ORDINAIRE 18 C

« Être riche en vue de Dieu »

(Luc 12, 13-21)

Suivre Jésus ne signifie pas l’écouter et prendre ce qui nous convient. Cela signifie vivre en conséquence et aller jusqu’au bout de l’amour. C’est une démarche complète et profonde, ontologique même puisqu’elle touche non seulement notre existence mais aussi notre être et le sens de la vie. Suivre Jésus, c’est l’accueillir comme le Seigneur et le Maître, c’est reconnaître sa divinité et donc sa communion véritable avec le Père dans l’Esprit Saint. Suivre Jésus, c’est entrer dans une relation, nouvelle et éternelle. Ainsi, notre vie quotidienne, loin d’être insignifiante, est le lieu de la rencontre, le lieu de la vie spirituelle, le lieu où l’amour est vécu. Par notre relation, nous nous enrichissons de la grâce filiale et goûtons aux prémices d’une vie nouvelle. Notre vie, si courte et si laborieuse, ne serait que vanité si elle n’était vécue dans la perspective du Royaume. Pourquoi trimer et se fatiguer si l’inéluctable fin engobe tout ? Mais nous sommes au Christ, ressuscités avec lui (Col 3, 1) et déjà participants de la gloire céleste. Il nous reste à vivre de Lui, à accumuler le Bien, à nous ouvrir aux autres et à découvrir la vraie richesse : l’amour trinitaire qui donne existence, sens et bienfait. Seul l’amour perdure. Il restera comme un étendard et s’unira au seul amour véritable.

  1. 1. Accumuler le Bien.

Le riche de la parabole de ce jour semble prévoyant et intelligent. Il ne lui est pas reproché de cumuler pour l’avenir mais de cumuler « pour lui-même ». Il reste fixé sur lui-même et s’enferme dans son petit monde égoïste et personnel. Notre vie ne dépend pas des richesses, rappelle Jésus, mais de notre souci des autres et de notre relation à Dieu. C’est un élément central de sa prédication : se décentrer, se recentrer, s’ouvrir à l’altérité, aimer tout simplement.

Riche en valeurs : on parle souvent des valeurs qui manquent ou qui devraient nous animer. De quoi s’agit-il ? L’Évangile est rempli de perspective et d’orientations. Il s’agit de découvrir le sens de la vie par notre relation nouvelle au créateur. De fait, Dieu est Père et nous sommes ses enfants par le Christ et dans l’Esprit. Notre relation est devenue filiale par la Résurrection du Fils. C’est la valeur suprême qui doit animer notre vie et qui aboutira à la vie éternelle. Le Christ nous a sauvés et libérés, il a fait de nous des fils/filles dans l’Esprit Saint. Notre vie en est bouleversée et réorientée. Les valeurs promues par l’Évangile sont des indications pour vivre la filiation et la fraternité. Ainsi, notre quotidien est pratique de la fraternité et de la filiation. Il s’agit de vivre en frère et en fils/fille dans l’amour. Le riche de la parabole vit pour lui-même et entasse ses biens pour s’assurer un avenir radieux. La mort va le trouver dans cet état. Ouvrons-nous à ce qui est essentiel et à ce qui nous fait grandir en humanité.

Riche en bonté : « N’ayons pas peur de la tendresse » nous dit le pape François. Est-ce donc si difficile d’être tendre et bon ? Il semble que cela soit aujourd’hui un signe de faiblesse et de niaiserie. Le monde est rude et on doit montrer ses muscles, se battre, se défendre, s’imposer. Il faut être riche pour être crédible. La bonté et la générosité sont laissées à notre mauvaise conscience de générer de la pauvreté. Et pourtant ? Voit-on plus de bonheur chez les riches ? Voit-on enfin ce monde idéal qui devrait nous rendre heureux et satisfait ?  « Tu es fou » dit Dieu dans la parabole. Nous cherchons le bonheur là où il n’existe pas et sombrons dans la déception et la dépression.  La richesse n’est pas mauvaise en soi. Elle le devient quand elle nous enferme et nous enchaîne, quand elle nous coupe de la réalité et des autres, quand elle génère la peur, la ségrégation, l’égoïsme. Elle devient lumière quand elle est partagée, quand elle ouvre des chemins de fraternité et de bonté.

Riche en amour : finalement, n’est-ce pas l’amour qui compte ? Nous sommes une création nouvelle dans l’amour. Revêtir l’homme nouveau (Col 3, 9) est notre nouvelle existence en Christ. De fait, nous sommes régénérés en Lui et vivons de son amour. C’est notre plus grande richesse, c’est le sens de notre existence, c’est le but de notre vie. L’amour donne du sens à nos vies mais aussi à nos richesses partagées, à nos relations, à notre vie spirituelle. Lui seul est nécessaire pour la vie éternelle tout en étant nécessaire pour notre vie présente. L’amour ouvre le Ciel et nous rend semblable au Dieu d’amour. C’est notre plus grande richesse. C’est notre vrai avenir.

Il n’est pas mauvais d’être riche, il est mauvais de s’enfermer sur soi et d’oublier les autres et donc l’Autre. Accumuler le Bien par une vie ouverte et généreuse est le chemin proposé par Jésus. Cela demande du sacrifice mais surtout beaucoup d’amour. Cet amour dont notre cœur est capable et qui ouvre le Ciel et réjouit la Trinité Sainte.

  1. 2. Être riche en Dieu

Quand Dieu devient le centre de notre existence, tout s’éclaire. Nous trouvons du sens à ce que nous faisons et donnons du sens à notre action. Nous orientons en fait notre agir et amassons le Bien plus que les biens. Nous construisons le Royaume dès ici-bas et savons voir avec les yeux de la foi. Même quand tout paraît obscur, tout s’éclaire dans l’Esprit et nos yeux peuvent voir au-delà des apparences. C’est la joie des croyants que de se savoir aimés et donc d’aimer en retour.

Riche parce que fils/fille : « le  Créateur nous refait toujours neufs à son image » dit St Paul (Col 39-11). C’est la grâce filiale. Ici est notre vraie richesse parce qu’ici surgit notre vraie existence. Nous sommes en Christ cohéritiers de ses biens et de son amour. Nous sommes les membres de son Corps et donc admis à la présence divine. Par le Christ, nous entrons dans une relation toute nouvelle avec le Père et sommes  introduits dans les relations trinitaires. Toute notre existence consiste à vivre de la grâce filiale qui est notre véritable identité.

Riche parce que vivants pour l’éternité : Sans négliger la vie terrestre, sans la mépriser, nous aspirons à la vie éternelle. La vie ici-bas, du fait de l’Incarnation, est la voie d’accès à la vie éternelle. Il ne faut pas rêver ou s’illusionner, il faut passer par cette existence pour comprendre puis accéder à la vie éternelle. Cette existence est donc importante et devrait être vécue le mieux possible. Ce ‘mieux’ consiste à être riche en Dieu, à cumuler les valeurs véritables, à grandir dans la foi, l’espérance et l’amour, à vivre en fils/fille. L’amour rejoint alors l’Amour.

  1. 3. Conclusion : le service dans l’amour

Accumuler les biens ne rend pas l’homme heureux. Il risque de mettre son cœur dans ses richesses et d’en faire son idole.

Accumuler le Bien rend l’homme heureux. Cela le décentre et le réoriente vers l’essentiel et le Bien véritable.

Vivre de l’amour des autres et de Dieu est la véritable richesse qui ouvre le cœur et le Ciel.

P. Francis

 

This entry was posted in Année C, Français, Père Francis, Temps Ordinaire II. Bookmark the permalink.