ORDINAIRE 12 C

« Qu’il prenne sa croix et qu’il me suive »

(Luc 9, 18-24)

Nous avons une bonne connaissance de Jésus mais celle-ci peut rester superficielle ou externe. On peut s’intéresser au personnage historique, au maître spirituel, au révolutionnaire, au condamné… On peut passer à côté de l’essentiel. Le croyant lui-même n’est pas à l’abri d’un regard extérieur. Il peut croire sans pratiquer, sans incarner dans sa vie les valeurs évangéliques, sans vivre concrètement la nouveauté du Christ et la vie nouvelle répandue en nos cœurs. Il y a le risque de séparer la foi et la vie, de mettre le Christ dans un recoin de notre conscience, de laisser l’Écritures sur nos tablettes. Mais le Christ n’a-t-il pas fécondé nos vies en nous donnant la lumière, la grâce, la vérité ? Ne nous a-t-il pas rejoints au plus profond de l’être ? N’a-t-il pas placé le Ciel dans nos cœurs ? C’est dire que le quotidien est le lieu de notre spiritualité et que la vie ordinaire est une marche vers l’invisible. Le concret de nos existences est chemin vers Dieu. Tout ce qui est humain regarde le divin. On ne peut séparer les mondes ni les êtres. On est un tout qu’il faut harmoniser par la grâce filiale. La souffrance et les difficultés elles-mêmes participent de cette transformation de l’être qui se prépare à la Rencontre de la Trinité.

  1. 1. Porter sa croix.

Il est bien difficile de porter sa croix. On pense parfois que la foi nous épargnera les peines et les souffrances. La réalité dément cette idée. Nous souffrons et peinons comme tout homme ou toute femme. Nous recevons avec violence les mauvaises nouvelles de notre santé, de nos limites, de nos échecs. Mais c’est en fils/fille de Dieu que nous devons réagir et nous unir à Celui qui a porté la peine du monde pour la transformer en source de vie.

Souffrances : face au mal, à la souffrance et à la mort, nous restons sans voix. Certains se révoltent, d’autres subissent, quelque uns dénient la réalité. On est désarçonné. On n‘échappe pas au questionnement mais surtout à la décision de faire face. Quelle attitude pour nous chrétiens ?

Le Christ, notre exemple : nous n’avons d’autre regard que celui du Christ. Il a accepté les limites de son humanité et assumé le péché du monde. Il a porté le mal et la souffrance sur ses épaules. Il a marché, serein, vers la croix, sans toutefois éviter angoisse et effroi. Sa souffrance a été salvifique parce que acceptée et offerte. L’amour est à l’origine de tout et c’est par amour de nous qu’il s’est engagé à aller jusqu’au bout de ses choix et de la volonté du Père. Sans renier la souffrance, il a su la transformer en source de salut et donc de vie. La grande humanité du Christ a dévoilé la force de sa divinité. La croix sera le trône de sa gloire divine.

Le Christ, notre chemin : comment vivre tous les troubles physiques, émotifs, psychiques et spirituels de nos vies tourmentées ? Devons-nous nous abandonner à la révolte ou au déni ? Sans accepter passivement les faits, n’est-ce pas en regardant le Christ que l’on trouvera la juste voie ? L’histoire chrétienne a montré que loin d’être passifs, les croyants ont cherché à soulager, à réconforter, à s’unir au Christ souffrant. C’est en nous unissant au Christ en croix que nous parviendrons à la Résurrection. C’est en unissant nos peines et souffrances au Christ victorieux que nous cheminerons vers la sérénité et la paix intérieure. La croix est notre seule espérance. Elle est le chemin vers le Ciel car elle porte à la Résurrection.

L’Eucharistie, lieu du sacrifice et de l’offrande : Nous participons au sacrifice unique du Christ à chaque Eucharistie. Nous chantons le Père par le Fils dans l’Esprit. C’est le lieu de la communion et de la glorification. Communion par le Christ avec la Sainte Trinité. Glorification du Père par le Christ dans l’Esprit. La messe est trinitaire mais c’est aussi un sacrifice auquel nous sommes conviés. C’est aspect est un peu occulté de nos jours car nous préférons parler de rassemblement, de convocation, de célébration, de repas festif, de victoire… Oui, la messe est tout cela mais tout cela découle du sacrifice suprême du Christ. C’est en se sacrifiant qu’il a porté la victoire sur le mal et la souffrance, c’est par sa mort qu’est donnée la vie, c’est en son corps meurtri que surgit le corps transfiguré et ressuscité.

L’Eucharistie, lieu de notre offrande : il nous reste à nous offrir nous aussi, à la manière du Christ, au moment suprême de la prière eucharistique. Offrons nos vies tourmentées et bouleversées, nos esprits rebelles et soucieux, nos âmes aimantes et affaiblies, nos corps contingents et limités. Offrons nos faiblesses et nos désirs, notre amour et nos peines à aimer. Offrons même nos péchés pour qu’ils brûlent au feu sacré de l’amour divin. Offrons nous nous-mêmes comme sacrifice par le Sacrifice du Christ pour le salut du monde.

Porter sa croix, c’est vivre notre humanité limitée à l’exemple du Christ, dans la confiance du salut et l’offrande de soi. Unis au Christ en Croix, nous mourrons à nous-mêmes pour vivre en Dieu et de Dieu. Notre humanité reflète alors la gloire divine.

  1. 2. Porter Sa croix.

Porter sa croix, nous le savons, nous met en présence du mystère de l’existence mais aussi du mystère du Fils qui a assumé toute chose en lui. Cette communion nous apaise et nous réconforte devant les aléas de la vie. On n’échappe pas à la souffrance mais tout consiste à savoir comment la vivre sans être anéanti ou désarticulé. La croix est notre chemin. Peut-on même aller plus loin en partageant les souffrances mêmes du Christ ? C’est avec beaucoup d’humilité que nous rappelons cette voie étroite vécue par certains mystiques de notre Église.

Boire la coupe avec Jésus : partager la souffrance du Christ jusqu’à la sudation. Nous pouvons être appelés à vivre dans notre chair cette communion suprême et souffrir ou offrir nos souffrances dans un sens expiatoire et rédempteur. La Passion se poursuit pour l’humanité et se vit en nous.

Mourir en croix avec Jésus : attachés à la croix avec le Christ, nous nous unissons à sa mort rédemptrice pour donner vie au monde. La mort acceptée comme le martyre est une offrande de soi dans l’amour car « il y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean 15, 13). Sa mort a donné vie. Cette mort donne vie.

  1. 3. Conclusion : en marche vers le Royaume

En suivant le Christ, nous cherchons à vivre concrètement de l’Évangile dans le quotidien. C’est une question de sérieux et de vérité.

En portant notre croix, nous assumons la souffrance et le mal en les unissant au Christ qui a porté la douleur du monde pour le salut de l’humanité.

En nous unissant au Christ en Croix, nous partageons sa mission salvatrice qui porte à la vie éternelle.

P. Francis

 

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