4 ème dimanche de l’Avent A

« L’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint »

(Mat 1, 18-24)

Au terme de ce parcours nous rapprochant de Noël, nous revenons sur les événements d’une naissance annoncée et particulière. Les protagonistes ont dû s’établir dans la confiance puisque les références habituelles étaient bousculées. Dieu intervient directement dans leur histoire pour toucher l’Histoire de l’humanité et rétablir une relation perdue et malmenée. La naissance du messie n’est pas une mince affaire pour Israël, c’est même la Promesse par excellence, celle qui accomplira la longue attente d’une vie pacifiée et ordonnée. Avec le Nouveau Testament, cette attente est résolue, la promesse s’accomplit, la paix est donnée, le salut est accordé, Israël est comblé. Il faudra toutefois se dépasser et remettre en cause l’attente même, réévaluer la Promesse, se remettre à scruter les Écritures… pour s’émerveiller de la nouveauté, de l’incroyable, de l‘impensable. L’Emmanuel, Dieu-avec-nous, n’est pas une figure de style, une image. C’est bien Dieu qui s’incarne parmi nous, en nous et s’aventure dans notre réalité humaine, avec ses hauts et ses bas, ses merveilles et ses bassesses. « Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous» (Jean 1, 14). Toute la folie de Dieu s’exprime en ces quelques mots qui vont renverser notre Histoire et s’imposer à notre esprit pour enfin enflammer notre âme et sanctifier notre chair. La Promesse est dépassée !

  1. 1. Aventure humaine

L’annonciation faite à Joseph est typique de St Matthieu. On connaît bien l’annonciation à Marie de St Luc (Luc 1, 26-38). L’Évangile de Matthieu a d’autres préoccupations et veut, ici, relier Jésus à la lignée royale de David et à la grande histoire biblique. Joseph introduira l’enfant de Marie dans l’aventure humaine, commencée à la Création mais particulièrement éclairée par l’appel d’Abraham. Tout l’équilibre de l’Évangile est de montrer la continuité mais surtout la nouveauté, de relier et de délier, d’appuyer et de propulser. Joseph est protagoniste de cet essai réussi.

La Création, en attente : peut-on détacher la Création de l’Incarnation et de la Résurrection ? On ne le peut car en elles, la Création prend tout son sens et toute sa grandeur. C’est une Création en vue de l’Incarnation. C’est une Création qui s’élèvera par la Résurrection. En nous, êtres créés, sont inscrites les marques de la lumière et de la grâce. Comme préparés à recevoir la grâce, la grâce divine qui va se déployer dans le Fils incarné et qui va s’éclairer par le Ressuscité. Jésus entre dans  ce monde ci, en attente de la grâce divine.

L’histoire humaine mouvementée : on connaît les aléas de l’histoire humaine, avec son lot de violence et de beauté, avec ses recules et ses avancées, ses horreurs et ses lumières. De fait, le péché originel aura faussé toutes les perceptions et perverti toutes relations. Créée dans la beauté de Dieu et à son image, l’humanité ne retrouvera pas facilement le chemin de la paix après son libre choix de désobéissance. Jésus entre dans ce monde ci avec toute sa grandeur et sa bassesse pour y insuffler la grâce divine et le reconduire vers le Jardin perdu, symbole de l’harmonie et de la vie paisible en Dieu.

La révélation progressive : l’histoire humaine, ce sont aussi les appels de Dieu et la Révélation progressive depuis Abraham et jusqu’au dernier prophète.  Dieu ne nous a pas laissé sombrer, il ne nous a pas rejetés. Il entre dans l’histoire par sa Parole et son Alliance. Il faudra l’œil attentif du voyant, l’oreille fine de l’écoutant, le cœur aimant du prophète pour attendre, voir, percevoir la « brise légère » (1 Rois 19, 12) qui parle d’amour et de communion. Il faudra la colonne de feu (Exode 13, 21) pour mener à la liberté. Il faudra le sourire de l’enfant de Bethléem pour désarmer les violences et mettre à genoux les puissants. Jésus entre dans ce monde ci pour y être la Parole.

Le Messie surprenant : la promesse était claire mais l’attente était entachée d’idéologie, d’intérêts politico-religieux, de désirs non-dits.  Dieu va prendre de court tous ceux qui voulaient récupérer le messie pour leurs propres intérêts et va répondre à l’attente des humbles et des petits. Non pas un nouvel homme fort, non pas un héros ni même un saint… Dieu vient lui-même. Ainsi, il pulvérise nos schémas et nos attentes, il renverse la situation et devient le premier protagoniste. Jésus, Dieu sauve, Dieu-avec-nous, Verbe de Dieu, Fils du Très-Haut, Icône du Dieu invisible… notre frère et Seigneur !

Joseph introduit Jésus dans l’aventure humaine et l’aventure biblique. Il le relie à une lignée du Peuple élu, héritier des promesses et en attente de leur accomplissement. Aventure qui s’inscrit aussi dans l’histoire humaine, histoire mouvementée de l’homme avec son Dieu.

  1. 2. Aventure divine.

St Paul résume ainsi le cœur de la foi : « cette Bonne Nouvelle concerne son Fils : selon la chair, il est né de la race de David ; selon l’Esprit qui sanctifie, il a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus-Christ, notre Seigneur «  (Romains 1, 3-4). On comprend que pour Dieu, il s’agit aussi d’un « défi », d’une aventure qui passera par la kénose (dépouillement) du Fils pour donner la splendeur divine à cette humanité rebelle mais aimée.

L’Enfant vient de l’Esprit : il est clair que Jésus est conçu du Saint Esprit et qu’il n’est pas le fils naturel de Joseph. Conçu par un homme, le messie ne serait qu’homme. Conçu de l’Esprit, le messie est homme par sa mère et Dieu par incarnation, sans aucun brouillamini mythologique ou charnel. La conception virginale est une condition de sa divinité. L’Évangile insiste sur la non-participation de Joseph à cette conception mais invite Joseph à le recevoir, à l’éduquer, à l’enseigner, à en faire un membre du Peuple élu, du clan royal de David. Dieu entre dans le monde de façon naturelle mais d’une conception exceptionnelle dans laquelle les deux natures sont respectées et harmonisées.

Jésus, le Seigneur-sauve : la mission de Jésus est claire, sauver le peuple de ses péchés et rétablir l’Alliance en lui. Cette mission est une mission de divinisation, en ligne avec la Genèse et le sens de la Création. Elle deviendra mission de rédemption à cause du péché et de la nécessité du pardon. La croix sera le moment de gloire du Fils car elle manifeste déjà sa Résurrection. Sauvés en Christ, nous avons alors accès au Père et l’Esprit nous est donné en abondance. Invités en Christ, nous pouvons participer de la communion trinitaire pour l’éternité. Dieu est communion, donc amour, donc Trinité. La Révélation est complète et définitive. Pas besoin d’un autre prophète ni d’aucune autre révélation, privée ou publique ! Tout est dit en Christ, « tout est accompli » (Jean 19, 30).

  1. 3. Conclusion : Dieu-avec-nous

Joseph a la lourde charge de placer Jésus dans l’aventure humaine mais surtout l’aventure biblique. Il introduit le fils de Marie dans le mouvement séculaire qui, enfin, arrive à son accomplissement.

« Joseph, fils de David », accueille la parole divine pour permettre à la Parole de devenir chair. L’attente messianique devient l’aventure de Dieu parmi les hommes pour nous emmener vers Lui.

 

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