ORDINAIRE 31 B

« Tu aimeras… »

(Marc 12, 28b-34)

L’Evangile de ce jour nous met en face du mystère du christianisme : l’amour. Jamais religion ou spiritualité n’aura parlé avec autant de profondeur de l’amour ni n’aura appelé ces membres à aimer jusqu’au bout, jusqu’à donner leur vie. On tergiverse beaucoup sur l’amour, on le réduit à des pulsions ou à des désirs, à un acte physique parfois ou au mieux à une valeur fondamentale. On se contente de peu car l’amour est exigeant ou du plus pressé car on a peur de s’y attarder. Contradiction de notre époque qui met l’amour en scène et le magnifie pour mieux le bafouer et le réduire à peu de chose. Grandeur du christianisme qui n’hésite pas à dire, à la suite de la Résurrection, que Dieu est amour, qu’il est don et réception, qu’il est communion et communication, qu’il est beau et vivifiant. L’amour a le visage de Dieu. Le Fils le reflète par toute sa vie et l’Esprit Saint en est le fruit éternel. L’insistance du Christ à aimer n’est pas fortuite ou optionnelle. Elle est vitale car créés dans l’amour, nous sommes recréés dans l’amour pour être consacrés dans l’amour et entrer dans la communion trinitaire. L’amour dès maintenant est préparation, anticipation, transformation pour la pureté de l’amour divin. Ne seront admis dans le sein de la Trinité que ceux qui auront aimé, qui auront vécu l’amour jusqu’à répandre leur sang, qui auront mis l’amour au cœur de leur vie humaine, matérielle et spirituelle. Aimer est donc notre ‘être chrétien’, reflétant notre ‘être trinitaire’ et donc notre ‘être humain’.

  1. 1. L’amour, c’est Dieu.

On devrait insister sur ce point jusqu’à le faire entrer dans nos esprits et nos cœurs. On est trop influencé par des conceptions du divin banales ou perverses, inconséquences et pauvres. On se berne d’illusion en voulant réduire Dieu à une conception, une belle idée ou à un être supérieur omniscient et omnipotent. Si Dieu est Dieu, il est l’Essence même et le Créateur, l’Eternel et le Tout-Puissant, certes. Mais par-delà tout cela qui relève de la métaphysique et que nous respectons, de doit-on pas revenir au Christ et à son Message ? La Bonne Nouvelle touche nos cœurs car elle atteint les profondeurs de nos êtres en quête, en attente, en extension, en amour. Le Christ nous bouleverse car il touche juste, il connaît notre nature humaine et sait aller en profondeur, dans les tréfonds de nos existences y chercher ce qui y a de plus noble et de plus beau, d’essentiel. Si Dieu est amour, alors nous sommes ‘happés’ par l’amour et l’amour devient notre référence suprême.

La Création comme signe d’amour : Dieu se révèle d’abord par sa Création. Que cet univers est splendide et grandiose ! Il est créé pour nous et exprime tout l’amour de Dieu pour l’humanité. Alors que nous sommes si petits et si ridicules dans l’immensité du cosmos, Dieu s’intéresse à nos personnes et nous prend au sérieux. Nous ne sommes pas ‘lancés’ dans les galaxies par hasard ou pour coïncidence, nous sommes voulus, choyés, aimés. Toute cette beauté manifeste l’amour divin et nous invite à le rejoindre dans une contemplation infinie touchant l’Infini et la Transcendance.

