, la Mort et la Résurrection du Christ vont bouleverser les données et les pensées. Elles vont révéler un mystère qui se laisse trouver et vont changer notre vie. Le Fils de Dieu, c’est bien Jésus de Nazareth, Dieu incarné pour mieux nous sauver et faire de nous des fils/filles du Père dans la force de l’Esprit Saint.

Le salut annoncé : la question du salut pour tous est controversée dans l’Évangile. Mais il apparait clairement que le Christ s’adresse d’abord au Peuple de Dieu, à l’Israël de la promesse mais aussi à tous les hommes de bonne volonté. Si Dieu a choisi un peuple c’est pour mieux le représenter, en faire son partenaire et son témoin, pour lui révéler son mystère afin de le partager à tous et d’inviter tous les hommes à cette connaissance et à cette relation unique. Le sang du Christ est versé pour tous. Le pardon est accordé à tous Le salut est donné à ceux qui le désirent.

La question spirituelle est au centre de la Semaine Sainte : cet homme Jésus qui meurt en croix est le messie rejeté et le Fils de Dieu révélé. Sa mort est salvifique. Sa Résurrection est dynamisante. Son Esprit est divin.

  1. 2. «  Es-tu le roi des Juifs ? »

La rencontre avec Pilate est symptomatique des incompréhensions entre le monde politique et spirituel. Il y a distances et c’est malheureux. Il peut y avoir complicité et c’est dangereux. S’il y a connexion et relation, si le spirituel informe le politique alors le social sera plus fraternel. Il existe certes une autonomie entre les états mais la foi est source de vitalité. Elle met les limites nécessaires aux prétentions totipotentes du politique. Elle invite à une élévation du débat pour rejoindre l’identité et la vocation de tout un chacun.

Le roi de l’univers : Jésus est roi. L’inscription sur la croix est vraie même si elle servait à railler le condamné. Pilate a-t-il saisi quelque chose de cet homme ? On aimerait le penser car la foi nous dit que la croix est son trône, que sa couronne est d’épines, que son règne est pour toujours. Sa souveraineté est tout autre car elle atteint l’univers et rejoint le Père.

Le roi des cœurs : Jésus règne en nous. Par sa mort, il a montré son amour. Par sa Résurrection, il a montré sa divinité. Il n’a pas besoin d’un royaume humain avec ses risques et sa corruption. Il a rejoint le cœur de notre vie, les tréfonds de notre âme, les cellules de notre être. Quel roi peut prétendre à une relation si vitale ou à une proximité si ontologique ? Jésus est le roi des Juifs mais aussi le roi de l’univers. Son règne est intérieur. Sa vie passe dans nos vies. Son amour alimente notre amour. Sa divinité nous est communiquée.

  1. 3. Conclusion : une semaine de lumière

Entrons dans la Semaine Sainte avec toute notre foi : Jésus est le messie et par sa Passion, Mort et Résurrection, il a dévoilé son identité divine.

Entrons dans la Semaine Sainte avec toute notre espérance : Jésus nous a obtenu le pardon et la grâce d’une vie nouvelle. Il nous réconcilie avec le Père.

Entrons dans la Semaine Sainte avec tout notre amour : cet amour vécu et exprimé vient nourrir notre amour pour le Fils afin de voir le Père dans l’Esprit saint. L’amour nous donnera de traverser cette semaine dans la lumière et de trouver, par la croix et Pâques, la joie dans l’Esprit.

P. Francis

 

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