ORDINAIRE 16 C

Marthe et Marie

(Luc 10, 38-40)

En chemin vers Jérusalem, Jésus s’arrête chez Marthe et Marie. Elles deviendront, avec Lazare leur frère, des amis privilégiés. Elles sont bien représentatives des deux poumons de l’Église dans son service : l’action et la contemplation. Il ne s’agit pas ici d’opposer l’une à l’autre mais de les harmoniser pour que le Règne soit annoncé et que l’amour soit reçu. Marthe est celle qui sert avec dévouement et compétence. Elle reçoit le Seigneur et tout doit être parfait. Notre charité doit être parfaite car le service des autres est le service du Seigneur lui-même. Marie accueille la Parole comme une lumière et sa contemplation la porte au cœur du message. Deux voies différentes mais complémentaires de ce qu’attend de nous le Seigneur lui-même, sans exagérer dans l’une ou l’autre voie mais toujours prêts à passer de l’une à l’autre. Ne s’agit-il pas de Sagesse et donc du Mystère ? (Col 1, 24-28). Ce Mystère caché si longtemps s’est laissé contempler en Jésus le Christ. Il s’est révélé par l’inattendu de l’Incarnation et la merveille de la Résurrection. L’amour s’est révélé, il nous reste à le servir et à le contempler.

  1. 1. Marthe ou le service actif

On aime Marthe car son service est professionnel et généreux. Elle sait recevoir et plus est, elle reçoit Jésus. Elle est celle qui propose, accueille, sert, dessert, veille. Elle est active dans le service et le souci de l’autre. Elle nous ressemble quand nous mettons le tablier pour aller vers les autres, avec le risque parfois d’en faire trop ou de nous concentrer sur l’organisation au détriment, non de la qualité mais de la relation. Part active de l’Église, elle ouvre les chemins de charité et de service.

Servir le Seigneur : Marthe rappelle que tout service est service du Seigneur.  Il est là au cœur de la vie, il nous précède en tout et partout. Il agit dans le secret des cœurs et suscite la relation. Il donne l’Esprit qui façonne et oriente. Le Seigneur prépare la demeure où il viendra avec son Père, c’est-à-dire le cœur de l’homme avec toute sa force et sa grandeur. Aller vers les autres, c’est aller vers Lui, le retrouver, l’accueillir et le servir. C’est la grande intuition du christianisme que de servir son Seigneur dans l’humanité. Il dépasse la simple philanthropie pour percer le secret du sens et voir au-delà des apparences.

Servir avec charité : Marthe rappelle que sans charité il n’y a pas de réel service. On ne sert qu’avec son cœur, ses ‘trippes’, son être. L’amour est au cœur de la relation sinon la relation devient formelle ou professionnelle. Elle risque de perdre son âme, sa pertinence, sa vitalité. L’amour est servi car l’amour sert. L’amour porte les personnes en présence dans une dimension nouvelle et authentique. C’est l’intuition du christianisme que de dépasser les organisations dans leurs activités compétentes, nécessaires en soi, pour remettre la charité au cœur du processus. La charité leur donne  existence et signification. Elle rejoint le cœur de Dieu et sa tendresse. Servir, c’est aimer et ainsi exprimer tout l’amour de Dieu pour ses enfants.

Servir avec le cœur : Marthe rappelle que sans cœur, on dessèche rapidement et on tombe dans la routine. Nos plus belles organisations peuvent s’affadir et rétrécir leur impacte. C’est un rappel important pour ne pas tomber dans l’activisme qui est un service sans conviction et sans amour. Si cela se remarque dans certaines organisations internationales et même dans certaines ONG, c’est plus grave encore quand cela touche une institution chrétienne. Marthe est gentiment rappeler à l’ordre par Jésus afin qu’elle ne sombre pas dans cet écueil mais qu’elle sache servir avec amour, compétence, simplicité selon la nécessité mais sans exagération. Son service doit devenir contemplation et recherche du Seigneur dans l’autre. Son service rejoint le service du Maître. Il est son chemin spirituel pour découvrir Dieu.

Marthe est si belle dans son action. Sans elle, pas de service. Avec elle, un service fraternel qui devient charité, découverte du Seigneur.

  1. 2. Marie ou l’attention du cœur

On aime Marie car son attitude nous rappelle l’essentiel, cette recherche de la Sagesse éternelle à travers les paroles du Seigneur. Elle s’arrête pour écouter, contempler et finalement voir. Contempler, n’est-ce pas voir l’invisible au-delà des apparences ? C’est voir le réel avec les yeux de Dieu et donner ainsi du sens à la vie, à l’action, à la charité. C’est voir la beauté quand tout semble sombre et ténébreux.

Assis aux pieds du Seigneur : il faut savoir s’arrêter et regarder. Combien de fois courons-nous vers on ne sait quoi ? S’assoir, c’est se mettre dans la position de l’écoutant, de l’attendant, du contemplant. S’assoir, c’est recevoir la Parole dans le bruit du monde et les sirènes des pessimistes. C’est accueillir et recueillir. C’est goûter et savourer. C’est regarder et finalement voir. Notre action porterait tous les fruits de la vie si elle savait se recueillir. Elle exprimerait tout l’amour du Père si elle contemplait le Fils dans la lumière de l’Esprit. « Le Christ est au milieu de vous, lui, l’espérance de la gloire » dit St Paul (Col 1, 27-28). Écoutons-le et savourons-le comme ce fruit rare qui réjouit le palais et embellit la vie.

Regarder le Seigneur : on peut s’assoir et détourner son regard. Il faut regarder le Seigneur. Le regarder dans les yeux et contempler son visage. Ce visage est reflet de l’invisible, du mystère, de la vérité. Ce visage est celui du Père qu’on découvre dans l’Esprit. C’est notre force de voir le Seigneur car si tout homme veut voir Dieu, nous, nous l’avons contemplé dans le Fils. Ce Fils né d’une Vierge, torturé par notre péché, mort en croix et resplendissant de gloire en sa Pâques. Ce Fils lumineux de la transfiguration, heureux avec ses disciples et amis, attentif aux petits et pauvres. Ce Fils qui resplendit de beauté par son amour. Le Fils qui est tourné vers le Père et nous entraîne dans cette relation éternelle. Regarder, c’est contempler et contempler, c’est voir, enfin !

Marie est si belle dans sa contemplation. Elle écoute et regarde. Elle reçoit et grandit. Elle touche le Verbe de vie et entre dans le mystère trinitaire. Sa charité s’exprime ici même.

  1. 3. Conclusion : au service du même Maître

Marthe est active et sert le Seigneur. Son service est chemin de vie qui porte la vie et rejoint la Vie. Il est charité car le seigneur se laisse trouver dans les autres.

Marie est contemplative et sert le Seigneur. Son service est chemin de lumière qui porte la lumière et rejoint la Lumière. Il est charité car le Seigneur se laisse contempler et toucher. L’amour s’exprime ici même.

Deux chemins qui se rejoignent pour un même amour, dans la beauté de la Trinité.

P. Francis

 

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