ORDINAIRE 14 B

« Ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse »

(2 Co 12, 7-10 ; M6, 1-6)

Jésus a su parler au cœur des petits et susciter l’espérance des pauvres de cœur. Il n’a pas fait de sélection entre les personnes mais a su reconnaître les cœurs ouverts et disponibles à entendre. Riches et pauvres reçoivent le même message. Petits et grands s’ouvrent à la même dimension spirituelle. Croyants et incroyants sont appelés au même Royaume céleste dans la liberté de la foi accueillie et vécue. Jésus a certes un regard spécial pour les rejetés et les plus pauvres du Peuple de Dieu mais ne craint pas se s’arrêter chez les plus connus et les puissants. Le saint le reçoit chez lui. Le pécheur éprouve son pardon. Il y a ici une conception du salut universelle sans discrimination. La liberté est suscitée et la réponse attendue, touchant les cœurs et interrogeant la raison. Jésus est bien enraciné dans sa culture et y partage ses élans. Il fait sien l’histoire d’Israël et en appelle à ses espérances. Il s’insère dans les travers et les grandeurs de son peuple et en élève l’avenir aux dimensions du Ciel. Pour cela, il a dû entrer dans ce monde selon les caractères humains habituels car il est fils de l’homme et il a porté ces dimensions à la grandeur divine car il est Fils de Dieu. Reconnu prophète, il assume les prophéties. Reconnu Messie, il assume les promesses divines. Reconnu Fils de Dieu, il assume l’humain pour le rendre divin. Jésus constitue alors une famille qui dépasse les limites de sa famille humaine, faisant de l’amour humain le signe de l’amour divin et éternel.

  1. 1. La vraie famille de Jésus le Messie.

Jésus avait-il des frères et sœurs comme le suggère l’Evangile du jour ? Son père n’est-il pas le charpentier de Nazareth et sa mère n’est-elle pas Marie ? Son origine modeste interpelle ceux qui entendent les paroles de sagesse venant de sa bouche. On ne peut être plus explicite sur l’impossibilité d’un homme simple à créer du nouveau. Mais cela a souvent été le cas chez les prophètes d’Israël. Hommes du cru, plus sages qu’instruits, les prophètes regardent l’avenir avec les yeux de Dieu. Ils comprennent que l’infidélité est un signe de mort et que les compromis ne sauvent personne. Ils ouvrent les yeux sur le présent et décèlent les hypocrisies et les mensonges. Jésus est de cette trempe mais dépasse cette catégorie. Il peut convertir par son regard, dénoncer le mal par sa seule présence,  pardonner par quelques mots, guérir par quelques gestes, interroger par sa seule ‘prétention’ à être le Fils… Jésus est Présence divine dérangeante et plongée salutaire dans le Cœur de Dieu. La Résurrection a illuminé les cœurs et les esprits.

Famille terrestre : la question de la famille de Jésus est toujours d’actualité. Les traditions catholique et orthodoxe ont vu dans les ‘frères et sœurs’ de Jésus des cousins et cousines, selon la pratique sémite et orientale. Il n’y a pas de mots en araméen (comme en hébreu ou arabe) pour désigner les cousins sinon en employant les mots ‘frère et sœur’. De plus, ces deux traditions affirment depuis toujours la ‘virginité perpétuelle’ de Marie, la mère du Seigneur. Vierge avant la naissance de Jésus, elle enfante le Fils de Dieu et préserve sa virginité, pour la plus grande gloire de Dieu. La foi de l’Eglise s’attarde sur ce miracle plus pour désigner la divinité du Christ que pour défendre l’intégrité physique de Marie. Marie donne naissance au Messie dans une famille humaine mais aussi au Fils du Très haut pour une famille spirituelle nouvelle. Le charpentier Joseph est celui qui est chargé de protéger l’Enfant puis disparait à la fin de sa mission. Marie, quant à elle, semble avoir une mission plus ample puisqu’elle est la génitrice mais aussi la mère du groupe naissant appelé Eglise. Au pied de la croix, elle reçoit une nouvelle mission et l’accomplira avec brio puisque sa mémoire se perpétuera jusqu’à nous, dans l’inconscient collectif chrétien et dans la recherche intellectuelle et théologique. Jésus portera sa famille à se dépasser et à entrer dans la nouveauté.

