ORDINAIRE 12 B

« Passons de l’autre bord »

(Marc 4, 35-41)

Nous organisons notre vie selon des idées et conceptions mais aussi selon des tensions et les pressions intérieures et extérieures. Nous menons les choses avec brio ou de façon catastrophique. Le fait d’être libres nous mène parfois dans des impasses mais aussi illumine nos décisions et enracine notre personnalité. Cette tension interne est salutaire mais difficile à gérer. On se sent libre, on se sent lié. On est heureux de ses décisions, on est malheureux des mauvaises décisions. On exulte face à la vie, on se renferme face à l’adversité. On est constamment sur le qui-vive et la lumière peut s’obscurcir en quelques instants. Serions-nous des girouettes livrées aux vents contraires ? Serions-nous si peu stables et prêts à tout compromis pour sauver l’acquis ? Nous sommes, en définitive, des êtres humains ballotés par la vie et difficilement établis. Alors qu’on se sent fort et énergique, la moindre tempête nous effraie. Nous lâchons le gouvernail et cherchons un refuge, une main tendue ou un sauveur. Si nous retournons au Seigneur, le salut est donné et la paix assurée. Si nous nous tournons vers les faux prophètes ou les marchands d’illusion, le réveil sera pénible et lourd de conséquences. Voyons les disciples, dans la barque agitée par le vent. Ils sont confiants puis apeurés. Ils crient vers Jésus. Celui-ci apaise les flots et s’étonne de leur peu de foi. Sommes-nous unis au Christ au point de fixer les vents sans peur ? Sommes-nous ces peureux qui s’affolons quand les choses se meuvent ? La vie est un entrainement fait de multiples passages jusqu’à passer dans le cœur aimant de la Trinité, par la main secourable du Fils dans l’Esprit.

  1. 1. La vie et ses multiples passages.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille sur lequel nous naviguons à vue et par lequel nous nous assurons d’arriver à bon port. Elle est faite de multiples éléments et de tensions diverses que nous nous efforçons de contrôler. Si, naturellement, vie et mort s’harmonisent pour le bien et la croissance, spirituellement, nous devons mourir pour vivre et nous purifier, pour croître en beauté et en bonté, pour grandir dans l’amour et la générosité, pour devenir nous-mêmes. On pourrait parler des âges de la vie mais aussi des étapes spirituelles de toute vie, des décisions prises en liberté et celles prises en urgence. Cependant, tout converge vers un point qui, souhaitons-le, portera au bien et à l’équilibre.

Passage des âges : on grandit, on le sait. On mûrit et on s’en réjouit. Passer de l’enfance à l’adolescence est déjà tendu mais quitter l’insouciance de l’adolescence pour l’âge adulte est plus difficile. Se dépouiller de ces ‘habits trop étroits’ pour revêtir l’habit des grands, n’est-ce pas souvent hors de notre portée ? Et pourtant, l’adulte est responsable et libre. Il passe dans le monde de la conscience et des choix, il s’affronte à sa liberté et au mal. Il choisit son monde et son ou ses dieux. La croissance physique et affective est fondamentale pour établir notre vie spirituelle sur de bonnes bases. D’où l’importance de l’éducation appropriée et libre. Comme la semence mise en terre et qui pousse, le Semeur nous entoure d’amour.

Passage des équilibres précaires : on se connaît peu-à-peu. On découvre qui on est. On aime ou on n’aime pas. On peut gérer bien des choses mais on est balloté par les passions et les pulsions. Nous sommes une barque en mouvement et bien souvent, nous lâchons le gouvernail et coulons. Une main pourrait nous retenir. Toucher le fond et remonter est le lot commun quand il y a encore espoir et énergie. Ne sommes-nous pas invités à accepter nos équilibres précaires et à laisser l’Esprit émerger en nous ? L’amour pourra faire le lien et nous rendre confiance.

Passage spirituel : de même qu’on grandit en âge, physiquement et psychologiquement, de même on grandit en spiritualité. Devons-nous garder l’esprit d’enfance ? Oui, si cela signifie la confiance et l’amour simple. Non, si cela signifie démission et ignorance. Il y a aussi des étapes dans la vie spirituelle, des purifications, des décisions, des choix fondamentaux, des rejets et des acceptations, des acquis et des remises en cause… Le désert nous attire mais nous fait peur. La lumière peut se trouver au fond de l’obscurité, l’amour peut anéantir notre péché… Le Seigneur nous tend la main et nous mène vers la tranquillité après bien des tensions et des crises. « Allons de l’autre bord » dit Jésus et cet autre bord peut traverser tempêtes et doutes mais l‘autre bord est sérénité et tendresse.

L’Evangile de la tempête apaisée est bien symbolique de tous les passages que nous devons opérer,  bon an, mal an  mais aussi bon gré mal gré. Nous traversons ces épreuves avec la grâce de Dieu et le Fils, qui a partagé notre réalité humaine, nous accompagne et nous donne l’Esprit. De l’autre bord, se trouve le Père, bras ouverts et cœur aimant. Sur la barque, le Fils est avec nous. Que craindre donc ?

  1. 2. La vie et ses multiples bénédictions

Si la vie nous bouscule, elle a ses ports de plaisance et ses criques  lumineuses. Dans la tempête, des éclaircies ; dans l’adversité, des consolations ; dans les tensions, des joies. Nous sommes aimés du Père et le Fils nous l’a redit et prouvé. L’Esprit nous est donné et nous accompagne dans la vie quotidienne. C’est aussi une expérience spirituelle que de découvrir l’œuvre de Dieu en nous et l’action de l’Esprit. Alors qu’on se sent seul, une présence mystérieuse se laisse découvrir. Alors qu’on se croit seul à affronter la tempête, Jésus est là et son « sommeil sur le coussin » est le signe qu’il n’y a rien à craindre. L’amour veille et nous bénit.

Comme Job (Job 38) : il a tout perdu et questionne Dieu. Révolte légitime mais confiance illimitée. Qu’est-ce que sa vie face à la création ? Un point minuscule dans l’univers mais ce point est connu de Dieu et aimé par lui. Du fond de l’épreuve, jaillit l’amour. Dans la nuit du doute, naît l’espérance. Dans la solitude, retentit la voix céleste, cette voix suave qui dit ‘Je t’aime, je ne t’abandonnerai jamais’. Avons-nous confiance en Dieu jusque-là ?

Comme les disciples (Mc 4, 35ss) : ils ont peur dans la tempête et questionnent Jésus. Inquiétude légitime mais confiance limitée. Qui est ce Jésus pour dormir alors qu’ils périssent ? Une barque minuscule sur une mer agitée mais une barque qui porte l’Auteur de la vie et le Maître des mondes. Dieu peut-il nous abandonner alors que son Fils est parmi nous, alors que son Fils meurt pour nous, alors qu’il ressuscite pour nous donner gloire et grâce ? Si cette vie est faite d’épreuves et de passages, elle est faite de bénédictions et de retrouvailles. « Dieu parmi nous » par son Esprit !

  1. 3. Conclusion : « Qui est-il donc? »

Parce qu’êtres humains, nous grandissons par étapes. Les passages sont obligés et nécessaires. Ils font de nous ce que nous sommes et, espérons-le, pour notre plus grand avantage.

Parce qu’enfants de Dieu, nous grandissons dans l’amour de la Trinité. Les passages mènent au Grand Passage : l’immersion dans l’amour trinitaire. Qu’espérer de plus grand ?

P. Francis

 

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