ORDINAIRE 24 A

« Soixante-dix fois sept fois »

(Mat 18, 21-38)

Alors que Jésus nous demande d’aimer et de nous ouvrir à la grâce, il y a cette question du pardon qui nous assaille. Se faire pardonner ? De quoi ? Pourquoi ? Nous savons bien que le pardon est essentiel à notre progression spirituelle et qu’il est un don de l’amour miséricordieux de Dieu pour ses enfants et pour l’humanité repentie mais il reste difficile. Difficile de le donner et difficile de la recevoir. Ici se mêlent en nous la culpabilité, la responsabilité, la liberté, le mal objectif… bref, bien des dimensions importantes de notre vie et de l’exercice de la conscience. Qui parle de pardon parle de péché, d’erreur, du mal. Mais qui dit pardon parle aussi d’amour, de compassion, de renaissance, de liberté. On est ici à un nœud de la vie sociale et spirituelle, de notre relation à Dieu et aux autres, de notre capacité à nous laisser aimer et à aimer. Jésus fait du pardon une condition essentielle à l’accueil de la grâce et une étape importante à notre démarche vers le Royaume. Si Dieu pardonne, ne devrions-nous accepter de faire de même ? Si le Père pardonne, c’est que se joue un échange qui portera à la communion, fin recherchée de notre vie actuelle et  ‘état’ de la vie éternelle.

  1. 1. Le pardon, pourquoi ?

Il existe des croyants pour qui tout est péché et d’autres qui ne le voient nulle part. Certains ont enfoui le péché sous les catégories psychologiques ou psychanalytiques. D’autres le considèrent comme une conception religieuse dépassée depuis notre prise de conscience de la liberté dans l’amour et de la responsabilité. Et pourtant ! Peut-on évacuer une catégorie dont Jésus parle aisément ? Ou peut-on faire de cette notion un tout qui nous aveugle et nous paralyse ? Si le péché existe bien, c’est parce que Dieu existe et que nous sommes des êtres libres. Le péché est une notion religieuse qui met en lumière notre relation au sacré et à Dieu. Le péché est une notion anthropologique qui révèle notre liberté fondamentale et notre responsabilité humaine. Sans liberté ou responsabilité, nous somme des automates, des pantins, des esclaves. Nous perdons nos références humaines de base. La connaissance juste du péché est de nous rappeler à l’ordre.

L’erreur : il s’agit de fautes de jugement et d’appréciation. On vit souvent dans cette situation. Nous faisons beaucoup d’erreurs sans vouloir faire le mal. Notre responsabilité est engagée et nous subissons les conséquences de nos erreurs. Nous souffrons de n’avoir pu saisir le vrai sens des choses ou de pas avoir été assez intelligents dans nos démarches et nos réflexions. On ne peut parler de péché même si certaines conséquences de nos erreurs sont catastrophiques et peuvent porter au péché réel ou à la mort. On s’est trompé, tout simplement, mais que de souffrances en résultent !

Le péché dit véniel : il s’agit de nos manques de persévérances ou d’efforts,  de notre paresse, de notre égoïsme. Il y a des petits combats qu’on ne veut mener sous prétexte de leur peu d’importance ou d’efforts plus grands à faire. De fait, nous nous laissons aller à la routine du quotidien et renonçons à bien des actes d’amour et de générosité. Le choix fondamental est ébranlé ou tout simplement occulté. On sait que certaines choses sont mauvaises objectivement mais on leur laisse de la place en se pensant fort ou résistant. Le péché véniel est cette catégorie qui laisse envahir la vie de petits riens qui, mis ensemble, polluent la vie spirituelle et relationnelle de négligences et de démissions. On a laissé volontairement les ténèbres nous envahir !

Le péché dit mortel : il s’agit de la décision libre et réfléchie de faire le mal ou de couper les ponts avec Dieu. On connaît sa faute et on la veut. On sait que c’est objectivement mauvais et on y joint notre subjectivité. On réalise les conséquences de sa décision et on les admet. Quand il y a mal objectif, conscience suffisante, volonté libre et décision, alors on peut parler de péché mortel. Mortel car il coupe de la source de la vie, il produit le mal et porte à la mort spirituelle et parfois physique. Il coupe les relations et renie l’amour qui est au centre de la vie chrétienne.

Le péché contre l’Esprit Saint : il s’agit de fermer son cœur à l’action de Dieu, à renier le Christ Sauveur, à nier l’amour, à refuser la communion ou le salut. Quoi de plus mortifère que de se couper de l’amour de Dieu et de vouloir manœuvrer de ses propres moyens se pensant ainsi libre ? Quoi de plus tragique que de renier l’amour qui nous a créés et recréés en Christ ? L’Esprit, amour du Père et du Fils, est la Personne qui anime la vie et oriente vers la communion trinitaire. Refuser l’Esprit, c’est sortir des relations filiales et entrer dans le conflit, voué d’avance à l’échec.

  1. 2. Le pardon ou l’amour en action

Jésus le Christ nous a porté le pardon du Père par l’Esprit de sainteté. Voulant faire de nous des fils/filles à son image, nous avons reçu, par sa croix et son sang, le pardon des péchés et nous avons été rétablis dans la communion. Le pardon, première étape vers l’adoption filiale, est un don du Père que Jésus nous a obtenu dans l’Esprit.

Le pardon renoue les liens : éloignés de Dieu par le péché, nous avons été ramenés au bercail par le Fils lui-même. Son pardon est profond et ontologique. Il a changé nos vies de l’intérieur et désormais, nous pouvons vivre de l’amour. L’être en est transformé et éclairé.

Le pardon redonne vie : morts à la vie spirituelle et à la relation authentique, nous recevons par le pardon vie et force pour regarder en vérité, par le visage du Fils, la face du Père dans l’Esprit. « Venez, les bénis de mon Père »! (Mat 25, 34). Être relevés, rendus libres, rétablis dans la splendeur de notre humanité pour recevoir la splendeur divine ! Le pardon est une renaissance qui ouvre les portes de l’éternité.

Le pardon, grâce obtenue par le Fils : même si l’Ancien Testament avait affirmé le pardon possible, c’est la croix du Christ qui nous l’obtient. Il brille, effectivement, au matin de la Résurrection comme preuve suprême de l’amour trinitaire. La grâce du pardon ouvre à la grâce du don filial qui, lui, est communion en la Trinité Sainte. L’amour, encore et toujours lui, est à l’œuvre. Il ne veut pas la mort du pécheur mais sa conversion et sa rédemption qui est grâce de communion. L’amour, lui seul, peut faire cela. Et puisque Dieu est amour….

  1. Conclusion : le cœur de la Trinité Sainte.

Etre pardonné redonne vie et espérance. Il ouvre les portes de l’avenir maintenant et pour l’éternité. Il ouvre l’horizon de l’amour en Dieu. Il refait de nous des êtres libres et paisibles.

Recevoir le pardon redonne confiance en l’amour et ouvre les portes de l’humilité et de la simplicité. Reconnaître son erreur et son péché, éclaircir sa responsabilité et trouver la vraie liberté. Accueillir finalement l’amour gratuit du Père par le Fils dans l’Esprit.

Pardonner comme on a été pardonné rétablit les relations dévoyées et construit la paix en Dieu.

P.Francis

This entry was posted in 2017, Année A, Français, Ordinaire II, Père Francis. Bookmark the permalink.