ORDINAIRE 16 B

« Il se mit à les instruire longuement »

(Marc 6, 30-34)

Il est beau de voir comment Jésus fait confiance à ses disciples. A peine appelés et instruits, il les envoie annoncer le Royaume de Dieu. Leur enthousiasme est dynamisant, les difficultés les rendent sympathiques, leurs questions sont les questions de toujours : comment, à qui, et quoi dire ? Jésus n’a pas craint de les envoyer malgré leurs limites et leur peu de formation. Il s’agit de communiquer une Bonne Nouvelle : le Dieu de l’Alliance se fait proche et son Royaume est à portée de main. Il faudra toute la puissance de la Résurrection pour arriver à l’incroyable : ce Dieu de l’Alliance s’est incarné en Christ, s’est livré pour nous et nous appelle à la communion dans l’Esprit Saint. Tout cela parce qu’il est amour et donc Père, Fils et Esprit. Il nous arrive, comme les disciples, de douter de nous-mêmes et de nos capacités missionnaires. Il nous arrive de ne savoir quoi annoncer alors qu’entre nos mains se trouve le trésor caché depuis toujours et recherché par tant de générations d’hommes et de femmes inquiets du Ciel et soucieux de l’invisible. Ce trésor, c’est l’amour du Père donné par le Fils dans l’Esprit. Si nous ne nous mettons pas en route, d’autres annonceront un Evangile différent ou un Dieu loin de la révélation du Christ. La mission est entre nos mains. Méditons et prions, puis annonçons l’amour trinitaire pour former l’unique communauté des fils et filles, l’Eglise du Christ, Sacrement du salut pour le monde aimé du Père.

  1. 1. Le temps de la méditation.

On aime voir Jésus s’occuper de ses disciples. S’il les rabroue quelques fois, c’est pour les ramener sur le chemin qu’il a tracé, leur rappeler l’essentiel et les emmener vers le haut. Jésus a dû former ses disciples, trop enfermés dans leurs traditions et peu connaissant de la Tradition, la grande Tradition biblique commencée avec Abraham, approfondie par Moïse et ravivée par les prophètes. Il s’agit de découvrir une Présence aimante, une Providence proche des hommes, un Dessein de salut et un Désir de communion. En découvrant ce Dieu caché au plus profond de l’être mais englobant aussi tout l’univers, la force d’humanité se développe et s’épanouit pour devenir ce qu’elle est véritablement : la voie pour accueillir le divin et ainsi, sans confusion, s’unir pour l’éternité dans la différence respectée mais la communion véritable. Que de chemin pour en arriver à cette vérité ! Que d’embuches pour réfléchir la lumière ! Que d’obstacles pour empêcher la liberté de sépanouir !

Temps pour comprendre : avant la mission, il nous faut comprendre. La raison ne s’oppose jamais à la foi. Elle l’accompagne et use de tous ses feux pour activer la mémoire, l’intelligence et le cœur. La foi chrétienne est ‘rationnelle’, elle s’inscrit dans une démarche intellectuelle qui vient soutenir l’intuition et la Révélation. La raison sait s’arrêter aux limites de ses possibilités pour accueillir ses découvertes et laisser place à plus grand qu’elle. Personne n’est exempt de cet exercice et l’histoire de l’Eglise a bien montré son importance. Avec les ‘outils intellectuels’ d’aujourd’hui, c’est à nous d’entrer dans cette dynamique.

Temps pour accueillir : comprendre et accepter. La lumière du Père nous entoure de sa tendresse et touche nos cœurs. Paradoxalement, il est difficile de se laisser aimer, difficile de laisser entrer la tendresse dans nos cœurs bouleversés, nos âmes tourmentées, nos esprits inquiets, nos corps torturés. Alors que tous cherchent l’amour, quand l’amour se présente, les barrières se lèvent et les protections se font tenaces. Peut-être parce que sont renvoyées à nos esprits les limites de nos vies ou les tensions internes insurmontables ! Ou peut-être parce que nous préférons le chemin plutôt que la ligne d’arrivée ! Accueillir l’amour dans nos vies est essentiel pour ‘voir Dieu’, saisir la force du Christ et vivre de l’Esprit Saint. Accueillir l’amour, c’est devenir enfin nous-mêmes, un être humain aimé devenu fils/fille d’un Dieu aimant !

