VENDREDI SAINT

« D’où es-tu ? »

(Jean 18, 1 – 19, 42)

Le Vendredi Saint n’est pas un jour ordinaire. On ne peut passer à côté de cet homme condamné et crucifié injustement sans se sentir mal à l’aise. On sent bien qu’il se passe quelque chose non ordinaire et qui touche à ce qui nous dépasse. On peut rester à regarder Jésus en croix comme des coupables incapables d’assumer leur acte ou cherchant à le minimiser. Il reste qu’on est là à regarder le Crucifié, le cœur gros de tant de violence et d’injustice, les yeux remplis des larmes de repentance, le corps tendu par trop de tension. Jésus, le Messie et le Maître, esclave sur le bois et donnant sa vie pour les pécheurs afin qu’ils retrouvent le chemin du Père et qu’ils vivent de l’Esprit. Jésus, le Bien aimé, qui se laisse transpercer et emmener vers la tombe afin de racheter le genre humain. Jésus le Fils dont le cri de désespoir nous transperce encore le cœur ! Ce vendredi est saint car tout l’amour de Dieu s’exprime par le crucifié, toute la volonté de Dieu se joue, tout l’espérance du monde ne tient qu’à un fil. Avec Marie, au pied de la croix, nous ne regardons plus mais nous contemplons l’Auteur de la vie et la Sagesse Divine qui se donne par amour. Contemplons-le avec amour !

  1. 1. « Je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » dit Jésus à Pilate.

On a bien du mal à entrer dans l’esprit du Père qui va jusqu’à donner son Fils pour nous sauver. Par amour, il accepte ce sacrifice et ainsi nous unit à lui pour toujours. Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, incarné dans notre humanité. Sa mort touche notre chair comme elle touche l’univers. Elle purifie notre humanité de ses impuretés et de ses mesquineries, de ses rebellions et de ses compromis douteux, de son égoïsme et de son orgueil mal placé. Sur le croix, tout la vérité de Dieu se dit, toute la vérité sur l’homme se dévoile, toute la vérité de l’amour s’éclaire.

Vérité de Dieu, sa volonté : Jésus est venu faire la volonté du Père. Il le dit et en vit. Il sait qui est Dieu et son désir de salut, son désir de communion. Déjà l’Alliance avait exprimé cela de manière assez forte. Maintenant, en Jésus le Christ, la nouvelle Alliance s’établit de façon définitive et éternelle. La volonté divine est de partager sa vie avec sa créature, devenue son fils/sa fille dans le Fils unique.

Vérité de Dieu, son amour : Jésus est venu révéler l’amour éternel du Père et la vérité de cet amour au sein de la divinité elle-même. Dieu n’est qu’amour. Il n’a pas d’autre existence. Son Être est amour. L’amour est son nom. On est loin des élucubrations philosophiques ou religieuses, des idées farfelues ou illusoires. Dieu aime. Parce qu’il aime, il est communion et communication. La croix révèle cela de façon forte et presque contradictoire.

Vérité de Dieu, la Trinité : Jésus est venu dévoiler le mystère divin, le cœur de Dieu. S’il est le Fils, Dieu est son Père et il partage sa divinité. L’amour du Père et du Fils spire l’Esprit Saint. Dieu est Trinité dans son unité souveraine. Dieu est Un dans la Trinité des Personnes. Pas de contradiction ici, simplement une évidence et une conséquence de l’Incarnation et du mystère pascal. La croix, paradoxalement, met en lumière ce que Jésus a révélé peu-à-peu au cours de sa vie. Elle fait éclater la dimension trinitaire sous-jacente à tous les discours et toutes les actions de Jésus.

