JEUDI SAINT

« Afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous »

(Jean 13, 1-15)

Par cette célébration, nous entrons dans le Triduum pascal. Trois jours intenses et difficiles mais pleins de significations et de profondeurs. Il s’agit avant tout de suivre Jésus, pas-à-pas, de l’accompagner dans sa souffrance et sa marche vers la croix, de l’assister au moment de sa mort, de veiller près de son tombeau et finalement, de se relever avec lui. Nous mourons pendant ces trois jours saints pour ressusciter à la vie nouvelle. Moments d’un drame humain et spirituel intense. Moments d’un drame divin étonnant. Moments où le Ciel et la Terre se joignent pour laisser éclater la vérité dans la mort du Christ et la lumière dans sa Résurrection. C’est pénétrer le mystère que de suivre Jésus, mystère d’un amour immense et d’une grâce particulière, mystère du Dieu qui aime jusqu’à donner son Fils et à accepter sa mort sur le Croix. En s’agenouillant devant ses disciples, Jésus donne le sens de sa vie mais aussi de son sacrifice. Il invite au service et à la solidarité : il se donne aux autres comme il se donne dans l’Eucharistie. Le Jeudi Saint est le jour du don, du service, de l’adoration véritable. L’Eucharistie nous restera comme mémorial ; le service restera le critère de la vérité de notre adoration. Suivons Jésus au Cénacle puis au Jardin des Olivers et jusqu’en sa Passion.

  1. 1. L’Eucharistie, mémoire du Seigneur

L’Eucharistie est le culte chrétien par excellent, le « sommet de la vie chrétienne ». Elle rejoint la dernière Cène et l’actualise pour toujours. L’unique sacrifice de Jésus se vit à ce moment-là par la puissance de l’Esprit. C’est une mémoire et non un souvenir. De quelle mémoire s’agit-il ?

Mémoire du sacrifice : Jésus s’est donné. Il a offert sa vie. Sa vie, nul ne la prend mais c’est lui qui la donne. Alors qu’on pense l’avoir condamné, même injustement, qu’on le conduit à la mort, qu’on le fixe en croix, c’est lui qui s’avance, qui juge le péché du monde, qui s’étend sur la croix. Il est l’agneau du sacrifice pascal et il devient l’Agneau de Dieu. Il est le condamné et il devient le Victorieux. Il est le Maître et Seigneur, jusqu’en sa Passion et en sa mort. L’Eucharistie fait mémoire de ce moment particulier et intense du don du Christ, qui, versant son sang, verse son amour et pardonne nos péchés.

Mémoire de la mort : Jésus meurt en croix. Il ne fait pas semblant. Personne ne meurt à sa place. Il ira jusqu’au bout de la volonté de Dieu, cette volonté qui veut sauver, pardonner, accueillir, donner vie et grâce. Difficile de comprendre qu’il faille passer par la mort et la mort en croix, mais possibilité de comprendre quand on se penche sur le Cœur de Dieu et qu’on y côtoie son amour. Cette mort est expiatoire, sacrificielle tout en étant scandaleuse et dramatique. Paradoxalement, la mort du Christ est source de pardon et de bénédiction car il s’agit du Fils de Dieu. L’Eucharistie fait mémoire de cette mort et nous y associe car elle est la condition de la nouvelle vie en Christ. Mourir avec le Christ pour revivre par lui, avec lui et en lui.

Mémoire de la Résurrection : Jésus ressuscite. Il ne se réveille pas d’un sommeil de trois jours, il revient à la vie en englobant l’univers et en assumant l’Histoire et la Création. C’est un événement cosmique et surnaturel, ontologique et divin. Par la Résurrection, le Christ touche toute chose et toute personne. Il féconde de grâce la Création et l’humanité, il rétablit la Création dans son origine, il rend l’homme à la volonté divine. Il est l’homme selon le désir de Dieu. L’Eucharistie fait mémoire de la Résurrection. Pas d’Eucharistie sans la Résurrection. La Résurrection rend possible l’Eucharistie car le Christ est vivant, l’Esprit agit et le Père est glorifié. La puissance du Ressuscité est à l’œuvre et se déploie dans l’univers, dans le cœur de l’homme ; Elle porte à la communion trinitaire. C’est cette puissance qui propulse celui qui communie dans la Présence Divine et qui unit pour toujours l’Humain et le Divin dans l’Amour.

