ORDINAIRE 21 B

« Nous savons que tu es le Saint, le Saint de Dieu »

(Jean 6, 60-69)

La lecture du chapitre 6 de St Jean se termine aujourd’hui. Il aura fallu tous ces derniers dimanches pour pénétrer le mystère de l’identité du Christ et ses mystérieuses paroles concernant le « Pain de vie ». Par la multiplication des pains, Jésus a su orienter les disciples et la foule vers une réflexion de fond le regardant et regardant le don de Dieu en lui. La manne au désert n’était qu’anticipation du don plus grand à venir. Les miracles de l’Ancien et du Nouveau Testament n’ont été que des signes désignant une réalité plus grande. Ainsi, tout a servi à préparer le don suprême, gratuit, définitif : le don du Fils pour le salut du monde et notre adoption filiale. Dieu a donné ce qu’il avait de plus précieux, a donné de lui-même, s’est donné lui-même par son Fils dans l’Esprit. Il nous arrive de chavirer à la pensée d’un si grand don et d’une si grande proximité. Est-ce vraiment possible ? Dieu peut-il à ce point se faire proche et se donner ? Peut-il vraiment se donner en nourriture dans l’Eucharistie ? D’aucuns doutent ou s’insurgent. D’autre veulent ignorer un tel don. Beaucoup accueillent les Paroles de vie du Christ, Verbe Eternel et Pain de vie. La folie de l’amour est à l’œuvre et éclate au grand jour par le Christ. Sa mort et sa Résurrection seront le déclencheur d’une aventure qui se poursuit et qui s’épanouira dans le Royaume annoncé, dans le cœur de la Sainte Trinité.

  1. 1. ‘L’intolérable amour’.

Alors qu’on recherche l’amour, on a bien des difficultés à l’accueillir. Quand il se présente dans sa grandeur et sa pauvreté, on fait les difficiles, s’enfermant dans des idées illusoires ou perverses. On s’imagine savoir ou connaître la définition de l’amour. On le lie à nos passions, à nos sentiments, à notre folie… Alors qu’on n’a que ce mot à la bouche et qu’on le chante à tout vent, il est ignoré, rejeté, perverti, refusé dans sa vérité. L’amour est-il si passager et limité à nos horizons mondains ? Est-il changeant comme les vents et fragile comme les pulsions qui nous tenaillent ? Et pourtant ! Jésus a montré le chemin d’un don total qui ressemble au don total de Dieu. A travers nos fragilités humaines et les limites de nos corps, l’amour se donne, grandit, s’élève et rejoint l’amour trinitaire. Le christianisme nous introduit dans le mystère le plus grandiose et le plus accompli, l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit, l’amour éternel. Certains ne peuvent y croire, d’autres se laissent entraîner par l’Esprit.

‘L’incarnation est intolérable !’ : Dieu peut-il s’incarner ? La question revient chaque année à Noël et nous est posée par les non-chrétiens. N’est-ce pas une folie d’y croire ? N’est-ce pas ‘réduire Dieu’ à nos limites contingentes ?  Mais c’est renier le Christ que de limiter la puissance divine et la volonté divine de partager notre humanité. L’incarnation n’est possible que par l’amour de Dieu et que par la puissance de l’Esprit.  Elle révèle et le dessein de Dieu et sa Trinité. Le Fils s’incarne et assume notre chair pour la consacrer de l’intérieur et en faire notre chemin vers Dieu. Il n’y a que l’amour qui peut aller jusque-là !

‘La mort du Christ est intolérable !’ : Dieu peut-il mourir ? La question revient chaque année à la semaine Sainte et nous est posée par les non-chrétiens. Comment l’Eternel peut-il mourir ? Comment le divin peut-il être ‘entaché’ de mortalité ? Mais c’est renier le Christ que de refuser sa mort salvifique et le pardon obtenu. La mort du Christ est la conséquence du péché mais aussi de l’amour du Père qui veut nous sauver et nous prendre avec lui. Le Fils meurt car il s’est vraiment incarné. Il rejoint le monde divin qui est le sien et se réunit avec Celui qui l’a envoyé. Il n’y a que l’amour qui peut aller jusque-là !

