CAREME 1 C

« Il fut conduit par l’Esprit à travers le désert »

(Luc 4, 1-13)

Le carême est de retour. Il va durer 40 jours et nous conduira à la Semaine Sainte puis à Pâques. C’est un temps particulier pour le chrétien qui se met sur les traces de Jésus et le suit au désert. C’est un temps particulier pour nous catholiques avec nos traditions de carême et ses pratiques de pénitence et de charité. Pénitence pour ressembler au Fils. Charité pour ouvrir son cœur à la misère des autres et donc à la Présence divine. On peut vivre avec ‘une face de carême’ ou se « parfumer la tête » (Mat 6, 17) pour retrouver le sens de nos vies et la joie de la foi. Ces 40 jours sont une grâce pour la vie spirituelle. Ils permettent de faire le point et de repartir avec plus d’entrain et de vigueur, de s’arrêter et de se lancer à nouveau dans les méandres de la vie, de reprendre force et de se battre pour la vie et la justice. Temps de grâce car nous avons besoin de nous arrêter et de retrouver le Seigneur au cœur de notre existence. Temps de grâce car nous avons besoin de goûter l’amour trinitaire et harmoniser cette existence avec la volonté divine. Temps de grâce car le désert est propice à la réflexion, à la purification, à l’engagement, à la beauté. Le désert est un endroit de vérité mais aussi un endroit de tentation car tous nos atours ne nous servent de rien et nos masques se désintègrent. Il nous reste la beauté d’être fils/fille avec les risques de l’abus, de l’excès et du dévoiement. Le carême nous ramène à la raison et à la communion.

  1. 1. Le Carême, temps de lutte

Jésus est mené au désert « par l’Esprit » juste après son baptême au cours duquel le Père l’a reconnu et lui a redit tout son amour. Jésus était donc fort de cette reconnaissance et prêt à la lutte. La tentation n’en est que plus forte et l’équilibre, plus que nécessaire. La fragilité nous guette mais elle peut être le lieu de la rencontre et de l’expérience de l’Esprit. Etre fragile, c’est tout remettre au Père et attendre sa grâce pour avancer dans le désert de nos vies et les tentations quotidiennes. La lutte n’en est que plus forte.

Lutter contre le désespoir : ne vivons-nous pas des moments où le désespoir nous submerge ? Nous désespérons de nous-même dans la progression spirituelle mais aussi de l’Eglise et de ses déviances. Le risque est de tout laisser tomber et de se créer un cocon douillet pour survivre avec nos convictions. Le risque est de se conformer aux principes sans en tirer le dynamisme inhérent. On se questionne sur la profondeur des convictions, sur leur véracité et même sur l’existence de Dieu. Voilà une tentation bien réelle et pertinente. Le silence de Dieu n’est-il pas plein de sa Présence ? Son amour nous entraîne au-delà du désert vers des pâturages de bonheur et de félicité. Voyez Jésus dans l’Evangile !

Lutter contre la facilité : ne vivons-nous pas des moments où tout nous semble compliqué ? Nous ne faisons plus l’effort de la recherche, de la raison, de la nuance, du sens profond des choses. Le risque est de s’enfermer dans des réponses simplistes ou émotives ou de suivre la mode et ses frasques. Le risque est de vivre ‘comme tout le monde’ dans une existence sans saveur et sans avenir. Voilà une tentation bien réelle qui nous assaille constamment. Dieu n’est pas compliqué, certes, mais se laisse trouver dans l’émoi, dans la fragilité, dans la conscience, au cœur de nos vies. Son amour nous entraîne vers l’harmonie et l’équilibre des forces en nous. Voyez Jésus dans l’Evangile !

Lutter contre la perversion de la religion : ne vivons-nous pas des moments où nous utilisons la religion à nos propres fins ? Nous assommons les autres de bons conseils et de moralité, nous essayons d’attirer l’autre à notre propre vision. Le risque est grand de mettre ses convictions  au-dessus de la foi ou ses traditions à la place de la foi. Le risque est grand d’imposer plus que de proposer dans la liberté de l’Esprit. Voilà une tentation bien réelle et même quelque peu perverse car elle use et abuse de choses saintes pour son intérêt. La foi est un trésor à partager, à transmettre. Elle est une expérience dont on témoigne avec simplicité et engagement. Elle est expression de notre intériorité et partage de notre intimité. Elle dit l’amour du Père par le Fils dans l’Esprit. Lieu de liberté par excellence, elle se propage à notre insu par la force de sa vérité et l’harmonie de sa vie. Voyez Jésus dans l’Evangile !

Lutter contre l’avoir et le pouvoir : ne vivons-nous pas dans l’espoir d’avoir plus et de dominer plus ? Nous savons que la vie sociale et professionnelle est une lutte acharnée et un combat à mort. Nous entrons dans le jeu et nous nous  battons pour des illusions ou des avantages temporaires. On doit certes être professionnel dans son domaine mais doit-on suivre les méthodes non évangéliques ? Ce monde se construira-t-il de cette façon ou devons-nous porter la lumière de la Bonne Nouvelle, de la Résurrection dans nos lieux de vie ? La tentation est réelle et même bien ancrée. Elle touche nos convictions et nos désirs légitimes, elle colore nos luttes et oriente nos choix. Le droit et une réelle charité ne peuvent-ils pas être source de nos actions ? Voyez Jésus dans l’Evangile !

Ce temps au désert nous met en mouvement. Il replace les choses dans le silence de nos cœurs et l’agitation de nos consciences. Il purifie et remet en route vers le Père.

  1. 2. Le carême, temps de grâce

Si le carême est un temps de lutte, il est surtout un temps de grâce. Grâce de vivre, de grandir, de se jeter dans les bras du Père, à la suite du Fils et la force de l’Esprit. Bien des moyens nous sont proposés mais c’est l’amour qui doit motiver nos actions

Prier : revenir au Père par la prière du cœur et la vérité de nos existences. Prier c’est se mettre en relation, c’est être en communion, en harmonie du cœur, en attente. C’est s’unir au Fils pour voir le Père, c’est écouter l’Esprit prier en nous. C’est aimer !

Jeûner : rétablir l’équilibre perdu et contrôler sa vie. Jeûner c’est affirmer fort ses convictions et ne pas se laisser entraîner vers le néant. Jeûner de nourriture mais aussi de tout ce qui nous enchaîne.

Donner : ouvrir ses mains et son cœur aux autres. Donner c’est ouvrir des horizons, construire des relations, bâtir un monde meilleur. C’est recevoir ce que l’on a. C’est apprécier la vie et la partager.

Prière continue, adoration, méditation… jeûne, sacrifices, efforts… partage, visite, accueil, donations … tout ce que l’amour invente de beau se vit dans la grâce du salut obtenu et la lumière de Pâques qui, déjà, pointe. De fait, le carême s’arrête en la nuit très sainte de la Résurrection.

  1. 3. Conclusion : à la suite du Fils

Jésus au désert nous ouvre le chemin. Ses tentations sont les nôtres. Il les dépasse dans l’amour.

Jésus lutte pour rester pur dans ses convictions et sa relation au Père. Nous-aussi nous luttons pour cela. La lutte dure un temps mais la grâce donnée nous entraîne au cœur de la Sainte Trinité.

P. Francis

 

This entry was posted in Année C, Carême, Français, Père Francis. Bookmark the permalink.