On le voit, l’Eucharistie est le vrai culte rendu au Père par le Christ dans l’Esprit. Le Fils se donne en vérité, actualisation de son unique Sacrifice. L’Esprit rend présent le sacrifice du Christ et consacre les oblats. Le Père accueille ce sacrifice comme l’adoration véritable dans laquelle s’unissent les hommes et la Trinité Sainte. Quel mystère étonnant ! Quel mystère merveilleux ! L’Homme-Dieu, le Christ, a rétabli les liens rompus et les a portés à leur maximum : la communion trinitaire éternelle est ouverte à la communion de tous !

  1. 2. Le service, mémoire du Seigneur

Si l’Eucharistie est mémoire de la dernière Cène, elle est le mémorial de la vie de service du Christ. Sa vie a été ouverture aux autres, don de soi, guérison, service. Il s’est fait « esclave »  de tous et n’a pas revendiqué son origine divine (Phil 2, 6-11). C’est pour nous un exemple. Et plus qu’un exemple, une voie spirituelle qui rejoint nos racines humaines. Personne, certes, ne veut être esclave mais tous nous sommes appelés à servir, à mettre l’amour des autres et de Dieu à la première place. Car de fait, servir c’est aimer.

Servir pour l’amour de Dieu : nous sommes serviteurs du Très-Haut et ce service est filial. Dieu a fait de nous ses fils/filles par le Christ. En l’aimant, nous devenons nous-mêmes, nous devenons fils/filles et cela rejoint notre humanité et notre vocation d’homme /de femme. L’amour de Dieu fait de nous des êtres aimés car l’amour est réciproque. Il se partage et ouvre à la communion.

Servir pour l’amour des Hommes : nous sommes au service les uns des autres. Comment aimer Dieu qu’on ne voit pas et haïr son frère qu’on voit ? L’amour se déploie dans nos cœurs car il vient de Dieu et rejoint nos fibres et nos gènes. Créés dans l’amour, nous ne pouvons qu’aimer pour vivre heureux et ainsi être qui nous sommes. Jésus l’a montré par sa vie, ses paroles, son sacrifice. Aller jusqu’au bout de l’amour demande une claire vision de notre vocation humaine et une ouverture à la volonté divine. C’est être fils que d’agir en fils et donc d’aimer. Le service fraternel est le critère de vérité et d’authenticité. L’Eucharistie nous porte à l’amour du Ciel en passant par l’amour des autres.

  1. 3. Conclusion : la table du Seigneur et la table des pauvres

Dans la tradition chrétienne, on parle des deux tables : la table de l’Eucharistie où se manifeste le mystère de la mort et Résurrection du Fils pour la gloire du Père dans l’Esprit et la table des pauvres où se manifeste par notre amour tout l’amour du Père par le Fils dans l’Esprit. Il n’y a pas de contradiction : le même Seigneur exalté et aimé dans l’Eucharistie est exalté et aimé dans le service quotidien des pauvres et des petits. C’est le même Seigneur que l’on sert à l’autel et chez les autres.

On pourra dire que le culte chrétien, c’est le service qui se déploie dans la messe avec toute sa solennité et dans l’amour des autres avec toute sa profondeur. On sert Dieu par amour et dans l’amour. Aimer communier au Corps du Christ c’est aussi aimer son Corps mystique, communion et institution, présent dans l’Histoire et déjà au Ciel, souffrant mais se sanctifiant.

P. Francis

 

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