Vérité sur l’homme : si nous connaissons mieux Dieu le Père et son Fils par la Passion/Résurrection de Jésus, nous comprenons mieux qui est l’homme, sa dignité et ses faiblesses, son péché et sa grâce. L’humanité est aimée mais se rebelle facilement. L’Alliance a été ce contrat spirituel qui a tenté de réconcilier les deux partenaires en conflit. L’Incarnation a touché l’humanité dans son être profond et Dieu y a fait sa demeure. Elevée au niveau de Dieu, elle se devait d’en être digne. C’est le Christ, payant chèrement par son sacrifice ce rapprochement et cette réconciliation, qui nous a ré-ouvert les portes du Ciel et le cœur de Dieu. Sa Résurrection sera ratification de l’Alliance nouvelle et éternelle qui fait de nous des enfants adoptifs, partageant le même héritage et entrant dans la communion trinitaire. L’homme est grand en cela mais il peut se rabaisser facilement par des pulsions de mort qui l’entraînent vers l’enfer. Sa liberté est la clé de son salut. Son amour est le baume de sa relation.

  1. 2. « Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs » signale l’écriteau sur la croix.

Si la vérité s’exprime au Calvaire, elle éclate à Pâques. Elle vient éclairer les parties mystérieuses de la vie du Christ et de son message. Elle illumine nos vies et nos existences pour nous unir au Père par le Fils dans l’Esprit Saint. Au cœur du mystère chrétien, il y a Jésus de Nazareth, fils de Marie et Messie d’Israël. Pilate sent bien qu’il a en face de lui un être particulier, un condamné pas comme les autres, un personnage unique, un homme de Dieu. Il se sent inconfortable, tente de libérer Jésus mais cède à l’esprit carriériste et aux intérêts politiques et sociaux. « D’où viens-tu ? » demande-t-il inquiet à Jésus.

La croix révèle le Fils de Dieu : Jésus en croix, au-delà de la souffrance certaine subie et vécue au Calvaire, est vraiment le roi sur son trône. Il a marché vers sa gloire. Il est glorifié et élevé de terre pour attirer tous les hommes à lui. Sa couronne d’épine est sa vraie richesse et il embrasse tous les temps, tous les siècles et toute l’humanité. Agneau sacrifié, il meurt quand les agneaux sont égorgés au temple de Jérusalem. Il domine. Il se donne librement. Il aime.

La croix révèle l’amour du Fils pour son Père : Jésus en croix, au-delà de son cri bien compréhensible mais combien déchirant, fait confiance au Père en tout et au moment de mourir veut encore accomplir l’Ecriture afin que tout soit accompli selon la volonté divine. Il s’en remet à Dieu son Père. Sa mort l’unit au Père et nous donne l’Esprit Saint. Ce moment intense, si dramatiquement humain, est suprêmement divin. L’amour trinitaire éclate au grand jour. Il nous faudra Pâques et sa lumière pour le comprendre, l’admettre et y croire, puis en vivre et le partager. D’instrument de torture, la croix devient signe de salut et lieu de l’amour définitif d’un Père qui reçoit l’offrande de son Fils, par l’Esprit d’amour. La croix est, pour nous, signe de salut, évidence de l’amour, lieu de vérité, expression de la grâce, appel spirituel et action de grâce. La croix est la victoire du Fils et sa glorification. La croix de bois devient la Croix Glorieuse de grâce.

  1. 3. Conclusion : « J’ai soif ».

Ce vendredi est saint. C’est le ‘Good Friday’ pour les anglophones. La bonté se dit et l’amour se donne. Alors que la justice est bafouée, la justice divine prend le dessus. Alors que l’innocent est anéanti, le pécheur est pardonné. Alors que la mort semble triompher, la vie jaillit dans toutes ses dimensions.

Ce Vendredi est saint. C’est un jour de deuil et de peine. A travers nos larmes, s’expriment les balbutiements de l’amour, le timide retour au Père, la conviction d’un moment unique. A travers notre élan, se joue notre salut éternel qui est communion en la Trinité Sainte. Avec Marie, restons aux pieds de la croix et contemplons le Fils bien aimé, l’Enfant de l’amour divin.

P. Francis

 

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