ORDINAIRE 25 B

« Si quelqu’un veut être le premier… »

(Marc 9, 30-37)

Ils sont bien des nôtres, ces disciples qui veulent savoir qui est le plus grand. Ils nous ressemblent dans leur course aux privilèges, aux honneurs et à la respectabilité. Nous passons notre temps à lutter pour trouver ou conserver notre place, à nous battre pour nous élever dans la hiérarchie, à abaisser les autres pour montrer notre force ou nos compétences. Cette mentalité prévalaient chez les Apôtres avant leur ‘éducation’ et leur ‘formation à l’humilité’. Jésus n’a eu de cesse à leur montrer le chemin, à les purifier de cette mentalité de rivalité et d’orgueil, à leur enseigner l’humilité et l’esprit de service. Mais pour cela, il faut passer par le prisme de la souffrance, de la foi, de la lumière. La souffrance purifie nos intentions, la foi éclaire nos choix, la lumière nous plonge dans l’essentiel et la vérité de notre vie. Nous servons un roi, le Roi de l’univers mais ce Roi est crucifié et ressuscité. Son sacrifice est la raison de sa victoire. Sa Résurrection est la force de sa grâce. L’Eglise, que nous sommes, devrait refléter tout cela. Nous devrions briller comme des étoiles dans la nuit du monde, comme des lampes dans les tâtonnements de la science, comme des lumières pour les hommes en recherche. Jésus est la Lumière. Nous en sommes les reflets par grâce.

  1. 1. Le service dans l’Eglise.

Loin de l’esprit mondain, l’Eglise est le sacrement du Christ. Elle porte le Christ aux hommes et le porte en elle comme son bien le plus précieux. Toujours projetée en avant, vers le Royaume, elle n’en témoigne pas moins des signes avant-coureurs tout en le bâtissant. Du monde, elle s’en détache. Hors du monde, elle en accomplit la sainteté. Elle est Corps du Christ et Temple de l’Esprit. Quelle belle vocation et quel privilège ! Elle s’habile de lumière pour transmettre la Lumière. Elle se purifie sans cesse pour transmettre la Pureté Céleste. Elle est belle pour transmettre la Beauté même, celle de la Trinité Sainte qui attire et emporte dans son amour. Le service du quotidien est déjà le service de louange trinitaire.

Servir comme le Christ : Jésus a montré le chemin. Son service n’était ni autoritaire ni intéressé. Il agissait selon la volonté du Père pour le salut de l’humanité et la transformation, en Lui, de l’univers. On se souvient qu’il a servi comme un esclave, prenant la dernière place, pour y placer l’amour et relever l’homme. Le mot ‘esclave’ (en grec : doulos) est employé à dessein par les Evangélistes. Il situe la volonté du Christ de se faire le ‘dernier’ afin de sauver, par son humilité, la multitude. L’esprit de service est une valeur évangélique prioritaire qui s’enracine dans l’amour et s’épanouit en Dieu. Dernier parmi les serviteurs, le Christ est le Premier né d’entre les morts, la Lumière sur nos pas, la Force de l’amour.

Service dans l’Esprit : Jésus a servi, non pas en privilégiant sa position de Fils, mais en y mettant toute la profondeur de sa filiation. Il sert parce qu’il est le Fils. L’Esprit est l’agent qui rend possible les impossibles et qui entraine vers le haut celui qui veut servir. L’Esprit est celui qui donne la force de l’amour en nous entrainant dans l’amour trinitaire. Goûtant à l’amour divin, nous sommes plus à même de le refléter dans nos vies et nos choix, dans notre implication concrète et dans nos amours humaines.  Le service est donc spirituel et rejoint notre condition mortelle en y insufflant le divin. Il y a ici un lien véritable entre nous et la Trinité : par notre service, la Trinité est servie et aimée. Elle peut aimer par nous et toucher les cœurs. Si l’Esprit est l’amour du Père et du Fils, il est aussi le lien entre nous et la Trinité, communauté d’amour qui forme l’unique divinité en lequel nous croyons.

Servir le Père : en servant l’humanité, le Christ a servi le Père dans la force de l’Esprit. La grâce est donnée par cette ‘communication’ constante entre le Fils et le Père. Communication éternelle au sein de la Trinité, mais communication permanente dans le temps de l’Incarnation. En pouvait-il être autrement ? Le Christ pouvait-il être éloigné de son Père sans conséquence dramatique. C’est tout le drame de la Croix et de la mort du Christ que de nous rappeler la douleur, physique d’abord et réelle, mais aussi ‘ontologique’ de celui qui ne pouvait se résoudre à la ‘séparation’, à l’abandon, au rejet. L’amour du Père enveloppait alors le Christ d’une lumière particulière en laquelle le Fils a cru. Le service du Christ est non seulement une voie spirituelle mais aussi une voie ontologique, un lien de vie, une raison d’être, un amour qui relie à la Trinité.

Servir, c’est entrer dans le cœur de la Trinité, c’est ouvrir la voie du salut, c’est toucher le cœur de Dieu, c’est relier le monde à l’amour trinitaire et en partager le bonheur, le dynamisme et l’éternité.

  1. 2. Le serviteur souffrant.

Nous sommes mal à l’aise en face du Crucifié. Il dérange nos certitudes, met en lumière nos inconsistances et nos péchés. Il éclaire la partie sombre de l’humanité. Le Crucifié est ‘notre œuvre’ dans toute sa laideur. Il est aussi le signe de sa volonté d’aller jusqu’au bout, de se sacrifier pour les autres, de montrer la grandeur humaine. Le Crucifié est surtout le signe éclatant de l’amour divin et de la Volonté du Père. Il ouvre le Ciel et laisse l’Esprit se répandre pour donner grâce et filiation, pour révéler la vérité de la Trinité Sainte dans sa communion.

Jésus souffre : Jésus n’a pas cherché la souffrance mais il l’a vécue. Il l’a acceptée comme partie intégrante de notre humanité en peine. Souffrance non désirée que nous subissons plus ou moins bien. Souffrance imposée dont nous affligeons les autres (Sag. 2, 12ss). Souffrance acceptée qui purifie la vie. L’homme des douleurs, le Christ, parcourt notre chemin quotidien et reçoit la souffrance, dans la crainte, mais dans l’obéissance. Il pourra rejoindre le cœur de Dieu par sa douleur vécue dans la foi et l’amour, dans la confiance et l’abandon.

L’homme souffre : N’y-a-t-i pas ici un chemin de vie ? Nous préférons la révolte, l’athéisme ou le scepticisme. La souffrance est un scandale, certes, mais assumée par le Christ. Il nous est donné de la vivre en communion avec le Crucifié pour partager ensuite la victoire du Ressuscité. Ce chemin se prépare par le service « d’esclave », s’intensifie par l’amour du Père et s’épanouit dans l’Esprit du Fils. Alors seulement, par un service devenu filial, nous pourrons accepter une souffrance à la manière du Fils, vécue filialement.

  1. 3. Conclusion : l’amour nous guide.

Jésus est le serviteur de Dieu : son service est vrai car il est vécu dans l’amour. Pas d’intérêt ou de privilège à en tirer. Pas d’esprit mondain ou de performance. Un service qui rejoint l’état d’esclave, l’humilité, pour être relevé au niveau du Père par l’Esprit.

Jésus est le serviteur souffrant : il accepte la souffrance, non comme une fatalité, mais comme un chemin possible vers le cœur de Dieu. Il traverse les ravins de la mort pour atteindre les rivages du Royaume, les pâturages radieux de l’Esprit, le Cœur même de la Trinité.

F. Francis

 

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