ORDINAIRE 3 A

« Venez derrière moi »

(Mt 4, 12-23)

L’Évangile de Matthieu est une grande fresque qui nous porte de Galilée en Judée. Jésus ‘monte’ à Jérusalem et va symboliquement parcourir les étapes du peuple élu qui passe d’Egypte à la Terre promisse. Il va rejoindre le Saint des saints dans le Temple, signe de la présence divine qui protège et illumine Israël. ‘Monter’ voudra dire prêcher, rencontrer, susciter, convertir mais aussi révéler et témoigner. Sa vie va révéler sa mission et son témoignage, en parole et en acte, va le porter à la cohérence et à la mort. Il dira le Père, par sa vie et proclamera sa divinité par sa Résurrection. Si la Croix reste un scandale injuste et un drame humain, elle révèle la volonté du Père de pardonner et de sauver. Jésus est donc le Serviteur de Dieu par l’Esprit. Nous commençons ce parcours en suivant Jésus d’étape en étape et nous l’écoutons comme la Parole qui vient du Père mais surtout nous le regardons faire et agir, nous le suivons dans l’approfondissement du mystère et la joie de l’amour qui se montre par lui. Il répond aux prophéties mais avant tout, il illumine par sa présence. Il nous porte au-delà du texte pour entrer dans une relation mystérieuse mais bouleversante, la relation filiale. Cela demande évidemment une conversion des mœurs et de la pensée, un renouveau qui amène à être ce que nous sommes en Christ

  1. 1. La conversion comme chemin de renouveau.

Il n’est pas surprenant que Jésus prêche la conversion. On pourrait s’étonner : ne parle-t-il pas à des convertis, aux enfants d’Israël héritiers des promesses et gardiens de la Loi divine ? Au plus, peut-il appeler les pécheurs à une vie conforme à la volonté de Dieu. Il prêche pourtant et la conversion est proposée à tout homme de bonne volonté, à toutes les brebis perdues et toutes les brebis de l’enclos. Il s’adresse au cœur de l’homme pour lui révéler sa grandeur et la profondeur de sa vocation. Il rejoint notre conscience et nos intuitions car il parle à la personne humaine dans toutes ses dimensions.

Se convertir : ‘se retourner’, ‘changer de direction’, la conversion est un changement radical, une rupture, un retournement. Il ne s’agit pas simplement de faire pénitence, même si cela est nécessaire, mais il s’agit de rechercher l’homme intérieur et de s’engager sur un chemin de vie. Jésus associe la conversion à la présence du Royaume. Étonnant mais compréhensible car on change pour le mieux, pour le vrai, pour l’éternité. A quoi bon changer si c’est une simple amélioration des conditions de vie et non pour une radicalité qui touche l’être et qui le conduit vers le haut, vers le beau et le vrai ? La simplicité de la prédication du Christ vient percer nos cœurs pour y insérer le Souffle divin, celui qui porte à la plénitude dans le respect des natures et des autonomies.

Convertir sa pensée : que ou quoi convertir ? Ne sommes-nous pas embourbés de pensées diverses et contradictoires, de désirs avoués ou non, de prétentions et d’inclinations, de tendances et de souhaits ? Ne sommes-nous pas avilis par tant de philosophies creuses et de pensées superficielles, prétendant à libérer l’homme mais l’enfermant toujours plus dans son égoïsme et sa petitesse ? Nous n’avons pas à dévaloriser la pensée humaine et la réflexion séculaire de l’humanité mais nous pouvons reconnaître que bien peu de ces pensées nourrissent en vérité et épanouissent l’humanité en recherche inquiète d’avenir et de bonheur. Jésus prêche le Royaume, non pas dans les nuages, mais déjà présent en nous. Il proclame une présence que nous cherchons à l’extérieur comme St Augustin cherchant Dieu alors qu’il était en son cœur depuis si longtemps (cf. : Les Confessions)! Notre mentalité doit se former à la filiation car c’est elle qui définit, en définitive, l’humanité.

Convertir ses mœurs : quand nous aurons une mentalité de fils/filles, nous pourrons changer d’attitude et agir en conséquence. Il est bien difficile de défendre une morale universelle ou une pensée éthique quand la base réflexive fait défaut ou quand les principes naturels et révélés ne sont pas clairs. L’agir suit l’être, dit-on souvent. L’agir révèle l’être et le met en lumière. L’agir est notre présence au monde, une présence aimante et vigoureuse, dynamique et créative. C’est un long processus, parfois parsemé d’échec mais toujours plein d’espérance. Il est difficile de contrôler sa vie, ses passions et ses pulsions mais la miséricorde divine nous y aide et nous encourage. Les échecs sont mêmes des tremplins vers la grâce quand ils sont vécus dans la confiance, le pardon et le renouveau.

Se convertir pour gagner le Royaume, voici un bien beau programme de vie et cela se concrétise dans un quotidien qui nous élance vers l’éternité. Le ‘chaque jour’ est un entrainement haletant mais bénéfique qui met en lumière ce qui existe déjà, ce qui nous est donné, ce qui brille dans nos cœurs en attente de lumière et d’amour.

  1. 2. Le Christ lumière.

Sur ce chemin de conversion, nous ne sommes évidemment pas seuls. Le Christ nous accompagne. Il propose, dispose et marche avec nous. Il avance avec nous à travers les vallées chaotiques et les chemins escarpés. Il nous entraine vers la lumière au-delà de l’orage intérieur ou extérieur qui nous accable. Parce qu’il est Homme et Dieu, il peut toucher notre être de sa grâce et nous rejoindre là où seul Dieu a accès.

Christ Fils : il ne s’agit pas d’une simple lampe interchangeable pour éclairer la route. Il s’agit d’une lumière intérieure qui éclaire les coins et recoins de l’existence. Le Christ est Lumière, c’est dire qu’il perce les cœurs et enflamme les âmes. Il est Dieu, c’est dire qu’il préside à notre création comme à notre recréation en sa Résurrection. Il est le Fils, c’est dire qu’il nous porte au Père dans l’Esprit et que sa lumière est Lumière éternelle.

Le Christ Homme : il ne s’agit pas d’une humanité vécue par hasard ou par intérêt mais d’une humanité reçue et donnée, transformée et transfigurée, ressuscitée et assumée en Dieu. S’en remettre à l’homme Jésus, c’est s’en remettre au Fils qu’il est et entrer dans la dynamique trinitaire. C’est bien par son humanité, certes transfigurée et ressuscitée, qu’on découvre sa divinité. Son humanité est chemin de divinisation. Notre avenir est en la Trinité Sainte, par le Christ ressuscité.

  1. 3. Conclusion : la vie nouvelle.

Jésus prêche la conversion et proclame le Royaume. C’est lié et nécessaire pour ne pas s’en remettre à une simple nouvelle voie qui laissera sa place à une autre plus tard dans l’histoire.

Jésus prêche la vie nouvelle en Dieu car la conversion est changement radical qui réanime ce qui existe déjà en nous, préparés et renouvelés en la Résurrection.

Jésus est la Lumière qui fait de nous des fils/filles, aptes, dans l’amour, à la vie trinitaire.

Père Francis

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