ORDINAIRE 13 B

« Qui m’a touché ? »

(Marc 5, 21-43)

Il est toujours intéressant de suivre Jésus dans l’Evangile et on aurait aimé participer à ces grands rassemblements autour de lui. Même si les foules sont instables et changeantes, on aurait volontiers pris son temps pour l’écouter et le suivre. Le voir faire des miracles serait un plus pour notre foi chancelante et nos esprits pleins de doutes. Jésus n’est pas si naïf et connaît bien les désirs trop ‘matériels’ des foules. S’il leur parle, il n’en reste pas moins distant. Il ne se laisse pas entraîner à les satisfaire selon leur humeur ou leurs demandes. Il garde distance pour mieux les instruire et mettre en lumière ceux qui sont en vraie recherche de sens et de vérité. Ces foules qui le suivent l’abandonneront en pleine tourmente et certaines, manipulées, demanderont sa mort. Ce qui est étonnant, c’est que parmi les foules, anonymes par nature, surgissent des êtres particuliers et des visages s’illuminent. Jésus reconnaît immédiatement celui qui a la foi. Y aurait-il comme une ‘attraction spirituelle’ ? En tout cas, toucher Jésus avec foi ou non marque la différence. L’Evangile nous en parle avec pudeur et émotion.

  1. 1. Toucher le Christ pour toucher Dieu.

Qui ne veut pas toucher Jésus ? N’est-il pas le jeune Rabbi promis à un brillant avenir ou le nouveau thaumaturge plein de talents et de ressources ? Les foules se pressent pour le toucher et malheureusement, en faire une relique guérisseuse, un talisman protecteur ou un faiseur de miracles automatique. Il y a ici une approche ‘religieuse’ à rejeter car elle incline plus vers le superstitieux que vers l’adhésion raisonnable et volontaire à un mystère crédible. Jésus ne veut pas être un gourou mais un maître à penser, un déclic pour la foi, une lumière pour la raison, la Porte vers le Ciel et la main qui porte au Père. Il est le Fils et non un quelconque manipulateur. Son choix est l’amour que produisent la liberté et la foi. Ses miracles sont un acte de création qui rétablit l’harmonie et non une superpuissance qui en met plein la vue.

Adhésion de la raison ou approcher le mystère : accueillir l’enseignement du Christ, c’est mettre en œuvre ses capacités intellectuelles et sa raison.  On est interpellé par sa Parole et ont y adhère ou pas. L’approche est raisonnable d’abord et s’approfondit ensuite. Il est évident dans l’Evangile que c’est la Parole du Christ qui touche les cœurs et illumine la raison. Jésus, de façon pédagogique, utilise paraboles, exemples, gestes prophétiques, mots percutants… pour percer les esprits obtus et arriver au cœur de ses interlocuteurs. Parole et silence alternent alors comme un coup qui doit prendre son temps pour accomplir son œuvre.  Le mystère ne se dévoile pas si facilement et nos résistances sont nombreuses et légitimes.

Adhésion de la foi ou toucher le mystère : quand la raison adhère, la foi surgit. Il est rare qu’elle apparaisse avant l’acte d’adhésion mais le miracle ou la révélation spontanée est possible dans la grande liberté de Dieu. L’histoire en a laissé des traces. Pourtant, habituellement, la foi apparaît quand l’esprit a accueilli, avec humilité et conviction, la Parole du Christ dans l’Esprit. Alors l’illumination se fait précise et vient toucher les aspects de notre vie en attente de vérité et de lumière. La foi est cet accueil de la vérité qui immerge dans le mystère et porte à l’amour. Dans l’Evangile de ce jour, la femme malade, dans une foule survoltée voulant toucher Jésus, reconnaît le Messie et l’approche avec toute sa conviction. Sa foi la guérit car alors une ‘force de vie et de guérison’ l’enveloppe de sa puissance. Jésus le sent, recherche cette femme et la bénit.

Adhésion dans l’amour ou vivre du mystère : quand l’esprit a trouvé la paix malgré ses limites et ses questions, quand la foi a surgi des profondeurs de l’être et a reconnu son Seigneur, alors l’amour est possible. Il jaillit comme une force puissante de vie et de transformation, il envahit toute notre personne et purifie nos vies. L’amour est cette force divine qui peut tout, accueille tout, croit tout et agit partout.  C’est l’amour alors qui agit et crée, qui pardonne et donne un avenir, qui harmonise la vie et intègre à la Trinité. Toucher le mystère signifie le vivre de tout son être et vibrer aux sons de l’Esprit qui joue en nous pour la gloire du Père par le Fils ressuscité.

« Qui m’a touché ? » demande Jésus alors que la foule le presse de toute part. Toucher le Christ, acte d’amour qui suppose la foi et l’adhésion de la raison. Les yeux peuvent à ce moment voir l’invisible et par le corps du Christ toucher le Corps ressuscité qui porte à la présence trinitaire !

  1. 2. La foi au-delà des apparences.

La foi, c’est croire certes mais surtout entrer dans un mystère qui nous dépasse. Le mystère ne violente pas la raison mais l’illumine et la pousse jusqu’à ses limites. Croire sans intelligence n’est pas une attitude acceptable et l’Eglise nous invite à approfondir les mystères de la foi jusqu’au bout de nos ressources puis à accueillir la vérité. Cette vérité est révélée. La révélation, c’est Dieu qui dévoile un aspect de Lui-même ou de sa volonté. On n’aurait jamais pu découvrir cela par soi-même et la chose est si grande et surprenante, que toute notre personne est sollicitée. Le visible devient alors porte sur l’invisible et le naturel, porte du surnaturel. Seul l’amour a les yeux assez perçants pour le découvrir et voir enfin !

Monde visible : ce monde est le nôtre avec toute sa beauté et toutes ses limites. La nature est créée et nous est confiée. A nous de la rendre plus vivable et plus attrayante. On peut cependant la dénaturer ou s’y limiter empiriquement. ‘Ne croire que ce qu’on voit’ n’est-il pas un acte de désespoir ou d’idolâtrie ? La Christ a su nous montrer le chemin et, par son Incarnation, sanctifier l’humain et donc la nature et par sa Résurrection, diviniser l’humain et donc porter à son plus haut point la nature. Les Sacrements sont cette utilisation de la matière, accompagnée d’une parole efficace, qui porte le surnaturel et donc le divin

Monde invisible : ce monde est aussi le nôtre si nos yeux veulent bien s’ouvrir. Au-delà des apparences, il y a une réalité, le monde de Dieu et celui de l’Esprit. La matière nous conduit à l’Esprit car esprit et matière ne s’opposent pas mais se complètent comme en nous le corps et l’esprit unis par l’âme dans l’amour. Avons-nous assez de temps et de ressources pour ouvrir les yeux et ne pas nous limiter à ce que nous voyons ? Sommes-nous prêts à voir l’invisible ? Il y a ici une démarche spirituelle vitale, qui prend son temps mais qui ouvre sur la réalité de Dieu. Voyez la réanimation de la jeune fille dans l’Evangile. La foule pleure, Jésus voit déjà la gloire de Dieu par cette enfant !

  1. 3. Conclusion : quand l’amour saisit !

Toucher Jésus est notre désir. Désir à purifier pour toucher le vrai Jésus, le Fils unique qui porte au Père et donne l’Esprit de vérité. Alors le miracle est possible, le miracle de la vie et de l’amour.

Toucher Jésus, c’est toucher l’invisible présent en lui, c’est toucher la Trinité par lui. L’amour le sait !

P. Francis

 

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