ORDINAIRE 22 B

« Ce qui vient du dedans, du cœur de l’homme … »

(Marc 7, 1-23)

On compare souvent la foi chrétienne aux autres religions. On tente d’y trouver les ‘constantes’ et les ‘divergences’. On la classe dans les religions du monde et on étudie son histoire, ses idées, et ses rituels. Elle n’échappe pas à la critique historique comme ses textes sacrés, à l’exégèse historico-critique. C’est un risque nécessaire et une voie de vérité. On oublie cependant toute la nouveauté apportée par le Christ et ses positions quelque peu ‘radicales’ quant au religieux. Le Christ, dans la ligne des prophètes antérieurs, s’insurge des ‘récupérations’ socioreligieuses de la foi ou politiques de l’Alliance et de l’élection. Il s’élève contre le ritualisme et la rigidité, tombeaux de la créativité et de la liberté de l’Esprit. La foi chrétienne est foi en la Personne divine de Jésus le Christ, mort et ressuscité, nous donnant accès au Père dans l’Esprit. Si la foi demande des rites et de l’organisation, elle n’en reste pas moins première sur tout ce qui l’empêche de s’exprimer. L’approche chrétienne de la religion s’en trouve modifiée et motivée : reliés au Père dans l’Esprit, le Fils étant la Voie, le Chemin car il est Lumière et Vie. Nous avons foi et aimons le Christ qui nous mène à l’amour du Père avant d’être membre d’une religion en tant que telle. L’Esprit agit en nous et nous libère de toute entrave, même religieuse ou supposée telle. Il nous emporte à la Présence divine en prenant des ‘voies classiques’ mais aussi, bien souvent, des voies extraordinaires qu’il nous faut discerner.

  1. 1. La voie du Christ.

Jésus s’inscrit dans une Tradition, on ne peut le nier. Mais il  dégage de cette Tradition tout ce qui est ajouts, traditions culturelles ou locales, habitudes… Il veut approcher l’essentiel et le noyau de la relation obtenue dans l’Alliance. Pourquoi submerger les hommes de tant d’interdits ou de tant de prescriptions ? Ne sommes-nous pas les fils et filles du Dieu de liberté ? Notre voie n’est-elle pas celle de la conscience éclairée et de la liberté apaisée ? Une nouvelle façon d’être ‘religieux’ s’ouvre à nous : il s’agit de vivre la filiation et de la concrétiser dans le quotidien

Voie de l’amour : en mettant en première position l’amour, Jésus se défait des habitudes et des scléroses. L’amour est créatif et inventif, charitable et entreprenant, perspicace et perçant. On ne peut l’enfermer dans des lois et des règles tant il se veut libre et joyeux. Cet amour est don de Dieu. Il ne s’agit pas d’amourettes ou de vagues sentiments, il s’agit d’une option de vie avec ses tensions et ses souffrances. Si Dieu est amour, il nous faut nous donner comme lui, à sa suite. Un Dieu d’amour est plus exigeant qu’un Dieu autoritaire qui dit quoi faire ou quoi penser sous peine de punition.

Voie de la conscience : l’amour éclaire la conscience en y insufflant son dynamisme et ses exigences. Il n’est pas approximatif ou élastique, peureux ou voilé. Il est lumière qui donne sens et oriente la vie. Ainsi  la conscience s’en trouve renforcée pour prendre des décisions adéquates et nécessaires. Elle se nourrit de vérité et d’objectivité pour renforcer sa présence dans la réalité et le concret. Elle est droite, lumineuse et éclairée. Comme la conscience est la voix de Dieu dans le cœur de l’homme, par l’amour, elle s’unit à la volonté divine et s’oriente en conséquence. Un acte de conscience est un acte libre. Une décision de conscience doit être suivie. Elle s’engage vers le bien et le vrai. La subjectivité rejoint alors l’objectivité, la volonté de Dieu rejoint notre cœur.

