ORDINAIRE 15 B

« Il les envoie deux par deux »

(Marc 6, 7-13)

La diffusion du christianisme, au long des siècles, a été stupéfiante. Il a atteint les régions les plus reculées du globe et s’est inculturé sous bien des latitudes. On ne peut qu’admirer les missionnaires de toutes époques pour leur laborieux travail de terrain mais aussi les chrétiens de tout pays pour leur sérieux et leur dévotion. Des Apôtres envoyés par Jésus aux témoins de tout temps, envoyés eux-aussi par Jésus, il y a un élan missionnaire et humain sans précédent. Si certains dénigrent aujourd’hui cette aventure (les missionnaires auraient préparé le terrain au colonialisme !), il n’en reste pas moins que la dignité humaine, les droits des peuples et l’extension du droit positif ont fait des progrès évidents. Des peuple se sont pris en main, ont organisé leur avenir et ont approfondi leur culture. Des populations entières ont découverts la présence du Dieu unique qui s’est incarné pour donner paix et grâce, ont accueilli la Bonne Nouvelle du salut et de l’amour partagé, ont ouvert leur culture à la vérité et à la communion, dans la solidarité humaine et l’appel à l’au-delà. On ne peut nier que le christianisme a aidé bien des civilisations à aller au-delà d’elles-mêmes, malgré les ratés et les déficiences personnelles des missionnaires. De fait, l’impératif christologique de la mission ne peut être réfuté : il nous faut annoncer la Bonne Nouvelle, la Nouvelle de l’amour qui se donne et de la communion possible au cœur de la Trinité, reconnue, accueillie et aimée. Jésus nous envoie encore aujourd’hui porter la vie et l’amour, annoncer la vie et l’amour, vivre la vie et l’amour.

  1. 1. Mission : quoi annoncer ?

La question de l’annonce est récurrente depuis 2000 ans. Toutes les générations chrétiennes se sont employées à comprendre, à vivre leur foi et à organiser la mission. De façon surprenante parfois mais toujours avec sérieux, les chrétiens ont annoncé la vérité qu’ils portent et l’amour dont ils vivent. Depuis la Résurrection, il y a nécessité à partager le feu brûlant de l’amour et la joie de vivre de l’amour des Trois, unis dans l’unique divinité.

L’amour à l’œuvre : le retour constant sur les étapes de la Révélation nous aide à saisir l’intervention progressive de Dieu dans notre histoire. Il ne s’agit pas d’inventer une religion ou des rites mais de mettre en pratique l’Annonce reçue. Depuis Abraham et jusqu’à Jésus, ce sont des générations de croyants qui ont été touchées dans leur cœur par la Parole donnée puis incarnée. On ne peut comprendre la Bible sans y déceler le désir divin de partager le mystère jusqu’à y être participant. A travers les vicissitudes de l’histoire, les hauts et les bas d’un peuple particulier, c’est Dieu qui se révèle. Et ce Dieu n’a pas craint de s’immiscer dans nos travers pour y faire jaillir la lumière. Surprenante Bible mais Parole éternelle qui éclaire l’Histoire et notre histoire !

L’amour partagé : on aurait pu être spectateurs d’une grande fresque eschatologique, de l’action d’un dieu qui intervient et qui restaure sa création dévoyée par les actions humaines ou de l’action d’un dieu qui aurait prouvé sa puissance ou sa colère… On assiste à l’action de Dieu qui vient réparer, mais jamais sans nous, qui vient restaurer mais jamais contre notre volonté, qui vient sanctifier mais jamais sans notre propre sainteté. C’est l’œuvre du Dieu unique qui se donne à connaître et qui s’engage en notre faveur, qui se donne lui-même et qui dit son amour malgré notre scepticisme et nos refus. C’est la volonté de Dieu qui nous aime et partage son amour, jusqu’à s’incarner et partager notre condition humaine, nos limites, nos grandeurs et nos petitesses.

