« C’est chez mon Père que je dois être »
(Luc 2, 41-52)
Ce temps de Noël est si beau et si profond qu’il touche les cœurs et ravive la foi et l’amour. Nous aimons être en famille ou nous souvenir de nos familles et de leur tendresse. La famille nous manque quand on est loin. Elle nous agace parfois quand on est proche. Elle ne nous laisse jamais indifférents : on l’aime ou on la hait, on la recherche ou on la fuit, on l’élève ou on l’abaisse, on en rêve ou on en fait des cauchemars… C’est elle qui nous ‘a faits’, qui nous a éduqués, qui nous a transmis valeurs et traditions, qui nous a ‘formatés’ et ‘transformés’. On est ce qu’elle a fait de nous et bien qu’on ait sa part de responsabilité et de liberté, on n’échappe pas à son influence ou à son manque d’influence. C’est le premier lieu humain où on apprend à aimer, à recevoir et à donner, à entrer en relation. De la famille, on reconnaît les traces en nous. Sans famille, on recherche les traces en nous. On devient homme ou femme dans la dualité des sexes et dans cette relation intergénérationnelle. On se reconnaît humain dans un face-à-face équilibré et véridique, dans la liberté des autonomies et l’interaction des personnalités. On n’échappe donc pas à la famille, qu’on l’apprécie ou qu’on la renie. La Sainte Famille de Nazareth est un exemple de vie équilibrée et réussie, un modèle d’amour et de générosité, un lieu de liberté et de découverte. Elle reflète la communion trinitaire et notre création dans la relation.
- 1. La Famille divine.
Parler de la « Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph », c’est certes parler d’une famille humaine, somme toute très simple et très banale, mais c’est surtout parler de son modèle divin, la Sainte Trinité. La Sainte Famille est le reflet de la communion en Dieu et des relations entre les Personnes Divines. La Sainte Trinité est notre référence suprême et notre modèle absolu. Elle est la voie pour nous comprendre en tant qu’individu mais aussi en tant que membre d’une communauté ou d’une famille. On est certes autonome mais aussi et surtout en relation, en communion, dans l’amour et la réception de soi. Qui se prétend seul ou se veut seul au monde, se voue à la solitude du cœur et à l’égoïsme de l’âme. Qui se veut humain entre dans ce jeu relationnel qui fait de nous ce que nous sommes dans la vérité de notre personnalité et la joie de la rencontre.
Autonomie : on ne peut parler de la Trinité sans parler des Personnes Divines dans leur individualité et leur particularité. La Trinité n’est pas la fusion ou la confusion des Personnes. Elle n’est pas échange de visage ou de rôle selon les circonstances. Elle n’est pas une évaporation de l’individualité. Chaque Personne Divine est unique et autonome mais en relation vitale et éternelle avec les Autres. Ainsi, dans nos familles, chacun doit avoir sa place reconnue et respectée. Chacun apporte sa personnalité mais dans le subtil respect des rôles et des positions. Aucune fusion ou confusion. Aucun renoncement au moi individuel mais une mise en relation qui fait du moi un ‘tu’ pour les autres. Marie et Joseph ont laissé Jésus grandir et l’ont laissé partir en son temps pour accomplir sa mission personnelle qui rejoignait la volonté du Père.
Relations : on ne peut parler de la Trinité sans parler des relations, des ‘processions’ comme dit la théologie. Le Fils procède du Père. Le Père engendre le Fils. Le Père et le Fils spirent l’Esprit Saint. Les Personnes Divines vivent dans la communion ces relations vitales et éternelles car elles font qu’Elles sont qui Elles sont. Les relations caractérisent la vie trinitaire : relations éternelles d’amour ad intra et relations d’amour ad extra pour le salut du monde et la divinisation de l’humanité. Ainsi dans nos familles, chacun se construit en fonction des autres et se caractérise par sa relation. Relation d’autonomie mais aussi de dépendance, relation entre les générations, relation entre les sexes, relation de vérité et de responsabilité. Jésus a reçu une éducation humaine et spirituelle de la part de ses parents mais aussi une ouverture à la relation transcendantale qui a fait de Jésus, l’homme équilibré et généreux que nous connaissons.
Amour : on ne peut parler de la Trinité sans parler d’amour et de communion. De fait, l’aspect individuel et l’aspect relationnel se complètent et s’harmonisent dans l’amour. Le Père aime le Fils et le Fils aime le Père. De cet amour, jaillit l’Esprit Saint, Personne Divine individuelle et en communion et non pas vague esprit de l’un et/ou de l’autre. L’amour unit la Trinité, c’est pourquoi elle est le Dieu Unique. Amour est le nom du Dieu Un, c’est pourquoi il est Trinité. Ainsi, dans nos familles, l’amour doit être le moteur de croissance et de dynamisme. Il individualise par la relation. Il rend sociable par son aspect unique et vital. Je suis moi-même et je me construis quand j’aime. Je suis moi-même et je grandis quand j’aime les autres. La communion est le type de relation qui caractérise la Trinité et donc l’humanité créée par Elle. Jésus, par son amour universel et total, a montré la voie. Cette voie nous a porté à découvrir le vrai Nom de Dieu, son identité et son Être : il est Amour et donc communion et donc Trinité.
- 2. La Famille humaine.
On pourrait tant parler de la famille humaine en ces temps agités et controversés. Il résulte que notre approche est l’approche trinitaire car la Trinité est le fondement, non seulement de notre théologie mais aussi de notre anthropologie et de notre métaphysique et donc de notre perception du monde et de l’humanité, de notre éthique et de notre agir, de nos relations au monde et aux autres, de notre prière et adoration. C’est la relation trinitaire qui fait de nous des chrétiens, c’est-à-dire des enfants de Dieu, participants de la communion éternelle.
La famille, image de la Trinité : de même que les Personnes Divines sont autonomes mais néanmoins unies et en relation, ainsi les membres d’une famille vivent de la liberté dans le respect des individualités mais aussi de l’accueil de la diversité et de l’altérité dans l’amour. Notre anthropologie en est imprégnée et illuminée. La famille devrait être le lieu de la relation saine et ouverte, dans la joie de l’amour.
La famille, lieu d’expérience de la Trinité : la famille est le premier lieu d’expérience religieuse. ‘On a le Dieu de sa famille’ pourrait-on dire. On a surtout une relation aux autres et donc à Dieu, qui vient de notre expérience familiale, bonne ou moins bonne. Le Dieu d’amour ne sera ‘accepté’ que si l’amour est vécu en famille. Là est le lieu fondamental de notre spiritualité. Là, nous entrons en vraie relation ou en conflit. Plût à Dieu que nous sûmes transmettre la vérité et la liberté de l’amour!
- 3. Conclusion : un amour qui unit !
Jésus, Marie et Joseph sont modèles d’une famille humaine reflétant la communion divine.
Jésus, Marie et Joseph sont modèles d’amour dans le respect réciproque et donc la plus belle réussite familiale de la Trinité dans notre histoire.
BONNE FÊTE
P. Francis