« Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit »
(Jean 2, 1-11)
Il est symptomatique que le premier signe à Cana, le miracle de l’eau transformée en vin, soit proposé à notre méditation après les célébrations de Noël. Souvenons-nous que ce signe était inclus auparavant dans l’unique fête de la Manifestation (6 janvier), l’Epiphanie, qui regroupait toutes les manifestations de Dieu par le Fils : sa naissance, la venue des Mages, son baptême au Jourdain et son premier miracle. L’Eglise y voyait les signes clairs de la présence divine, la manifestation dans la chair, au monde, à Jean Baptiste et à Israël de la gloire divine. Au-delà du miracle, le signe de Cana est d’une grande importance : il annonce les temps nouveaux, la glorification du Fils, l’amour du Père, la joie dans l’Esprit. Marie y participe à sa façon en ‘provoquant’ Jésus, comme si elle le poussait à accomplir un geste qui le signale comme l’Envoyé, le Bien-aimé, l’Epoux véritable. Jésus, ayant déjà choisi ses disciples, s’engage maintenant dans sa mission, celle de rassembler, de bénir, de pardonner, de proclamer la Bonne Nouvelle. Dieu est l’Epoux. Jésus est le Fils. Il partage la volonté du Père de déverser ses grâces sur l’humanité par la force de l’Esprit. Si tout est effectivement en place, la Résurrection sera la Manifestation la plus sublime et la plus lumineuse de cette nouvelle vie en Christ. Suivons donc le Fils jusqu’à la croix et traversons la mort pour entrer dans la vie éternelle par sa Résurrection glorieuse. Le cœur du Père est ouvert.
- 1. La mission de Jésus.
Parfois on limite la mission de Jésus à une ‘mission de réparation’. Le péché originel ayant tout compromis, il fallait l’intervention de Dieu pour rétablir les liens rompus. C’est vrai. La tendance pécheresse des hommes les ayant écartés de la proximité de Dieu, il fallait un homme sans péché pour retrouver le chemin du Ciel. C’est vrai. La faiblesse de l’homme ayant obscurci son regard porté sur l’infini pour le limiter au fini et à la finitude, il fallait un homme nouveau ouvert à l’invisible et à la transcendance pour traverser nos horizons limités. C’est vrai. Peut-être pourrions-nous aller plus loin et voir dans la mission de Jésus, non seulement une réparation mais un accomplissement de la volonté divine, une manifestation de l’amour paternel, une transfiguration de l’univers et de l’humanité, une Voie vers le cœur de Dieu, une révélation de la communion trinitaire. Au-delà du péché, Dieu ne nous a-t-il pas envoyé un ‘tel rédempteur’ pour nous plonger dans la filiation adoptive ? Rien de moins !
Proclamer la Bonne Nouvelle : cet Evangile, Bonne Nouvelle, est la proclamation du Royaume de Dieu. Dieu, enfin, va établir son Règne où chacun aura sa place et où tous vivront de la solidarité et de l’amour. Jésus est la Bonne Nouvelle car c’est en lui que l’unité est possible et que le Royaume s’inaugure. Il est la Présence divine. Il est la Voix du Père, la Parole de Dieu, la Sagesse éternelle.
Annoncer le pardon : De fait, nous avons besoin de pardon, de réconciliation, de sérénité dans l’amour. Jésus refait le lien rompu, rétablit les ponts brisés, institue une voie salvifique, permet la rencontre et le dialogue. Il est la Vie et la Lumière, le pardon est ainsi une nécessité et une grâce. Il met en lumière la miséricorde et l’amour infini du Père qui procure son Esprit de vérité et de vie. Demander pardon est une responsabilité qui vient de notre dignité humaine. Recevoir le pardon est une grâce qui vient de notre dignité filiale. Dans ces deux mouvements, c’est l’amour trinitaire qui agit, qui guérit, qui restaure et qui lance vers l’avenir. Des voies nouvelles sont ouvertes.
Inviter à la communion : interpelés, pardonnés, nous sommes prêts à la rencontre et cette rencontre est un cœur-à-cœur véritable, un dialogue d’amour, une participation vivifiante, une adhésion inconditionnelle. Par la force de l’Incarnation qui nous a consacrés et la puissance de la Résurrection qui nous a sanctifiés et transfigurés, nous pouvons ‘voir Dieu’, recevoir son amour, partager nos humbles richesses, ouvrir notre cœur et entrer dans la danse éternelle de la Trinité. La communion est possible, c’est la raison de l’Histoire Sainte.
Donner la vie éternelle : appelés à entrer en communion, nous le pouvons par le don de la vie éternelle. Elle nous est obtenue par le Christ, selon la volonté du Père dans la joie de l’Esprit Saint. L’éternité n’est pas un spectacle de contemplation, elle est une communion dans l’amour, au cœur des relations trinitaires et des élans d’amour des Personnes Divines.
La mission de Jésus est bien une mission de restauration mais s’accomplit dans un échange qui fait de nous les membres de son Corps mystique, pour entrer dans le mouvement éternel de l’amour, en Dieu. Mission à partir de l’amour et dans l’amour pour accueillir l’amour et en vivre éternellement !
- 2. Les signes de Jésus
Jésus, au cours de sa vie, va poser des gestes, des signes. Concrètement et symboliquement, il agit, il dévoile, il révèle, il entraîne. Par le pardon, il relie. Par le miracle, il rétablit l’ordre défait. Par sa Parole, il redit l’amour. Par sa mort, il déchire les cœurs et les cieux. Par sa Résurrection, il pénètre l’Être et transfigure la matière. Par son Ascension, il divinise le corps. Par son Esprit de Pentecôte, il enflamme le monde et unit au Père. Voyons donc dans les signes de Jésus, une manifestation de l’amour et une révélation de l’intimité divine.
Signes-miracles : la Création a sa propre autonomie mais parfois déraille. Jésus refait l’harmonie originelle et rétablit le dévoyé, l’abimé, le rompu. Voyons dans les miracles une nouvelle création, un geste créateur, un engagement dans l’amour, un soulagement, une sérénité restaurée.
Signes-symboles : la vie humaine a sa propre autonomie mais peut nous aider à comprendre le monde, notre vocation et même la volonté de Dieu. La naissance est symbole de naissance au Ciel, le mariage est signe de l’amour du Christ pour l’Eglise, le banquet est comme une anticipation des joies éternelles, la paternité est expression de la paternité divine… Nous sommes entourés de symboles qui nous relient au Père, par le Fils dans l’Esprit. Jésus a usé de ces signes pour dire ‘quelque chose’ de l’infini, du mystérieux, du voilé. Par ses gestes, il ouvre le regard et le cœur sur l’éternité.
- 3. Conclusion : le vin nouveau de la vie nouvelle
Les noces de Cana inaugurent la mission de Jésus. Il sera l’Epoux qui vient introduire l’épouse, l’Eglise, dans l’intimité des relations trinitaires dans la joie de l’amour.
Les noces de Cana, symboliquement, sont expression de la vie nouvelle donnée au croyant qui se désaltère du vin nouveau en Christ. Le Fils donne vie, lumière et la grâce. Nous entrons maintenant dans l’explicitation de sa mission, reflet de son être divin et de sa filiation éternelle. Le plus grand bonheur, c’est que cette filiation divine est nôtre par le baptême « dans l’Esprit et le feu ».
P. Francis