ORDINAIRE 24 B

« Qu’il prenne sa croix »

(Marc 8, 27-35)

Jésus s’est montré l’héritier des promesses de l’Ancien Testament en répondant aux attentes du Peuple élu. Ces attentes ont cependant été quelque peu corrompues avec le temps ou mal interprétées : on attendait un messie politique ou un bienfaiteur de l’humanité ou encore un faiseur de miracles. Celui qui devait venir devait renverser les situations et s’imposer. Jésus n’entre pas dans cette dynamique. Sa dynamique est le salut par l’amour et la construction du Royaume de Dieu dans l’amour. Il déconcerte ses propres disciples et devra les ‘éduquer’ selon ses vues qui rejoignent les vues du Père. Il va se démarquer de la religion et de ses pratiques en introduisant une nouvelle approche de celle-ci et de sa pratique. Héritier, il est aussi innovateur ou, peut-être mieux, éclaireur. Il ‘revoit’ les choses selon l’ordre de Dieu et revient à l’essentiel de l’Alliance, de la Loi et du Culte. Pour cela, il y laissera la vie. Sa souffrance va être salvifique. La croix va montrer la voie vers le Père, voie dramatique mais combien lumineuse. Fallait-il vraiment que le Christ souffrît ? Mystérieuse volonté du Père et acceptation du Fils dans la lumière de l’Esprit Saint. La croix sans la Résurrection reste l’instrument de torture le plus horrible qui soit. A la lumière de Pâques, elle devient signe lumineux de l’amour sans condition du Père et expression de la volonté divine. Elle rejoint nos vies et nous prépare à l’accueil de la lumière pascale.

  1. 1. Mystérieuse souffrance.

On accuse souvent le christianisme de dolorisme. Il serait centré sur la souffrance et la mort. Sa morbidité nous comblerait de culpabilité et de remords. Est-ce l’image que nous donnons alors que nous vivons de la joie pascale et de la fierté de la filiation ? Si la souffrance et la mort font partie de la religion, elles n’en sont pas le centre névralgique. La vie actuelle et la vie éternelle sont les moteurs de notre intériorité et de notre action. Mort et souffrance font partie de la vie mais ne la limitent pas. Dieu est éternité. Sa vie est communion. Son cœur est amour. Nous y goûtons à chaque instant.

La souffrance humaine : qui peut nier la part de souffrance que vit chaque être humain ? Certains disent même que la vie n’est que souffrance et douleur. Il y a ici une réalité à accepter et à penser. La recherche sapientielle et religieuse n’est peut-être qu’une tentative de répondre à cette réalité. Nous faisons, à un moment ou à un autre, l’expérience de la souffrance physiquement, psychologiquement, moralement… Si la mort a permis à la vie d’éclore au cours de l’évolution, c’est aussi parce qu’elle ne s’oppose pas à la vie mais l’accompagne pour un plus grand épanouissement. Ainsi la souffrance ne s’oppose pas à notre croissance intérieure mais y participe par une purification qui nous grandit et nous humanise. Elle reste une expérience humaine fondamentale et spirituelle.

La souffrance du Christ : elle nous éclaire sur notre propre souffrance et sur le sens qu’on peut lui donner. Rester dans l’incertitude ou l’expectative est peut-être le plus douloureux qu’on puisse vivre. L’acceptation du Christ, la souffrance assumée et la volonté de s’en remettre au Père dans la confiance sont des ‘leçons de vie’ qui nous interpellent. Certes, on doit combattre la souffrance et soulager les souffrants, on doit lutter contre la maladie et les douleurs imposées mais quand la souffrance se présente sans raison apparente, sans interférence extérieure, sans masque, que nous reste-t-il sinon contempler le Christ en Croix ? Sa douleur nous purifie, sa souffrance nous donne pardon, sa confiance nous ouvre le salut. Même si on ne cherche pas à souffrir, l’acceptation reste un chemin spirituel qui, mystérieusement, porte à la lumière. La lumière pascale nous le montre et nous encourage, non à vouloir souffrir, mais à vouloir vivre ‘malgré tout’.

Le chemin vers le Père : on se demande toujours pourquoi le Père a permis la mort du Fils et pourquoi la Rédemption demandait tant de sacrifices ? Y-a-t-il une réponse satisfaisante tant se mêlent volonté divine, mission du Fils, présence de l’Esprit Saint et histoire humaine dramatique ? Le péché a introduit une dimension douloureuse dans notre histoire, déjà affrontée à de nécessaires passages difficiles et à la mort qui renouvelle la vie. Il a accentué la dramatique de notre expérience et la peur de l’inconnu, la peur du non-amour et de la solitude. Il reste que le Christ s’en remet au Père et que cette offrande de lui-même est salut et ouverture à la vie. Il est difficile de croire que la souffrance purificatrice et offerte puisse nous donner la joie intérieure et ouvrir le Ciel, c’est pourtant un chemin vers Dieu, dramatique certes mais réel et certain.

Si la souffrance est ‘un passage obligé’, elle peut être un chemin vers la lumière. Le Christ en croix est l’homme des douleurs (Isaïe 50, 5-9) qui deviendra le Ressuscité, porteur de vie et d’espérance.

  1. 2. Eclairage du Christ.

De fait, c’est toujours à partir du Christ que nous devons nous situer. Il est ‘boussole’ et direction. Comment accepter notre réalité sans son éclairage, sans sa Parole ou son regard d’amour ? Il est Lumière dans la nuit et feu dans l’existence. Parole de vérité, il nous unit au Père par son Esprit de vie. Encore faut-il croire qu’il est le Fils, qu’il est icône du Père, qu’il est expression de l’amour divin. Mais plus que croire encore, il faut l’aimer pour en faire le centre de notre existence douloureuse et mouvementée. Il est digne de notre adoration.

Jésus Christ est le Messie : en effet, il a répondu et dépassé les attentes de l’Ancien Testament. C’est là l’œuvre de Dieu. Les promesses étaient abondantes mais c’est Dieu lui-même qui est venu, qui s’est incarné. Jésus est dans la lignée biblique. Il la porte à son plein épanouissement par la révélation de son identité filiale et divine.

Jésus Christ est le Fils : puisqu’il est le Messie, reconnu Fils de Dieu par sa Résurrection, il peut nous porter à bout de bras vers la pleine lumière. Il donne un éclairage particulier à nos existences, à la création, à l’Histoire humaine. Il nous porte à la plénitude du sens. En lui, nous avons la pleine lumière sur le pourquoi, le comment et le futur. Le temps entre dans l’éternité, la finitude dans l’infini, l’amour dans nos veines. Le divin est accessible, la souffrance est un chemin de lumière.

  1. 3. Conclusion : professer l’amour !

La souffrance nous révolte et c’est tant mieux. Elle nous interpelle et nous rend humble. Nos réponses sont des balbutiements incertains. Il est bien difficile de l’intégrer même si elle participe à la vie et à son intériorité.

La souffrance reçoit un éclairage par la souffrance du Fils. Il l’accueille humblement dans la confiance. Elle devient chemin vers Dieu quand elle est reçue dans l’amour. La Croix en est le signe le plus lumineux et le plus parfait. L’amour ici s’exprime dans toute sa grandeur et sa beauté.

P. Francis

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