CAREME 3 C

« Peut-être donnera-t-il du fruit à l’avenir ?»

(Luc 13, 1-9)

Le carême est un cheminement de conversion et de transfiguration. Les Tentations de Jésus au désert (Lc 4, 1-13) nous ont mis en garde contre les dangers de la violence, de la dénégation du Père et de la désobéissance. Ces tentations nous guettent quand nous nous éloignons de la source de la vie et que nous cherchons des raisons de vivre et d’agir en dehors de la Vérité. La Transfiguration de Jésus sur la montagne (Lc 9, 28-36) nous a révélé la divinité du Fils et toute sa beauté, la glorification du Fils et toute sa grandeur, la relation du Fils et l’amour trinitaire. La Transfiguration nous concerne car nous partageons la gloire du Fils et vivrons éternellement dans l’amour du Père par l’Esprit. Le carême nous purifie et nous permet de faire confiance, de lâcher prise, de revenir, de nous ‘retourner’ (convertir). La vie se charge de nous mettre à l’épreuve et nos limites peuvent devenir des occasions de désespérer, de nous questionner, de faire des choix. La violence menace la société mais nous menace de l’intérieur. Elle est le chemin contraire de l’amour, le chemin rejeté par le Christ, la voie vers la rupture. Violence intérieure qui mine les relations, violence sociale qui détruit le lien fraternel. Revenons à la foi, à l’espérance et à la charité, vertus théologales qui rétablissent le lien avec Dieu et concrétisent notre filiation adoptive.

  1. 1. Ballotés par la vie !

Peut-on tout maîtriser ? Peut-on tout prévoir ? Peut-on tout planifier ? On le voudrait mais ce n’est pas le cas. Est-ce même souhaitable ? La vie nous échappe, nous entraîne et nous ballotte. Nous sommes souvent comme sur un bateau à la dérive, au gré des vagues et des courants. Nous avons rejeté, certes, l’idée séculaire des forces obscures qui nous tyrannisent mais nous avons gardé inconsciemment le sentiment que quelqu’un, quelque chose nous dirige. Ambiguïté que de rejeter l’inconnu ou le superstitieux et de croire à une force supérieure.  Retour au paganisme ou équilibre chrétien ? Jésus prend des exemples et rétablit la vérité.

La nature : on l’aime mais elle nous fait peur. On veut la maîtriser mais elle nous échappe. On craint ses colères et sa vengeance. Elle fait irruption dans notre quotidien et suit ses lois immuables. Le retour du bâton est terrible quand nous avons cherché à changer son cours naturel. Dieu ne l’a-t-il pas créée avec sagesse et exactitude ? Sommes-nous des demi-dieux pour vouloir bouleverser son harmonie ? Créée, la Création est autonome et évolue selon son rythme. La Providence vient compléter la nature par une intervention respectueuse et amoureuse.

La société : on aime vivre en communauté mais on subit les lois du plus fort. Les regroupements humains ne sont pas toujours heureux et les équilibres se font sur la violence et la domination. Violence physique quand on en vient aux mains. Violence psychologique quand on manipule. Violence pratique quand l’argent ou la force écrase le prochain. Sommes-nous des esclaves du marché, des pouvoirs, de la politique ? Créés libres par le Père céleste, nous sommes aimés et appelés à la fraternité. Quand l’amour n’a plus le dernier mot, quand il est dénaturé ou ridiculisé, quand, nous offensons le pauvre et le petit… nous nous éloignons de notre humanité et donc de notre vocation filiale. Et pourtant, égaux par nature, nous devrions construire une humanité fraternelle basée sur le droit naturel et le droit révélé, sur la raison et la foi, sur l’amour.

Nous-mêmes : on cherche la liberté et on s’enchaîne. On revendique ses droits et on rabaisse ceux des autres. On parle d’amour et on produit l’incompréhension. On marche vers l’équilibre et on s’enferme. On a bien du mal à se comprendre entre tendances, passions, pulsions, psychoaffectivité ébranlée, sentiments, vertus, idées, espérance…  On minimise le péché. On dévalorise notre relation à Dieu. On accueille le Verbe comme une parole parmi d’autres. Créés dans l’amour et recréés par amour, nous sommes pourtant les bien-aimés du Père. L’Esprit a été donné en abondance en la Résurrection du Fils.

Le carême est donc une croisée de chemin, un test de vérité, une expérience de rencontre, une plongée dans la confiance et une remise de soi dans l’amour. La vie nous ballotte certes mais les bras du Père sont grand ouverts, à l’image des bras ouverts du Fils en croix et de la Nuée céleste qui nous couvre de son ombre protectrice et amoureuse. Donner du fruit dépend donc de notre conversion.

  1. 2. Bercés par l’Esprit !

Jésus vient rétablir la vérité. Vérité de la relation à Dieu, vérité de l’équilibre naturelle, vérité du vivre-ensemble dans l’amour. Le chrétien est avant tout un fils/une fille, qui se sait aimé/ aimée du Père et qui agit dans l’Esprit du Fils. La Création est un don à respecter. La société est anticipation du Royaume à construire. La vie spirituelle vivifie la vie matérielle. La communion trinitaire est une réalité déjà présente qui donne l’éternité.

Dieu EST : « Je suis celui qui suis » dit Dieu à Moïse (Ex 3, 14). Les « Je suis » de Jésus en sont un écho si fort et si évident que par lui, nous touchons le divin. Ce ‘être’ est source d’équilibre. L’Être de Dieu est protestation contre les idoles mortifères, contre l’exploitation, la violence. Il est joie dans la peur, grâce dans le doute, force dans la faiblesse. L’Être est notre origine.

Dieu AIME : « Dieu est amour » conclut avec foi et émotion Jean l’Evangéliste (1 Jn 4). Tout est dit. Non seulement Être, Origine, Source, Dieu est relation, communion, participation, don. L’amour rétablit la vérité des relations humaines puisqu’il préside à la Trinité, qu’il est la Trinité. On comprend mieux le « Je suis » de Jésus qui introduit dans une relation nouvelle par la grâce de sa Résurrection.

Dieu est TRINITE : « le Père et moi nous sommes un » dit Jésus dans l’Esprit (Jn 10, 30). Cette affirmation, pour surprenant qu’elle soit, est notre liberté, notre créativité, notre avenir. En elle, la foi se reçoit et grandit, l’espérance s’enracine et ouvre le Ciel, l’amour est communion et atteint le Cœur de Dieu. Parce que Dieu est Trinité, nous sommes libres dans l’amour.

  1. 3. Conclusion : grandir dans l’amour

Jésus appelle à la conversion : rétablir les liens de vérité avec le Père en rejetant toute superstition, tout déséquilibre, toute crainte irraisonnée.

Jésus appelle à la conversion : vivre dans l’amour concrètement, en famille, en communauté, en Eglise, en société, en rejetant la violence, fruit du péché.

Jésus appelle à la conversion : nous donnerons du fruit si nous émondons en nous toute branche morte, tout sentiment non-évangélique, toute pensée loin de l’amour, de la communion, de la vie.

Le carême est là pour nous purifier et nous garantir les grâces de la Trinité, notre vraie Demeure !

P. Francis

 

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