28e Dimanche Temps Ordinaire C

« Tous les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Les neuf autres, où sont-ils ?
Il ne s’est trouvé parmi eux que cet étranger pour revenir sur ses pas et rendre gloire à Dieu ! »
Jésus lui dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé. »

Chers frères et sœurs, chers jeunes,

cet évangile nous est donné aujourd’hui pour nous aider à nous poser la question : « qui est Jésus dans notre vie ».
Mais, regardons tout d’abord la guérison des dix lépreux.

La lèpre, un fléau des temps anciens

Rappelons-nous de ce que représentait la lèpre à l’époque : cette maladie contagieuse qui attaque le corps petit à petit et qui le fait partir en décomposition avait pour conséquence d’être exclu de la communauté des hommes, lorsque l’on en était atteint. Par exemple, vous deviez quitter votre famille, vous éloigner de vos amis pour vivre avec un petit groupe de lépreux et se promener avec des clochettes et des crécelles ou autres instruments pour éloigner les gens.
Il y avait ce problème du corps qui se décompose, comme une mort progressive, mais aussi cette perte des amitiés et de l’affection de la famille. Les lépreux étaient même privés d’assemblée de prière, l’accès au temple leur était interdit car ils étaient impurs. Voici comment cela se passait du temps de Jésus et comme il a déploré ce rejet des lépreux.

Lorsque j’étais en Argentine, un des frères allait régulièrement visiter une léproserie, cet établissement où étaient réunis les lépreux – c’est rare car il y en a moins depuis que l’on sait soigner cette maladie – et je l’accompagnais.
Il y avait une petite maison dans l’enceinte de cet hôpital qui était exclusivement réservée aux lépreux et on m’y avait introduit. J’ai rencontré là un certain Raphaël dont l’histoire m’a beaucoup touché. Il était né dans un coin de l’Argentine qui s’appelle l’Impénétrable. C’est un immense forêt à travers lesquels les soins ni l’instruction ne parviennent pas à passer, un peu comme un terrain maudit, et ce jeune garçon avait contracté la lèpre. Alors qu’il était tout petit, ses parents avaient dû se séparer de lui : il l’avaient déposé devant la porte d’un dispensaire des sœurs qui l’avaient remis à cet institution, la Fidenza. Il se trouvait coupé de sa famille, et était devenu rabougri, replié sur lui-même : sans famille, sans amis, avec son corps qui se dégradait, c’était un vrai calvaire pour lui.
Mais l’attention qu’il avait reçu dans cette maison, le soin des infirmières, les visites régulières des membres de notre communauté faisaient qu’il avait repris petit à petit il avait repris vie et on voyait une belle lumière dans son regard. Quand on lui serrait la main, on remarquait qu’il n’avait plus de doigts, mais il n’était plus contagieux. Son regard avait repris vie.

Voyez, c’est important car c’est le chemin que nous donne Jésus. Remarquons qu’Il ne commence pas par guérir ces personnes, mais par entrer en dialogue avec elles. Quand on a joué cette petit saynète au patronage l’autre jour, certains jouaient les villageois apeurés et se terraient pour ne pas avoir de contact et être le plus loin possible des dix lépreux qui circulaient. Et Jésus prend le contre-pied de cette attitude.

Comment cela nous parle t-il aujourd’hui ?

Si je vous en parle, c’est que bien souvent, nous sommes aussi amenés à croiser des lépreux dans notre vie. Dans nos salles de classe, par exemple, il y en a qui sont exclus : quelqu’un qui est trop gros, un étranger, un élève qui ne réussi pas en classe, ou dont le père est alcoolique… on peut imaginer d’autres cas.
Et mine de rien, on rajoute une mort à celle qu’ils sont en train de vivre : la mort de ne pas avoir d’amis, de ne pas avoir de liens. Voyez, la première attitude que Jésus nous conseille d’adopter est d’accueillir l’autre : « Accueille-le ! et quelque chose d’elle, de lui pourra revivre… »

C’est un chemin très important que Jésus nous laisse. Et en repensant à cet évangile, je m’interrogeais sur la lèpre : Jésus fait-il seulement référence à la lèpre du corps ? n’y a-t-il pas une lèpre de l’âme, ou même une lèpre du cœur ? ne la nomme t-on pas aussi le péché, le malheur ? et cela peut nous amener petit à petit à renoncer à vivre. Lorsque que l’on a fait quelque chose de mal à Dieu ou contre les hommes, notre force vitale, notre désir de vivre diminuent. C’est l’œuvre du péché. Bien souvent, les pécheurs ont plus envie de mourir que de vivre.
Mais, vers qui se tourner pour aller mieux ? Quand on ne se sent pas bien, à cause d’une grosse bêtise ou d’un péché, quand la situation à la maison n’est pas drôle, quand on a de mauvaises notes… vers qui se tourner ? Pensons-nous à retrouver Jésus dans la prière ?

Quelle lèpre nous empêcherait d’avancer dans la Foi ?