L’amour pour toujours : Dieu aurait pu en rester là, en rester à pardonner et à insister, à inviter et à susciter. Mais Dieu n’a pas craint de se compromettre plus avant : merveille de l’incarnation, surprise du pardon, douleur de la Croix mais surtout éblouissement de la Résurrection. Dieu se manifeste Trinité : Père qui engendre et aime, Fils qui se reçoit et aime, Esprit Saint, amour du Père et du Fils ! C’est l’amour qui est à l’origine de tout et qui explique tout ! L’amour qui se partage et se donne, amour trinitaire dans lequel nous vivrons éternellement ! Peut-on garder pour nous cette Bonne Nouvelle ? Ne doit-on pas partager cette découverte, Révélation cachée puis dévoilée ?

Si nous sommes envoyés, c’est pour dire la vérité. Cette vérité n’est pas une invention ou une construction intellectuelle. Cette vérité nous a surpris nous-aussi mais nous a poussés à aller de par le monde. Cette vérité est entre nos mains fragiles mais dans nos cœurs brûlants. Cette vérité c’est l’amour qui explose dans tous les atomes de l’univers et se fait voir et toucher par le Fils unique !

  1. 2. Mission : comment annoncer ?

Aujourd’hui, on est comme gêné d’annoncer l’Evangile ! Est-ce à cause des erreurs du passé ou parce que nous sommes incompris ou mal compris ? Est-ce par peur d’être taxés de néo-colonialistes ou de destructeurs de cultures ? Est-ce par perte de vitalité ? Et pourtant, l’Evangile progresse et se répand, les baptisés augmentent et se font entendre, la vie est défendue et l’amour annoncé, l’Eglise s’illumine malgré la faiblesse de ses membres… Les vieilles chrétientés se renouvellent, difficilement mais sûrement ; les nouvelles chrétientés se découvrent et jouissent de cette liberté de l’Esprit ; l’Eglise Corps du Christ s’illustre de plus en plus comme le Peuple de Dieu en marche vers le Royaume afin de rencontrer son Seigneur par le Christ dans l’Esprit.

Assumer l’échec : Jésus envoie ses disciples deux par deux. Jésus lui-même a connu l‘échec et a été rejeté mais peut-on arrêter les forces de l’amour et de la vie ? La mission n‘est pas notre œuvre mais celle de l’Esprit, qui agit selon sa volonté et son temps, qui sanctifie le monde et travaille au cœur des gens. Il nous reste à semer et à prier.

Assumer le succès : Jésus a connu le succès mais ne s’y est pas complu. Il a laissé l’Esprit accomplir son œuvre à travers ses Apôtres, faibles mais convaincus. On ne peut s’attribuer les succès de la mission mais les confier à l’Esprit d’amour qui montre le Père par la Résurrection du Fils. Il nous reste à prier pour garder l’humilité des fils et filles, aimés et choyés par le Père, à l’exemple du Fils dans l’Esprit de Résurrection. La victoire du Ressuscité est certaine puisqu’il est le Fils et que le monde sort des mains du Père qui envoie l’Esprit pour l’unir à lui. Tous appelés à la communion trinitaire.

  1. 3. Conclusion : annoncer cet amour qui nous brûle !

Jésus envoie les disciples annoncer le Bonne Nouvelle. Cette Nouvelle s’enracine dans un peuple travaillé par l’Esprit qui devient témoin de l’amour divin malgré ses faiblesses. On n’a pas à craindre l’échec ou le rejet. Le Maître les a vécus et vaincus. Il est le Victorieux par l’Esprit créateur.

Jésus envoie les disciples annoncer l’amour trinitaire : Dieu est Père et engendre le Fils, le Fils se reçoit et accueille l’amour, l’Esprit d’amour se répand sur le monde pour la communion des fils et filles en la Trinité Sainte. Dieu est amour et cet amour nous brûle du dedans. Annonçons-le donc !

P. Francis

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