JEUDI SAINT

« La Nouvelle Alliance en mon sang »

(1 Co 11, 23-26 ; Jean 13, 1-15)

Le Triduum Pascal est certainement le moment le plus important de la liturgie. Les Trois Jours résonnent dans nos cœurs comme dans nos vies. Nous entreprenons ce chemin parcouru par le Christ. En le suivant, nous pénétrons son mystère. En communiant, nous entrons dans la logique divine, au-delà du drame qui se déroule. En aimant, nous participons à l’amour du Dieu qui se révèle dans toute sa grandeur et toute sa splendeur. Comment être chrétien sans contempler le Christ en croix et le Christ ressuscité ? Comment se dire disciple sans mourir avec lui pour ressusciter avec lui ? Les Trois Jours font de nous ce que nous sommes et orientent toute notre vie chrétienne, de notre éthique à notre spiritualité, de nos aspirations aux joies vécues en Dieu, du pardon à la grâce d’entrer dans la communion trinitaire. On passera donc des ténèbres à la mort, de l’espérance à la lumière de Pâques. Mourir avec le Christ pour renaître en lui, le Fils de Dieu, pour la gloire du Père dans l’Esprit.

  1. 1. La Dernière Cène ou l’Eucharistie.

Le Jeudi Saint commémore la dernière Cène du Seigneur avec ses Apôtres. C’est un repas d’adieu mais aussi une explication de sa mission et de son ‘passage’. Les Evangiles sont unanimes sur l’événement : Jésus a voulu manger la Pâque avec ses disciples et leur a laissé le signe de sa présence ‘jusqu’à la fin du monde’ à travers la ‘fraction du pain’ et la coupe du partage. St Jean rapporte le fait du lavement des pieds (Jean 13) comme constituant de l’identité chrétienne, celle du service ‘à l’exemple du Seigneur’. Le grand discours (Jean 14-16) et la Prière Sacerdotale (Jean 17) nous plongent dans l’intimité du Christ avec son Père et nous invitent à la communion, au-delà du scandale de la croix. La scène dramatique du Jardin des Oliviers est peut-être le moment crucial de la vie de Jésus où s’unissent sa volonté humaine naturelle et la volonté divine, unies depuis l’Incarnation mais ‘ébranlées’ à cet instant particulier (Mat 26, Mc 14, Lc 22). La nuit de la Passion nous révèle un Jésus obéissant et désireux de donner sa vie ‘pour la multitude’. En effet, Jésus le Christ s’offre en sacrifice pour le salut de l’humanité, le pardon des péchés et le don de la grâce divine. Par sa Résurrection, ce sacrifice sera accepté. Dans sa Résurrection, nous recevrons la filiation divine En sa Résurrection, nous obtenons la vie éternelle. L’Eucharistie est le signe de sa victoire et de sa présence réelle dans la communauté des croyants, assemblée en Eglise, Corps du Christ, Temple de l’Esprit et nouveau Peuple de Dieu.

L’Eucharistie, lieu de la présence : partager le pain, à la messe, n’est pas le simple souvenir d’un événement passé. Il pourrait l’être sans la Résurrection mais cela n’aurait aucun intérêt spirituel. Nous croyons que l’unique sacrifice du Christ est rendu présent par la force de l’Esprit et que nous participons de ce sacrifice qui nous concerne nous-aussi. Le Christ ressuscité est présent à son Eglise et la guide vers la plénitude du Royaume. Cette Eucharistie est la nourriture qui la soutient et la sanctifie. En nous unissant au Christ qui s’offre, nous accomplissons le culte unique et véritable de la Nouvelle Alliance, nous nous unissons par le Fils à la Trinité Sainte, Dieu d’amour et de communion.