Temps pour prier : comprendre et accueillir nous introduisent à la prière. Non pas une répétition païenne de mots inutiles ou ‘préfabriqués’ ; non pas une épreuve douloureuse devant un Être Suprême courroucé ; non pas une obligation religieuse sous peine de châtiments infernaux ; non pas un calcul mercantile du donnant-donnant. Non ! Mais un désir d’amour d’être avec l’Aimé, une tension vers le haut et le beau, un élan vers le Père qui nous attend, un cœur-à-cœur entre deux êtres qui s’aiment et se cherchent, une puissante volonté de communion et un lâcher-prise salvifique. La prière, à la suite du Christ, est une plongée dans l’amour trinitaire et une participation à la gloire éternelle de la Trinité, Dieu d’amour qui se communique.

Comprendre pour aimer ; accueillir dans l’amour ; prier par amour ! Alors la mission est possible car elle ne sera que l’expression de ce qui a été vécu, expérimenté, aimé. Alors le cœur peut parler.

  1. 2. Le temps de l’annonce.

Le temps nous presse et la mission se fait insistante. Tant d’hommes et de femmes se perdent, s’isolent, s’autodétruisent. Tant de nos contemporains abandonnent jusqu’aux valeurs humaines, défendues depuis la nuit des temps : valeur de la vie, de la recherche de la vérité, de la différence, du respect… Même l’amour est travesti en passion, sentiment ou faiblesse. Dieu est méconnu ou défiguré, réduit à une énergie cosmique ou à une étincelle divisée en millions d’autres que nous serions. Le Dieu unique est soit remis en cause (retour du paganisme) soit isolé et courroucé dans son Ciel. La Trinité est interprétée comme un trithéisme ou une extension des triades païennes… On a bien du travail pour rétablir la vérité : ici dans nos anciennes terres chrétiennes retournées aux cultes païens (de la nature, du progrès, de cycle éternel, de la réincarnation…) ou ailleurs là où des religions/philosophies oppriment les valeurs et les hommes.

Annoncer le Dieu d’amour : le Père de Jésus-Christ nous donne son Fils et l’Esprit et nous invite à la communion trinitaire. Qui peut dire que Dieu est amour sinon les chrétiens ? Et l’amour libère, consolide, donne sens, élève, ouvre l’invisible et les Portes du Ciel. Le Royaume est le Cœur de la Trinité, là où le Père nous attend et où le Fils nous introduit jusqu’à ‘spirer’ l’Esprit Saint dans un mouvement éternel ! Beauté de la Trinité !

Annoncer la beauté de l’humanité : l’homme et la femme sont destinés à être des fils et des filles de ce Père révélé en Christ. Si Dieu s’est incarné, devrions-nous mépriser l’humanité ou même la matière ? Cette matière est ‘habitée’ par l’Esprit qui la modèle et la divinise. Si l’humanité est aimée, devrions-nous refuser d’être des humains en rêvant à l’impossible, à la puissance illusoire ? Si Dieu se donne sans contre-don, devrions-nous exiger quelque chose en retour ? Beauté de l’humanité !

  1. 3. Conclusion : l’amour nous presse !

Jésus invite au repos : temps pour méditer et refaire ses forces et temps pour se plonger plus longuement dans le mystère d’amour de la Trinité. Alors l’amour trinitaire se reflètera dans nos paroles et actions et brillera de sa lumière éternelle. L’annonce est rendue à nouveau possible !

P. Francis

 

This entry was posted in Année B, Français, Père Francis, Temps Ordinaire II. Bookmark the permalink.