‘La Résurrection est intolérable !’ : Dieu peut-il ressusciter ? N’est-ce pas ‘actualiser’ les mythes païens de résurrection ? La question revient chaque année à Pâques et nous est posée  par les non-chrétiens. Mais c’est renier le Christ que de ne voir en sa Résurrection qu’une apparence, un symbole, voire une illusion. Si le Christ n’est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux des hommes et nous berçons d’illusion. La Résurrection est la révélation ultime de la divinité du Christ et de la volonté du Père de nous diviniser, de nous adopter comme ses enfants, de nous joindre à lui et de nous introduire dans le sein de la Trinité. Le Christ ressuscite et fait de nous son Corps, le Peuple de Dieu, le Temple de l’Esprit, nous entraînant dans le tourbillon d’amour trinitaire. Il n’y a que l’amour qui peut aller jusque-là !

Oui, c’est intolérable ! Il est intolérable d’aimer à ce point et de nous emporter dans cet élan. Des disciples n’ont pu accepter cette folie et ont quitté Jésus. D’autres sont restés car lui seul « a les paroles de la vie éternelle » (Jean 6, 67-69).

  1. 2. L’irruption du divin dans notre humanité.

Comment accueillir la vérité des paroles du Christ sans l’accueillir comme le Fils de Dieu, le Saint, le Béni ? Il y a ici un nœud qu’on ne peut dépasser. C’est le noyau de la foi chrétienne. Le Christ est Dieu, expression de l’Être du Père, icône de la divinité, parfaite image de la Trinité. Qui le voit, voit le Père. Qui le touche, touche le Père. Qui l’aime, aime le Père. On ne peut se défaire de lui pour ‘croire en Dieu’ sans se dénaturer et travestir la Révélation, l’arranger à notre sauce et s’alimenter d’une nourriture spirituelle limitée et sans vitamine. Le pas dans la foi demande amour et volonté. Amour du cœur qui est en éveil et volonté de l’esprit qui accepte ses limites.

Le Christ est le Saint de Dieu : la divinité du Christ est au cœur du christianisme. La Résurrection a illuminé le cœur des croyants. La grâce a été donnée et se propage en nous. Elle vient nous élever au divin et nous transformer en Christ. Elle fait de nous des enfants d’adoption qui vivent de la  filiation dans l’amour. Le Christ est Dieu et nous divinise par son œuvre et par son unique Personne.

Le Christ est notre vraie nourriture : si le Christ est Dieu, on comprend qu’il se donne en vérité et que se nourrir de lui est source de bonheur et d’éternité. L’Eucharistie reprend et résume tout cela. Elle est action de grâce pour la grâce reçue et pour l’amour donné en Christ. Elle ouvre le Ciel et unit au Père dans l’Esprit. Elle est le signe de l’unité de l’Eglise, Corps du Christ, et de sa dignité. L’Eucharistie est le plus beau cadeau du Christ à son Eglise et le plus beau moment de l’Eglise avec son Seigneur. Après avoir demandé pardon, écouté et prié, on entre dans une action de grâce qui nous dépasse et qui touche le monde invisible. S’unissent alors les mondes, les croyants et les anges, les saints et les pécheurs, les hommes et les femmes, les ‘déjà’ enfants de Dieu et ceux en attente… pour la plus grande gloire du Père, par le Christ s’offrant dans l’amour, dans l’Esprit de vérité. La communion en est le sommet !

  1. 3. Conclusion : le Christ est le Saint de Dieu

Rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ. Il nous joint au Père pour vivre de l’Esprit divin.

P. Francis

 

This entry was posted in Année B, Français, Père Francis, Temps Ordinaire II. Bookmark the permalink.