Bien souvent, on se dit que ça ne sert à rien car Il connaît déjà, que ça ne change rien à ma vie, que l’on voudrait quelque chose de plus spectaculaire. Cela ne vous fait-il pas penser à la réaction du général syrien dans la première lecture ? Il est lépreux et on lui conseille de se baigner dans l’eau du Jourdain pour guérir. Et le général s’indigne, comme si on se moquait de lui. « Pourquoi aller dans ce fleuve pour être guéri ? j’ai bien mieux chez moi que ce Jourdain… pourquoi me demandes-tu ça ? »

Oui, nous avons parfois cette réaction : « La foi, je connais déjà et ça ne fait rien, je n’en ai pas besoin. ». Et bien souvent, nous ne faisons pas la relation entre notre vie et la Foi, entre ce qui ne va pas bien en moi et le bien que Jésus peut faire pour que ça aille mieux.
Il nous faut changer de démarche et nous dire que si, il peut y avoir un lien. Pour illustrer cela, voici une petite histoire :

Il était une fois un musicien qui habitait en Allemagne, et il avait l’habitude d’aller chez son boucher qui lui préparait des rôtis et les enveloppait dans des papiers pour les protéger. Comme à l’accoutumée, il est reparti avec son rôti emballé et quelle n’a pas été sa surprise de découvrir cette fois-ci des sortes de gribouillis sur les papiers qui emballait sa viande. En les regardant de plus près, il a découvert que c’était des notes de musique ; comme il était musicien, il a commencé à les déchiffrer et a constaté que c’était une musique extraordinaire, magnifique.
A ce moment-là, il est retourné chez le boucher et a acheté tous les papiers que le boucher avait chez lui et lui a dit qu’il avait chez lui un chef d’œuvre insoupçonné…
Par la suite, il a fait jouer cette musique. Et pour celles et ceux qui connaissent un peu Jean-Sébastien Bach, c’est la Passion selon Saint Matthieu qui a été ainsi retrouvée, une œuvre absolument sublime !

Pourquoi vous ai-je raconté cette histoire ? C’est parce qu’il en est parfois de même pour la Foi :on se dit que c’est un papier d’emballage qui ne nous intéresse pas beaucoup, parce qu’on ne le connaît pas. Mais quand on découvre ce que c’est, quand on commence à l’interpréter comme cette musique, elle qui a besoin d’être lue et jouée, quand l’écoute, on découvre sa beauté.

Chers jeunes, si la Foi reste comme quelque chose de théorique, si vous ne la mettez pas en pratique, vous n’en verrez jamais la beauté. Vous ne verrez jamais que c’est la plus belle musique qui pourrait réjouir votre cœur et toute votre vie.
Il s’agit de redécouvrir une fois que l’on croit connaître et que l’on ne connaît finalement pas.

C’est ce qu’il s’est passé quand j’avais 17 ans : j’ai commencé à prier, et j’ai vu que Jésus était extraordinaire, alors qu’avant, il m’ennuyait…
Oui, il faut toujours laisser cette chance de dire à Jésus : « C’est Toi qui peux combler mon cœur. »

De la gratuité à la gratitude pour grandir dans la joie !

Une dernière chose : il y a dix lépreux, et un seul revient vers Jésus alors que les neuf autres s’en vont. Pourquoi revient-il ? Il vient pour remercier et c’est très important.

Quand on a votre âge, on bénéficie de beaucoup de choses dans une idée de gratuité : Maman nous fait à manger, repasse nos vêtements, on profite de beaux voyages, sans toujours prendre le temps de dire Merci. C’est comme si on avait l’impression que tout nous est dû.
Pour ma part, je me souviens des piles de repassage que ma mère me donnait que je balançais sur le lit, et tout était froissé en un instant, sans beaucoup de reconnaissance… Puis, il y a eu une sorte de déclic : j’ai réalisé que mes parents se donnaient à fond pour moi et que je ne montrais que de l’ingratitude.
Voyez, c’est ce que comprend le lépreux : il revient vers Jésus pour dire Merci, et quand il dit Merci, il mûrit intérieurement, il grandit et cesse d’être comme un petit enfant ou un adolescent à qui tout est dû.

Voilà quelque chose d’extraordinaire : si on reste sans jamais dire Merci, on rentre finalement jamais dans un vraie amitié avec les autres. Les gens me servent, je les utilise, et après je les jette et je reste tout seul…
C’est l’inverse pour ce lépreux : il échappe à la vraie solitude en disant Merci.

Chers jeunes, réfléchissez qui vous pouvez vraiment remercier :

  • Merci à vos parents,
  • Merci à vos éducateurs, et ça peut-être sans les mots, avec simplement une attitude de coopération et de reconnaissance,
  • et puis Merci à Dieu. Il ne faut pas oublier. C’est quelque chose qui vient peu à peu, en commençant par des choses simples : « Merci pour ce beau soleil, pour cette belle journée, pour ce temps de fraternité ». Est-ce que je consomme simplement ou est-ce que je me tourne intérieurement vers quelqu’un qui nous veut du bien, et il faut que je pense à lui dire « Merci ».

Alors, tournons-nous vers la Vierge-Marie, Elle qui a su dire Merci à Dieu avec ce très beau chant qui s’appelle le Magnificat, sans jamais cesser d’être reconnaissante pour tout ce que Dieu avait fait pour elle.
Qu’elle nous aide sur ce chemin,

Amen !

P. Maximilien-Marie, Serviteur de Jésus et de Marie

(source : https://www.serviteurs.org/Homelie-du-28e-dimanche-du-Temps-Ordinaire-2799.html)

 

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