L’Incarnation comme signe d’amour : Dieu se révèle par l’Incarnation du Fils. Il aurait pu nous sauver différemment mais sa volonté a choisi de « prendre chair » (Jn 1) et de partager notre existence. Scandale pour certains, admiration et reconnaissance pour nous chrétiens ! Quelle raison invoquée sinon l’amour pur et généreux de Dieu ? Quelle ‘nécessité’ sinon la manifestation pure et simple de l’amour ? Le Fils prend chair afin de la sanctifier et de la transfigurer. Vrai Homme et vrai Dieu, il la prépare à la rencontre, à la communion. Ne faisons pas la moue face à cette vérité chrétienne : la chair, notre vie humaine, notre réalité limitée et trouble sont chemins spirituelles et seules voies vers la Lumière ! L’amour de Dieu en a décidé ainsi et nous rejoint dans cette aventure. Il faudra toute la force du Christ pour rendre dignité à notre humanité malmenée et redresser les conséquences du péché originel. L’humain que nous sommes se prépare à la dignité divine que seule la communion trinitaire peut nous donner !

La Résurrection comme signe d’amour : Dieu se révèle totalement et complètement dans la Résurrection du Christ. Tout l’amour divin s’exprime et se manifeste. Toute la joie du monde visible et la béatitude du monde invisible se rejoignent  pour la célébration éternelle de l’amour. La Résurrection transforme l’univers et nous, partie de cet univers. Elle transcende et transfigure toute chose, elle joint au divin et laisse éclater l’éternité. Le Ressuscité est le Fils et le Fils est Dieu. Il aime éternellement le Père et de cet amour réciproque jaillit l’Esprit Saint. Comment ne pas chavirer devant cet amour incroyable qui se laisse entrevoir mais surtout, qui se laisse atteindre, amour que nous sommes invités à partager. Grandeur et splendeur de l’amour trinitaire !

Si l’Apôtre Jean, dans sa Lettre (1 Jn 4), nous propose l’incroyable : « Dieu est amour », c’est qu’il l’a connu par le Christ et l’a vécu dans la contemplation, fruit de son propre amour. Alors Jésus Christ est vraiment le « Grand Prêtre » de l’Alliance nouvelle (Hébreux 7), le seul à pouvoir s’offrir, offrir et célébrer la grandeur du Père dans l’Esprit. La vérité c’est  qu’en étant son Corps mystique, nous entrons dans ce même mouvement éternel de célébration et de louange !

  1. 2. L’amour comme lumière.

On comprend alors qu’il ne nous reste plus qu’à aimer, que c’est notre vocation puisque c’est notre nature. Aimer n’est pas une option ni une simple valeur, c’est une vertu théologale, c’est le lieu de la Rencontre, c’est le moment de la Communion, c’est l’explosion de la vie en nous, c’est divin.

Aimer Dieu : pourquoi en avoir peur ? Sommes-nous paralysés par des idées non chrétiennes ? Il n’y a pas de devoir ni de droit, il n’y a que cette seule voie dans notre relation à Dieu. Aimer est notre seule réponse à tant de bienfaits et au salut obtenu en Christ. Y mettre toute sa force humaine, c’est s’humaniser et donc se diviniser, c’est entrer dans la communion trinitaire dès maintenant. Que toute notre vie et toute notre foi puissent refléter cet amour ! Que notre culte et notre engagement chantent l’amour de la Trinité ! Que l’humble quotidien puisse faire jaillir les semences d’éternité !

Aimer le prochain : pourquoi aimer l’autre ? Il serait plus simple de s’en protéger vues les difficultés de relations et la violence diffuse. C’est que l’autre est œuvre divine et qu’il me met en relation de vérité et d’humilité, il me parle du Créateur dans sa beauté et du Sauveur dans sa charité, il est aussi chemin vers la Trinité. La haine ou l’indifférence n’ont jamais rien résolu, l’amour est la seule réponse aux problèmes du monde et de l’homme en particulier. En aimant, je rejoins la force divine de transformation de l’univers et je construis le Royaume en croissance, je partage l’amour divin et j’invite la communion trinitaire dans ma vie ou plutôt je l’exprime et la rends visible. J’en vis.

  1. 3. Conclusion : aimer, c’est vivre

Aimer, c’est être humain et c’est devenir enfant de lumière. On rejoint la vérité de la Trinité, Dieu d’amour. On y plonge comme notre milieu naturel enfin réalisé dans la communion éternelle.

P. Francis

 

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