ORDINAIRE 31 A

« Vous n’avez qu’un seul Père »

(Mat 23, 1-12)

Il nous semble parfois que Jésus est dur avec ses contemporains, surtout ceux en responsabilité. Il interpelle volontiers les uns et les autres et les sort de leurs retranchements.  Il poursuit ainsi l’action des prophètes bibliques, toujours prêts à en découdre ou à rappeler l’Alliance, à dénoncer les infidélités et à pourchasser l’hypocrisie. Les prophètes ont ce rôle délicat de dire et redire, quitte à ‘fatiguer’ leur auditoire ou à s’imposer à ceux qui ne veulent entendre. Ils assument une position de rappel et de cohérence. Ils redisent la volonté divine en se fondant sur les principes permanents de l’Alliance et du droit, du culte et de l’amour de Dieu. Jésus veut lui-aussi rappeler l’essentiel en se démarquant du superficiel ou des traditions ponctuelles devenues trop importantes. Il ajoute à cette action prophétique la nouveauté d’une relation intime et profonde avec Celui que l’on prétend servir. Il ne suffit pas de respecter les règles, encore faut-il aimer et agir par amour, amour de Dieu et amour des autres. Alors seulement, toutes nos observances prendront du sens et s’illumineront de beauté et de gratitude. Passons donc à une religion de l’intériorité  qui par son extériorité exprime sa grandeur et son amour. La conversion est un travail de longue haleine. Il avance vers le plus qu’est le Dieu trinitaire, ouvert à nous recevoir en son sein pour y vivre de la communion.

  1. 1. Appel à la conversion.

Il est certain que l’appel à la conversion est une constante dans l’Evangile. Jésus nous y convie et les Apôtres nous y engagent. La conversion est un retournement à 90° qui réoriente la vie et l’esprit vers cette Bonne Nouvelle qui fait vivre. On découvre tout-à-coup la vérité en découvrant l’amour du Père à travers Jésus reconnu Fils dans l’Esprit qui se donne. Cette connaissance donne la foi et la foi donne l’amour et l’espérance. On ne peut désormais plus vivre comme avant ou faire semblant. On ne peut plus se taire. Toute la vie devient chanson du Père, jouée par le Fils dans l’harmonisation de l’Esprit. On n’est plus comme avant. On devient un autre. On acquiert la stature de l’homme nouveau, celui qui correspond au dessein de Dieu et capable, dans l’amour, de relations vraies, de don de soi, d’ouverture à l’autre et à l’Autre qui divinise.

Conversion de nos mœurs : se convertir, c’est purifier ses mœurs et œuvrer selon de nouvelles perspectives. L’éthique chrétienne est une recherche filiale par laquelle tout un chacun veut vivre en vérité sa condition de fils/fille et ainsi vivre en vérité son humanité. Devenir fils/fille demande de vivre quotidiennement la filiation, dans tous les aspects de la vie, dans la banalité de la routine et dans la créativité. Les ‘bonnes mœurs’ sont des actes d’amour raisonnables.

Conversion de notre vision du monde : se convertir, c’est changer de perspective et voir désormais les choses avec d’autres yeux. Non seulement on comprend le monde mais on découvre l’invisible qui féconde le visible et le rend habitable. La Création devient musique. L’Humanité devient précieuse. Dieu se dit en toutes ces merveilles. Nous sommes unis par un lien mystérieux mais vital qui fait que mon amour soulève le monde et mon péché bafoue la personne, l’univers et son Créateur.

Conversion de notre religion : se convertir, c’est louer et remercier celui qui nous aime et entrer dans un mouvement éternel de joie et de bonheur. Le culte est offrande de soi au Père, par le Christ et dans l’Esprit Saint. Ma vie est un culte au Dieu Vivant. Ma spiritualité informe chaque recoin de mon être et de mon existence. On comprend que la religion relie mais peut aussi avilir ou emprisonner la vie dans ses rites. Il est facile, selon Jésus, de devenir hypocrite dans le religieux quand l’amour s’en échappe ou quand le ritualisme s’impose au détriment de l’esprit et de la beauté.

Conversion de nos relations : se convertir, c’est entamer une aventure qui progresse en relation et qui s’authentifie en relations. Comment haïr désormais si l’amour est notre vocation ? Comment ignorer l’autre si l’unité est notre objectif ? Pourquoi construire un monde inhumain si l’harmonie est notre destinée dans la communion trinitaire ? Jésus appelle à des relations filiales avec Dieu et à des relations fraternelles entre nous. A moins de se tromper complètement, il définit des normes nouvelles pour régir notre vie, mondaine et surnaturelle. Puisque nous croyons qu’il est ressuscité, nous entrons dans un échange de vérité et de respect.

La conversion évangélique n’est pas un simple changement, elle est une transformation de la personne qui entre en relation nouvelle avec le Père et du coup en relation corrigée avec les autres. La conversion est toujours à refaire car les pulsions du vieil homme reviennent vite. Grâce à Dieu, ces pulsions peuvent-être aussi réorientées et insérées dans le mouvement de conversion. Si la grâce est transformante, elle est apte à transfigurer ce qui nous semble impossible à changer en nous.

  1. 2. Appel à l’amour.

Finalement Jésus ne fait rien d’autre que d’appeler à l’amour. C’est l’amour, origine et fin de toute chose, qui peut valider notre rapport à Dieu et le reconnaître comme Père. Jésus s’écarte des faux semblants et resitue les uns et les autres à leur place au-delà des prétentions à la vénérabilité (« père ») ou aux titres (« rabbi, maître »), au-delà d’une pratique religieuse hypocrite (« Ils disent mais ne font pas »). Appel à l’authenticité certes mais aussi à la vérité de ce que nous sommes.

Un seul Rabbi et Maître : l’enseignant est celui qui éduque et qui permet la relation qui libère. Il entraîne son disciple vers le don de soi en suscitant toutes ses capacités intérieures. Le disciple ouvre alors les yeux sur lui-même et sur l’invisible. Le Christ est notre seul Maître. Il entraîne vers Dieu, silence et mystère de notre existence.

Un seul Père : qui peut prétendre au rôle de père ? Nos pères terrestres sont des reflets de la paternité divine. Ils ont engendré dans l’amour et éduqué dans la liberté. Ils laissent place à leurs enfants quand le moment arrive. Nos pères spirituels sont de pâles reflets du Père mais nous y portent avec toute la foi qu’ils possèdent et tout l’amour dont ils sont capables. Les uns et les autres se savent limités dans leur rôle à transmettre la vie et à participer à la Grande Histoire d’amour entre Dieu et l’humanité. Certes, nous n’avons qu’un seul Père, celui qui est aux Cieux. Nos pères, terrestres et spirituels, s’effacent au moment venu pour laisser place au mystère de la vie. Par l’Esprit, nous y entrons tous ensemble !

  1. 3. Conclusion : unis en la Trinité.

La conversion est un exercice progressif qui mène à plus de vérité et d’authenticité. Elle ouvre le chemin et porte à une relation  nouvelle, une relation d’amour qui fonde notre existence.

L’authenticité dans notre pratique religieuse est le signe de notre intériorité et de notre amour vrai et non fictif. L’humilité est le chemin qui porte au cœur même de la Sainte Trinité.

P. Francis

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