ORDINAIRE 4 B

« Le Saint de Dieu »

(Marc 1, 21-28)

Notre recherche peut se perdre dans des considérations intellectuelles ou historiques autour du personnage historique de Jésus de Nazareth. Ce Jésus est bien de notre histoire et personne de sérieux ne peut douter de son existence. Les indices testamentaires ou extra testamentaires sont là pour nous aider à reconnaître son passage. La démarche d’historien ou d’archéologue est fondamentale et a toute sa valeur mais ne peut s’immiscer dans l’interprétation religieuse de l’événement. Le Jésus de la foi est de l’histoire mais échappe à celle-ci. Le profession de foi chrétienne s’appuie sur l’histoire mais la dépasse pour atteindre le mystère de l’identité véritable du Christ et le mystère de sa mission. Si l’histoire constate la mort en croix d’un homme nommé Jésus et la présence d’un tombeau vide vénéré par ses disciples, la foi proclamera la Résurrection du Crucifié et son œuvre salvifique, le tombeau vide étant pour elle une preuve matérielle parlante qui illustre l’expérience pascale fondamentale. Ainsi toute la vie de Jésus relève d’un événement historique daté mais la reconnaissance de son prophétisme ou de sa filiation divine relève de l’accueil de l’Evangile comme source de vie et de salut. Suivant le Christ sur les chemins de Palestine, nous découvrons peu-à-peu son identité à travers des événements historiques précis. Jésus est un prophète mais va vite montrer qu’il est surtout le Fils.

  1. 1. Le grand prophète

On connaît bien les prophètes de l’Ancien Testament. On lit leurs œuvres et on suit leurs actions à des moments déterminés de l’histoire d’Israël. Le prophétisme apparaît en même temps que la monarchie. C’est comme un contre-pouvoir qui balance les prétentions autonomistes des rois, Dieu étant le seul et véritable Roi d’Israël. Lee prophètes vont rappeler l’Alliance et la Loi et approfondir les relations avec le Très Haut. Ils sont des veilleurs et des hérauts.

Continuités : Jésus est un prophète. Il parle et agit comme eux. Il s’inscrit à leur suite et agit dans leur sillon. Il sait vilipender mais aussi relever. Il sait rappeler mais aussi approfondir. Il connaît la Loi et les Ecritures. Il est vraiment leur héritier. A voir Jean le Baptiste, on se souvient que l’attente messianique était forte dans le Peuple. Après bien des expériences négatives et des désillusions politiques, le Peuple de Dieu avait su remettre son existence entre les mains de Dieu. Dieu lui-même avait annoncé la venue de son Messie, un grand prophète venant du milieu du peuple et selon son cœur (Deut 18, 15-20), parlant en son nom et rallumant l’espérance du salut et de la bénédiction. Ce prophète, parfait et sans ambiguïté, serait la force de Dieu et sa Voix, dans la ligne de l’Alliance. Le Baptiste prêche en ce sens. A la vue des œuvres de Jésus, il le désigne. A entendre parler de lui, il s’inquiète. Est-ce lui ? La liberté de Jésus le déconcerte. Il mourra à peine rassuré. Sa mort tourne une page importante de l’histoire du salut. Jésus inaugure les temps nouveaux.

Discontinuités : si Jésus est un prophète biblique pur jus, il est aussi un prophète original. Il va minimiser bien des choses, déplacer les priorités, renforcer la relation personnelle avec Dieu, inviter à l’intériorisation, spiritualiser le culte, décentrer le temple et surtout interpréter la Loi et l’Alliance en fonction de lui. Les scribes, les prêtres de Jérusalem ou les pharisiens ne se trompent pas : on a là un changement radical de position ou une réinterprétation fascinante de la foi séculaire. Les cœurs ouverts vont pouvoir accéder au changement. Les cœurs fermés ou compromis, les esprits obtus ou corrompus ne pourront supporter ce qui met en cause leurs positions sociales ou leur autorité religieuse. « Toi un homme, tu te fais Dieu ? » c’est le blasphème suprême et intolérable. On ne peut s’étonner du choc frontal et violent que cela  va produire. Jésus, tout en étant fidèle au judaïsme, va l’éclairer de sa lumière filiale et va faire exploser les carcans qui l’emprisonnent.

Pour nous, il est important de comprendre que le christianisme est en continuité avec l’Ancien Testament et, par l’incarnation du Fils, sa mort et sa Résurrection, il est le Testament Nouveau, la Nouvelle Alliance dans le sang du Christ. Il y a rupture mais elle s’enchaîne dans la vitalité biblique.

  1. 2. Présence divine

Jésus n’est pas un simple prophète dans une chaîne ininterrompue et qui se poursuit. Jésus est la révélation définitive de Dieu. Il vient de Dieu et éclaire l’histoire de l’Alliance. Il est de Dieu et illumine de sa vie toute les relations. Il est Dieu parmi nous et transfigure l’existence, la création et tout l’univers. Plus que prophète, il est le Temple, la Loi, l’Alliance et donc la Parole de Dieu et sa Sagesse. Il est le Christ qui sauve mais surtout le Fils qui donne sa grâce dans l’Esprit Saint pour la glorification du Père.

Parler avec autorité : son enseignement n’est pas habituel. Il touche le cœur et transforme la vie. Il donne vie car il est source vivante et vivifiante. Jésus parle avec l’autorité de Dieu : ses paraboles, ses mots choisis, ses référence, ses « je suis »… sont divins. Seul Dieu pouvait parler ainsi. Il y a conjonction entre la Parole du Dieu d’Israël et les paroles de Jésus. Il est le Verbe (Jn 1).

Le Saint parmi nous : et puisque cela ne suffit pas à convaincre, les Evangélistes rapportent les professions de foi des démons. Ils savent qui est Jésus. Ils le craignent. Ils le respectent. Ils s’inclinent. Le monde surnaturel sait reconnaître le Seigneur. Ce titre donné par les démons est le titre suprême de Dieu dans l’Ancien Testament. On ne prononçait pas son saint Nom, sinon une fois par an, mais on le désignait par des expressions de respect tout aussi importantes. Si Jésus est  « le Saint, le Saint de Dieu », il est Dieu. Sa filiation divine ne fait aucun doute pour l‘Eglise primitive qui nous a transmis sa foi lumineuse à l’aune de l’expérience pascale.

Ainsi Jésus, en continuité mais aussi en rupture avec le passé, se révèle Présence divine pour son Peuple en attente. Cette présence divine était surtout illustrée par la grandeur du Temple. Jésus est donc le Temple, lieu de rencontre et de communion avec le divin.

  1. 3. Conclusion : rupture dans l’amour

Les contemporains de Jésus étaient fascinés : Qui est-il qui parle avec autorité ? Il est parole et Verbe de Dieu. Ses paroles sont jaillissements de vie éternelle. Ceux qui l’ont suivi l’ont compris. Il vient de Dieu et emporte vers Dieu dans un « je suis » transcendant et divin. Source, il est aussi le but de notre existence transformée.

Les contemporains de Jésus étaient émerveillés par ses miracles et ses exorcismes. Mêmes les démons s’inclinent et le reconnaissent, non pas comme un simple guérisseur ou un thaumaturge mais comme « le Saint », nom donné à Dieu seul et qui convient à Jésus. Sa vérité filiale est dévoilée et désormais sa mission sera de la partager avec les élus, pour s’épanouir en la Sainte Trinité.

P. Francis

 

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