L’Eucharistie, lieu de l’unité : partager le pain nous engage et nous prépare à la rencontre. Il nous engage à l’unité des Sauvés et à la jubilation des fils/filles du Père dans le Fils. Comment partager ce pain d’unité quand nous sommes divisés ? Comment partager le pain si nos cœurs sont loin de Lui ? Ou si nous vivons des situations volontairement inadaptées à la vérité de l’Evangile ? L’Eucharistie est le lieu de l’unité de l’Eglise en fête et le lieu de notre unité avec la Trinité Sainte par le Fils ressuscité.

L‘Eucharistie, action de grâce du peuple des fils : nous avons tant de raisons de rendre grâce, de célébrer notre Dieu et de louer le Père par le Fils dans l’Esprit. L’action de grâce est la caractéristique de la prière chrétienne qui ne manque jamais de s’élever vers la Trinité même aux moments les plus sombres de la vie. Comme le Christ qui trouve sa joie et sa force en son Père, qui se meut par la force de l’Esprit, nous trouvons notre soutien et nos raisons de vivre en ce Dieu d’amour révélé à Pâques.

  1. 2. La Dernière Cène ou la ‘Caritas’.

Il est symptomatique que l’apôtre Jean rapporte le lavement des pieds au lieu de l’institution de l’Eucharistie. Il a bien sûr conscience de l’importance de cet ‘héritage authentique’ venant de Jésus et son discours sur le pain de vie en fait foi (Jean 6). Il ose pourtant lier le culte chrétien par excellence avec le service chrétien des autres par excellence. Servir l’autel et louer le Père par le Fils dans l’Esprit se poursuivent dans le service des autres et le souci des pauvres. Benoît XVI commente ainsi ce fait étonnant : « La ‘caritas’, le souci de l’autre, n’est pas un domaine secondaire du christianisme à côté du culte, mais elle est enracinée en lui et en fait partie. Dans l’Eucharistie, dans le ‘fait de rompre le pain’, la dimension horizontale et la dimension verticale sont reliées inséparablement. » (Jésus de Nazareth, tome II, édition du Rocher 2011, p. 154).

Servir l’autre : rappelons que le Christ s’est fait serviteur. Le terme souvent utilisé par l’Ecriture est ‘esclave’ (Phi 2, –11) et montre bien que le service excellent du chrétien rejoint le service du Christ qui a pris la dernière place. Lavant les pieds de ses Apôtres, Jésus laisse l’exemple à suivre mais aussi une attitude à acquérir. L’humilité et l’amour des autres devraient orienter nos vies.

Se soucier des autres : rappelons que la mission du Christ a été une mission de service et de salut. Il s’est soucié du prochain en le considérant comme son frère et non comme seule créature, en soi déjà respectable. Jésus a fait de nous un peuple de frères et sœurs, vivant dans l’amour et l’unité et nous souciant les uns des autres. En lavant les pieds de ses Apôtres, Jésus révèle notre identité profonde renouvelée par le service et s’épanouissant dans la filiation.

L’histoire de l’Eglise a bien montré cette corrélation entre le culte et le service de charité. Le véritable ‘enfant de lumière’ admis à s’offrir avec le Christ à l’autel est celui qui resplendit aussi dans sa vie quotidienne et dans sa relation saine et aimant avec les autres. L’action de grâce se poursuit dans le quotidien. « Du Christ (à la messe) au Christ (dans le pauvre) » disait St Vincent de Paul.

  1. 3. Conclusion : l’amour donné !

En entrant dans le Triduum pascal, nous entreprenons une aventure spirituelle qui va nous porter aux Portes du Ciel. C’est en nous unissant au Christ, que nous supporterons la charge émotive de ce temps dramatique et que nous passerons à travers le bouleversement de nos âmes.

En nous unissant au Christ souffrant, nous partagerons la souffrance de Celui qui nous a aimés jusqu’au bout et a plongé dans les vertiges de l’être, dans l’ébranlement de son moi profond.

En nous unissant à la volonté du Christ, nous atteindrons sa divinité à travers son humanité et nous toucherons le Dieu vivant qui sauve cette humanité souffrante et aimée.

P. Francis

 

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