Famille spirituelle : Jésus étend les dimensions de sa famille aux apôtres, aux disciples, aux croyants. Tous peuvent entrer dans la danse de la vie et recevoir la filiation. Il sait accueillir et orienter. Il peut accueillir car sa famille est la famille de Dieu. Cette famille n’a pas de limite et n’a qu’un seul critère d’admission : l’amour. Quand on aime à la façon de Dieu et qu’on accueille l’amour du Père, on peut entrer dans sa famille, formée par le Fils et soutenue par l’Esprit Saint. De fait, le Père veut des fils et filles et non des esclaves. Les faiblesses humaines ne l’effraient pas, au contraire il y répand sa grâce. Les limites humaines acceptées sont un tremplin vers l’infini du Ciel et l’Eternité de la Trinité. « Ma grâce te suffit » dira le Seigneur à St Paul (1 Co 12), tourmenté par ses faiblesses et désolé de ses limites trop concrètes. La puissance du Christ resplendit alors à travers ses faibles serviteurs, limités et bien souvent incapables. Jésus portera donc sa famille spirituelle au maximum de l’amour afin de partager l’amour trinitaire.

  1. 2. La grande famille de Jésus le Fils.

Il nous arrive d’être découragé : tant de faiblesses en nous et dans l’Eglise. Nous voudrions être parfaits ou au moins capables de perfection ou tout au moins dignes de l’intérêt du Père. Devons-nous, cependant, attendre d’être parfaits pour entreprendre le chemin vers Lui ? Peut-être confondons-nous encore perfection et sainteté ? La perfection semble impossible. Dans la sainteté, la faiblesse est surélevée par la grâce et brille de la beauté divine.

Il nous choisit : en nous, nous découvrons bien des zones d’ombre, non converties et même rebelles à la grâce. Nous ployons sous un lourd fardeau de culpabilité, de découragement, d’incompréhension… Nous ne voyons pas le jour et sombrons dans l’apathie et la régression. Et pourtant, le Seigneur nous a choisis et aimés afin de faire de nous ses fils et filles. S’il avait voulu des êtres parfaits, il aurait choisi les anges ou créé des créatures sublimes de lumière et de soumission. Non, il nous a choisis ! Quel Dieu étrange qui choisit des êtres de poussière pour les propulser dans les étoiles et les faire briller de tous leurs feux dans l’amour ! Quel Dieu merveilleux qui ouvre son Cœur pour y partager l’amour trinitaire éternel !

Il choisit l’Eglise : dans l’Eglise, nous découvrons bien des zones d’ombre. Certains s’en servent pour leurs propres intérêts. D’autres l’utilisent pour leurs perversions. Beaucoup s’en éloignent en refusant sa trop grande humanité. D’autres y voient la famille de Jésus. Certes l’histoire a montré toutes les faiblesses de l’Eglise et son péché quand elle s’éloigne de la source de la vie. L’histoire a montré aussi ses grandeurs et son courage, sa charité et sa créativité. D’origine divine, voulue par son Seigneur, elle est chemin vers Lui et trace de sa présence dans le monde. Elle resplendit à travers notre sainteté. Quel Dieu étrange qui choisit un groupe si faible pour désigner sa famille et la porter vers le Ciel ? Quel Dieu merveilleux qui ouvre son Cœur pour montrer son amour dans l’Eglise !

  1. 3. Conclusion : en communion comme en famille !

Jésus avait une famille terrestre : il l’a porté à se dépasser pour regarder vers le haut.

Jésus a une famille spirituelle, l’Eglise d’ici et l’Eglise du Ciel, son Corps : il l’a fait rayonner d’amour.

P. Francis

 

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