ORDINAIRE 26 B

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous »

(Marc 9, 38-43.45.47-48)

Jésus nous semble parfois excessif dans ses paroles ou ses exemples et cela nous effraie. On peut le trouver trop radical, trop exigeant, trop profond. Certains le trouvent trop fanatique dans son approche et exagéré. Il serait en opposition constante avec les milieux politico-religieux de son époque et cela le porte à l’excès. S’il est exigeant, n’est-ce pas de l’exigence de l’amour, de la passion pour la vérité, de l’urgence de la conversion ? Est-il un rêveur ou est-il un révélateur ? Ses exigences sont un chemin de vérité qui va jusqu’au bout de l’amour et de l’Alliance. Il n’y a pas de doute, Jésus est tout tourné vers le Père et agit par l’Esprit Saint. En cela, il sait l’urgence de la communion et la possibilité du changement intérieur favorisant cette communion. Si la foi est un acte d’amour envers le Père par le Fils dans l’Esprit Saint, elle se purifie et s’enracine dans une exigence de vérité et de pureté, de connaissance et de conversion, de relation et de communion. Jésus veut éliminer de nos vies tout ce qui nous enchaîne et nous détourne de cette communion véritable, nécessaire, profonde, éternelle. « Arrachons » donc tout ce qui nous entraîne au péché et à la mort pour nous engager vers ce qui donne vie et grâce.

  1. 1. Peuple de prophètes.

Au baptême, nous devenons ‘prêtre, prophète et roi’. Nous acquérons une dignité de fils/fille du Père pour vivre de l’Esprit du Fils unique, mort et ressuscité. On oublie ces dimensions orientant notre quotidien et les laissons à la seule théologie ou la seule spiritualité. En est-ce ainsi ? Oublions-nous les conséquences de notre baptême renforcé par notre confirmation et nourri par l’Eucharistie ? Si le sacerdoce commun s’exercice dans le culte nouveau de la Nouvelle Alliance en Christ et si notre royauté se déploie dans la transformation amoureuse du monde, qu’en est-il de notre aspect prophétique ? Serions-nous paralysés par la peur ou par une ‘contamination’ de l’esprit du monde nous empêchant d’agir, de réagir et produire les fruits de grâce de l’Esprit Saint ? « Ah, si Dieu pouvait mettre son Esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes » souhaitait Moïse ! Et cela s’est réalisé en Jésus Christ par l’Esprit de Résurrection.

Prophètes dans la vie : le prophète sait interpréter les signes de la présence divine dans sa vie. Il sait et voit. Il sait que Dieu l’aime et l’anime, le stimule et le transforme. Il voit l’invisible en œuvre et la force de l’Esprit agissant. Il ne s’agit pas, comme le veut l’adage populaire, de connaître l’avenir mais de comprendre l’avenir avec ou sans Dieu, d’en tirer les conséquences spirituelles et de réagir à temps. L’Histoire Sainte nous montre cette clairvoyance des prophètes en fonction de l’Alliance et des choix personnels. Notre quotidien est le lieu de notre expérience divine et le creuset de sa véracité.

Prophètes dans la société : le prophète sait entrevoir les signes de l’Esprit de Dieu mais aussi les traces de l’esprit du monde ou de l’adversaire. Il comprend et prévoit. Il comprend que la société ne peut s’édifier sans l’Esprit Saint ou les valeurs exprimées par l’Evangiles, sans la présence vivifiante de la grâce. Il prévoit les conséquences néfastes des choix immoraux, des orientations perverses, des compromissions aberrantes. Pourquoi construire sur du sable alors que le Roc qui stabilise la société est clairement identifié et reconnu ? Même si l’autonomie humaine est une valeur importante de l’enseignement de l’Eglise, elle ne devient authentique que dans l’accueil de la présence divine et l’adhésion à la volonté de Dieu. La théonomie et l’autonomie s’unissent pour être les deux poumons d’une réflexion équilibrée.

Prophètes dans l’Eglise : le prophète n’enferme pas l’Esprit dans des limites arbitraires, furent-elles  les frontières de l’Eglise de Dieu. Qui peut tenir l’Esprit créateur et son Souffle bienfaisant ? Peut-on limiter l’action de Dieu à nos propres demeures ? Il est bon de se rappeler que l’Esprit va et vient et fait surgir la vie et la grâce partout dans la Création. Si l’Eglise est le lieu privilégié de son Œuvre et le lieu de la reconnaissance de cette Œuvre, il n‘en reste pas moins vrai que l’Esprit du Fils témoigne du Père au-delà des portes de l’Eglise. Cela nous rappelle aussi que les portes de l’Eglise ne sont pas fermées mais ouvertes : ouvertes pour accueillir et ouvertes pour sortir à la rencontre de l’autre en attente d’une Parole qui fait vivre.

Notre vocation au prophétisme est tout aussi importante que notre vocation au sacerdoce du Nouveau Testament. Témoins et acteurs, hérauts et envoyés, prophètes et bâtisseurs, nous sommes le Peuple de Dieu dans la mouvance de l’Esprit d Fils pour proclamer la miséricorde du Père.

  1. 2. Peuple de témoins.

Si notre vocation prophétique est authentique, nous sommes aussi les témoins de l’œuvre de Dieu dans le monde et dans nos vies. Le monde a besoin de témoins et de maîtres spirituels. Témoins de la grâce et de l’action de Dieu, maîtres spirituels pour former et orienter, pour aimer et faire aimer. Le témoin exprime tout son amour et le réfléchit dans sa vie. Il ‘exhale’ la bonne odeur du Christ (sens de l’onction d’huile parfumée utilisée au baptême). Il ‘transpire’ la bonté et la beauté. Sa transparence laisse émerger la vie divine.

Témoins du Ressuscité : de qui témoignons-nous sinon du Christ mort et ressuscité ? Le ‘kérygme’ (profession de foi essentielle) est notre enseigne et notre enracinement. C’est le Christ qui nous a séduits et réconfortés, qui nous a sauvés et transfigurés. Il est le Seigneur, Fils de Dieu, Expression Suprême de la divinité et Icône du Père. Sa grâce s’est déployée en nous et nous a obtenu la filiation adoptive. Ainsi, non pas esclaves mais hommes/femmes libres, nous cheminons joyeux vers le Royaume qui n’est autre que la communion en la Trinité Sainte.

Témoins de la beauté de la vie : de quoi témoignons-nous sinon de la grâce qui se déploie dans nos vies et dans le monde ? Ce monde pardonné et sauvé est le lieu de notre expérience filiale et le tremplin vers le Ciel. Ne rêvons pas d’un autre monde, celui-ci nous est donné pour le rendre plus humain, plus beau, plus juste, plus lumineux. C’est l’œuvre des chrétiens que d’en faire un signe du Royaume, un chemin vers la communion, un passage vers le Cœur aimant de la Trinité. Au moment opportun, ce monde sera renouvelé et entrera dans le monde divin. Les traces de la beauté sont à découvrir pour la louange du Père dans le Fils par l’Esprit.

  1. 3. Conclusion : l’amour chevillé au corps et au cœur !

Le prophète vit de l’Esprit : il s’engage pour Dieu et pour l’homme et rejette ce qui détruit et avilie. Sa parole se fait pressante et parfois violente mais toujours dans le respect de la vie et de l’humanité.

Le prophète agit dans l’Esprit : il entrevoit les conséquences du péché et des compromis. Il renforce les liens de communion par le Christ ressuscité pour une vie dans l’Esprit à la gloire du Père.

P. Francis

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