ORDINAIRE 18 A

« Donnez-leur vous-même à manger »

(Mat 14, 13-21)

Jésus est-il le messie ? Est-il l’Envoyé ? Quelle est sa mission ? Ces questions ont certainement animé les controverses de son époque. On sait que certains le suivront et d’autres le rejetteront. On comprend que professer la messianité de Jésus, c’est se lancer dans l’aventure biblique et peu à peu sortir du judaïsme rabbinique pour entrer dans un judaïsme de perfectionnement, un judaïsme recevant la plénitude de la révélation et s’épanouissant en christianisme. Jésus vient perfectionner et non pas abolir, porter à leur terme les promesses et non pas s’ériger en fondateur. L‘histoire fera que le judaïsme se scindera en deux branches et que les disciples du messie seront le Nouvel Israël, l’Église. Mais quels signes a donné Jésus pour se faire reconnaitre ? Ses ‘miracles’ sont-ils convaincants ? Il semble que non puisque la division s’est imposée. L’Évangile n’utilise jamais le mot ‘miracle’, il préfère le mot grec de ‘signe’ ou ‘prodige’. Le miracle parle à la raison, le signe parle au cœur. Le miracle suscite admiration ou sarcasme, le signe en appelle aux sentiments et à la conscience. Le miracle est accepté ou rejeté, le signe touche les entrailles et entre dans le dialogue secret des cœurs. Ainsi, la multiplication des pains ! On peut en rester au ‘miracle’ ou on peut l’accueillir comme un signe. Le signe d’une présence qui se fait sensible et réelle en Jésus le Messie.

  1. 1. Les signes messianiques.

Jésus a parlé en signes. Les cœurs ouverts les perçoivent. Les croyants les reconnaissent. Les ‘justes’ y voient un appel du Ciel. Se faire reconnaître n’a pas été facile car les signes dépassent les attentes et bouleversent la tradition. En multipliant les pains, Jésus n’accomplit pas un ‘miracle’, il se fait reconnaître par les siens, il rassemble son peuple, il révèle son identité. Il prend à son compte les promesses et les attentes d’Israël et de tout homme.

Jésus le vrai Moïse : l’importance de Moïse n’est plus à démontrer. Rassembleur, prophète, législateur, leader… Il vient au nom de Dieu, il agit pour Dieu, il fait connaître la volonté divine. Jésus dans l’Évangile du jour rassemble le peuple de Dieu, annonce sa libération, révèle le vrai Nom de Dieu, proclame la loi de l’amour. Il vient de Dieu car il est le Fils incarné. Dieu agit en lui car il est Dieu. Certes il faudra la lumière de Pâques pour comprendre mais la lumière de Pâques va illuminer une expérience, les ‘signes’ que Jésus a laissé sa vie durant. Le croyant reconnaît son Seigneur.

Jésus Parole Vivante : Moïse parle au nom de Dieu, il donne les commandements et la Loi. Il interprète la Parole Divine en la transmettant. Il juge les situations et décide des sentences et jugements. Jésus parle mais c’est Dieu qui parle. Il donne son commandement d’amour en toute autorité car il est « dans le Père » et le Père est en lui. Il juge le monde de façon souveraine car il est le Roi de l’univers. Alors que Moïse parle pour Dieu, Jésus est le Verbe de Dieu, Parole éternelle qui crée et renouvelle, qui purifie et sanctifie, qui divinise et introduite dans la communion. Le croyant reconnaît la Parole de son Seigneur.

Jésus Pain du Ciel : Moïse a demandé le pain dans le désert pour nourrir son peuple en demande et prêt à retourner en esclavage. Il a intercédé afin que Dieu délivrât son peuple et qu’il le sauvât d’une mort certaine devant la mer infranchissable ou dans un paysage inhospitaliers. La manne, don de Dieu, ne pouvait être conservée plus d’un jour. Elle se renouvelait chaque matin. On sait les controverses de ce peuple « à la nuque raide ». Le pain de Jésus est abondant, il vient de ses mains bénits et de sa prière filiale. Il se multiplie à volonté et il en reste. Il nourrit les foules et laisse emporter les restes pour les isolés. Son geste est ‘eucharistique’, action de grâce, bénédiction, glorification du Père. Jésus disparaît devant l’action du Père. La gloire est toute pour le Père car Jésus est son Fils et ne vit que par lui. Si le pain pour le corps est ainsi abondant et gracieux, qu’en est-il du pain pour l’âme ? On ne vit pas seulement de pain mais toute Parole qui sort de la bouche de Dieu et ce pain devient nourriture de vie éternelle. Il y a ici l’annonce de la Cène qui donnera le ‘signe suprême’ de la présence divine : le pain des anges, le pain du Ciel, le pain de Dieu, Jésus nourriture pour les croyants, vrai Pain de vie. Le croyant se nourrit de son Seigneur.

La multiplication des pains est le signe que Dieu envoie pour annoncer les temps messianiques. Le messie, c’est Jésus et ce messie, au-delà du grand Moïse, est le grand Prophète, le vrai Roi, le Fils Unique. Jésus accomplit la volonté du Père en donnant l’Esprit Saint, fraicheur divine pour nos cœurs en attente d’amour.

  1. 2. La Présence réelle.

« Qui nous séparera de l’amour du Christ ? » demande St Paul (Rom 8, 35) Rien ne peut nous éloigner d’un amour qui s’est fait signes, paroles, guérison, gestes. Rien de terrestre et rien de surnaturel ne peut venir ternir une communion si grande e si intense. « L’amour de Dieu qui est en Christ Jésus notre Seigneur » (Rom 8, 39) est si puissant qu’il vient bouleverser nos attentes et remplir nos cœurs assoiffés. Cet amour est communion, il est trinitaire, Il se partage. Les signes du Père par le Christ sont l’œuvre de l’Esprit qui ravive en nous le désir de Dieu. Jésus nous laisse le signe de son amour dans ce pain eucharistique à partager et à adorer.

Le Pain eucharistique à partager : le signe de l’amour de Dieu se laisse voir dans le partage du pain et du vin consacrés. Actualisant l’unique sacrifice du Christ, nous communions à l’amour divin en nous approchant du Pain vivant. Le Pain se rompt pour la communion des croyants en la Présence réelle du Seigneur ressuscité. C’est l’amour en acte. C’est l’amour qui se fait voir !

Le Pain eucharistique à adorer : suscitant notre amour, le Pain du Ciel devient sujet de notre adoration et centre de notre culte spirituel. Offrir et s’offrir. Partager et se partager. Donner et se donner… l’eucharistie nous ouvre à la plénitude de la communion trinitaire et à la grandeur de la vocation filiale. S’il faut d’abord partager et manger le Pain eucharistique, il peut être adoré car la Présence divine est certaine et réelle. Le ‘miracle’ laisse place au signe qui parle au cœur et livre ses secrets dans l’intimité d’une relation unique et filiale. Pas de doute, le Ressuscité se laisse toucher, partager, adorer.

  1. 3. Conclusion : faim de Dieu

Multiplier les pains n’est pas un miracle mais un signe. Jésus révèle sa messianité. Il est Celui qui devait venir.

Multiplier les pains n’est pas banal mais plus encore. Jésus livre son identité et dévoile sa relation particulière avec le Père.

Multiplier les pains prépare au grand signe de la Présence réelle qui nous accompagne jusqu’au Ciel.

P. Francis

 

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