ORDINAIRE 13 C

« Suis-moi »

(Luc 9, 51-62)

On accuse parfois les chrétiens d’être des montons passifs et dociles, de suivre les instructions venant de la hiérarchie, de manquer de réflexion et d’imagination, de s’accrocher à des idées du passé, de manquer d’évolution… Cela peut arriver certes. Mais est-ce si vrai ? L’Histoire n’a-t-elle pas montré une grande vitalité, une vraie créativité, un engagement profond ? La littérature et la philosophie n’ont-elles pas beaucoup reçu du christianisme ? Sans parler de l’art, de la musique, de la science… Sans évoquer les œuvres de charité, d’éducation, de promotion…. Sans parler même de la mise en lumière des valeurs, du droit naturel, de la beauté de l’humain… Tout cela à cause d’un homme, Jésus de Nazareth, qui par sa mort et Résurrection, s’est montré Fils de Dieu. Par lui, Dieu a fait irruption dans notre monde, dans notre chair, consacrant ainsi l’humain et le monde visible comme passage vers le monde invisible, vers son Cœur. Si Dieu s’est fait homme, c’est pour que l’homme lui ressemble en vérité et en beauté, qu’il révèle toute sa grandeur, qu’il soit élevé à son rang… Le Fils a désigné Dieu comme Père et désormais l’Esprit Saint est donné pour l’atteindre. Nous sommes, par notre baptême, consacrés et envoyés. Consacrés comme fils/filles du Père et envoyés, à la suite du Christ, annoncer la Bonne Nouvelle, la nouvelle d’un amour incommensurable et universel, personnel et communautaire. L’Esprit nous assiste. Une seule condition : la liberté. Sans elle, nous tombons dans l’esclavage. Avec elle, nous resplendissons de la beauté des fils/filles.

  1. 1. Suivre en liberté

Il est intéressant de constater comment, dans l’Évangile, Jésus insiste sur la liberté. Il appelle et attend la réponse. Il invite mais n’insiste pas. Il libère des chaînes ceux qui sont entravés par les hauts et les bas de la vie ou qui se créent des situations de servitude. Jésus nous veut libres. Les Lettres de St Paul insisteront sur ce point capital  (Gal 5, 1-13). Une nouvelle vision de la liberté prend corps avec le Christ : spirituelle, elle est à l’image de la liberté divine. Suivre le Christ, c’est  entrer dans sa mouvance, c’est un acte libre qui soigne pour toujours la liberté.

Libre choix : personne n’est contraint à suivre le Christ. Cela demande un choix personnel et profond. Ce choix rejoint immanquablement le choix fondamental d’une vie, ce choix qui oriente l’existence. En acceptant le Christ, on touche les profondeurs de l’être et les orientations fondamentales de l’existence. Ce choix libre est définitif car il va diriger notre vie vers un style, une vision du monde, une approche particulière du divin, vers une relation spéciale à Dieu, vers le Dieu trinitaire, communion et communication.  Ce choix demande de renoncer à l’esclavage contraint ou voulu, de se défaire de ses entraves, de renoncer à ses chaînes, de découvrir l’essentiel et l’important, de changer notre façon de voir, de regarder avec des yeux nouveaux, les yeux de l’homme nouveau. Le pas n’est pas aisé mais il est fondamental. Les hésitations reflètent notre attachement à bien des choses et parfois à bien des gens. Renoncer, c’est alors retrouver de façon nouvelle. Ce qu’on accaparait comme sien devient un don. Notre liberté donne de la liberté aux autres.

Vive libre : il serait plus facile d’être un ‘suiveur’, de vivre sans penser, de faire comme tout le monde, de se soumettre à la mode et aux tendances. Tous nous cherchons la liberté et pourtant, tous nous suivons le mouvement général, de peur de ne pas être dans le vent ou à la page. Liberté est un mot si souvent employé mais si souvent détourné. Le choix fondamental de départ va orienter nos choix quotidiens, notre pensée libre, notre style personnel et même la lumière de nos yeux. Il s’agit d’être libre et d’agir en conscience, en respectant des valeurs importantes, en regardant au-delà de l’immédiat et de l’urgence, en jetant son regard sur l’universel tout en respectant le particulier. Une vie libre est faite de contraintes car on aura compris que l’homme libre ne fait pas n’importe quoi ou n’agit pas arbitrairement. Il sait, il croit, il voit et ainsi il agit et donne liberté. La lumière de l’Esprit le guide et l’éclaire. Elle le suit dans ses choix car le Dieu de liberté ne peut vouloir l’esclavage ou la contrainte. Ce Dieu veut des fils et des filles et non des esclaves ou des insignifiants.

Liberté divine : c’est dire que la liberté de l’homme est reflet de la liberté divine. Cette liberté divine est ancrée dans l’amour trinitaire. Elle agit par amour. Elle vit de l’amour. Elle s’origine dans l’amour. Dieu n’est qu’amour et donc sa liberté est puissante et féconde, créatrice et salvifique. Nous participons de cette liberté en accueillant l’amour et en nous y tenant à jamais. Non pas un petit sentiment passager ou capricieux mais une valeur fondamentale et existentielle. Les enfants de Dieu vivent de cet amour et agissent dans la liberté divine. Loin de tout égoïsme, la liberté passe par le vécu, la concrétisation du commandement de l’amour, au-delà même de la loi car la perfection de la loi, c’est d’aimer son prochain.

La liberté divine nous est acquise par le Christ. Le suivre, c’est y participer. En vivre, c’est se transformer peu-à-peu. Aimer, c’est être libre en la Trinité Sainte.

  1. 2. Suivre par amour.

Le Christ semble exigeant quand il appelle. C’est certain. Il appelle à laisser les entraves ou les chaines que nous nous mettons pour ne pas décider ou ne pas agir. Il n’a même pas où « reposer sa tête ». Cependant, il n’y a pas homme plus libre que lui. Celui qui le suit sait à quoi s’en tenir. Notre histoire est pleine de ces témoins, amoureux de l’invisible et enracinés dans le visible, qui ont su répondre concrètement. L’amour en est la cause.

Aimer sans condition : Jésus n’appelle pas à sa sequela pour organiser son groupe mais pour prêcher le Royaume. Ce Royaume, c’est le Règne de Dieu maintenant, c’est le Cœur du Père qui s’ouvre, c’est l’amour trinitaire pour tous. Dieu est amour et donc les disciples du Fils vivent de l’amour pour annoncer cet amour inconditionnel et pour édifier une civilisation la plus proche possible de la Jérusalem céleste.

Aimer comme Dieu aime : Jésus appelle à aimer, sans contrainte, sans rien imposer, dans la gratuité totale. Cela semble démesuré et même impossible quand on connaît la nature humaine avec ses tendances mortifères. C’est pourtant la condition donnée aux disciples. Qui connaît le mieux le cœur de l’homme sinon celui qui l’a formé ? Si le péché a submergé ce cœur humain, le Cœur du Fils vient l’en délivrer. Illusion ? Folie de l’amour divin !

  1. 3. Conclusion : « Va annoncer le Royaume »

Le Père envoie son Fils restaurer la nature humaine. Son œuvre sera accomplie dans le mystère pascal. Le Père fait de nous ses enfants par la force de l’amour du Fils dans l’Esprit. Les disciples du Christ sont des hommes et femmes libres qui deviennent les fils et filles du Très-Haut. Libres de toute entrave, ils deviennent lumière pour le monde et participent de la liberté divine.

P. Francis

 

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