Voie de la liberté : l’amour au départ, la conscience illuminée ensuite, la liberté peut s’exprimer dans toute sa force. La liberté n’est pas un caprice qui répond à des intérêts personnels ou à des pulsions passagères, elle est un flux qui emporte vers le divin. Elle est un chemin de beauté qui mène au Père par la grâce du Fils et dans l’Esprit de vérité. Elle est joie d’être homme/femme dans l’Esprit, fils/fille dans le Fils, héritiers et entreprenants, ouverture à l’invisible et projet d’avenir. Quoi de plus positif que cette possibilité d’unir son humanité avec la divinité, d’harmoniser les contraires et les contraintes, d’évoluer en paix vers le Royaume d’amour de la Trinité ?

Voie de la pureté : Jésus rappelle que ce qui vient du dedans rend pur ou impur, que le cœur de l’homme transpire sa vie intérieure avec ses beautés et ses misères, que nous donnons ce que nous avons reçu. La pureté du cœur est ouverture à la pureté divine et à la limpide fraicheur de l’Esprit. Elle s’étend à nos corps en croissance spirituelle, à nos esprits en recherche de grandeur, à nos vies en quête de relations saines et vraies. Elle s’exprime par nos yeux limpides et nos mains ouvertes. Elle dépasse nos catégories morales pour s’épanouir dans une éthique de responsabilité et de liberté.

Jésus est le Chemin. Il indique le cœur du Père et donne l’Esprit. Il est le Saint et le Pur qui ouvre le Ciel et nous y introduit par-delà nos faiblesses et limites, dans le pardon accordé et l’amour partagé.

  1. 2. « Le Père de toutes les lumières » (Jacques 1, 17)

N’est-ce pas le Père, finalement, l’objectif ultime ? Sa parole de vérité donne vie. Cette Parole, c’est son Verbe Eternel, le Fils de son amour éternel, le Bien-aimé avant toutes créatures. Par lui, il fait de nous les premiers appelés, ses fils et filles, chéris et purifiés. La religion demandée est un lien authentique, une relation véritable, un partage nécessaire, une action de grâce perpétuelle.

Le Père purifie : la pureté est trop souvent reliée aux mœurs et pas assez aux dispositions du cœur. Dans l’Ancien Testament, elle a à voir avec le sacré. Est ‘impur’, celui qui a touché au mystère ou au sacré. Il doit se purifier pour ‘revenir’ au profane. Ainsi commence l’histoire de la purification rituelle qui passera à la purification morale. Est ‘pur’ ensuite, celui qui est prêt à entrevoir le sacré et le divin avec un corps et cœur disponible à la rencontre. Il aura fallu toute la puissance de la Résurrection pour nous transformer de l’intérieur et la grâce du baptême pour nous purifier définitivement. La pureté est donc acquise, elle concerne désormais le cœur et ses intentions.

Le Père sauve : ayant acquis le pardon et la pureté, ayant participé à la transformation du corps amorcée à l’Incarnation et complétée à la Résurrection, ayant accueilli l’Esprit de vérité et la grâce de la filiation, nous sommes entrés dans ces relations nouvelles qui nous font hommes/femmes selon la volonté de Dieu. Le salut est donné. La grâce est reçue en abondance. Ainsi, ‘se garder propre’ et ‘pratiquer la religion’ signifient charité envers le prochain et amour de la Trinité (Jacques 1, 27).

  1. 3. Conclusion : l’Esprit agit en nous !

Jésus nous indique la voie royale pour trouver le Père : l’amour qui illumine la conscience où Dieu se trouve et l’agir dans la liberté des fils. Sera pur celui qui aura le cœur pur. Les purifications rituelles extérieures ne sont plus utiles puisque nous sommes purifiés dans le sang du Christ et que la Résurrection nous a donné la grâce filiale.

Jésus nous indique le Soleil de nos vies : l’Esprit qui agit en nous et par nous, qui aime en nous et par nous, qui sauve par nous et avec nous. La religion est charité, l’Esprit d’amour l’éclaire et l’anime.

P. Francis

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