ORDINAIRE 5 B

« Il la fit lever »

(Marc 1, 29-39)

Suivre Jésus n’est pas aisé. Si on aime l’écouter, on est inconfortable devant certaines de ses actions. On voudrait un Jésus purement spirituel mais on trouve un Jésus incarné et proche des réalités humaines. On voudrait un discours clair et puissant mais on reçoit un enseignement parsemé, illustré par des œuvres déconcertantes. Notre esprit moderne a bien des difficultés à s’insérer dans l’atmosphère historique qui a vu le Sauveur se manifester et qui est à mil lieux de notre réalité contemporaine. Jésus s’est bien manifesté dans l’humus de son époque et nous interpelle dans la pâte de la nôtre. Sa Résurrection le rend  présent à tous, de toute époque et de toute latitude. Il transcende notre histoire mais l’intègre en même temps à sa victoire. Il s’exprime dans notre histoire mais pour nous mener à l’éternité en la Sainte Trinité. Il nous faut donc être attentifs au Jésus historique et contempler le Christ de la foi qui, par ses gestes de salut incarnés, nous sauve nous-aussi et nous emporte en Dieu.

  1. 1. Le Seigneur guérit.

Les miracles de Jésus nous interpellent. On cherche toutes sortes d’explications rationnelles pour expliquer le surnaturel. Notre esprit scientifique a bien du mal à accepter ces ‘exceptions’ voulues par Dieu et son intervention directe dans le monde et la vie des gens. On risque ainsi d’affadir le concret de la foi et d’éloigner Dieu dans le lointain de son Ciel. Certes, la création a été rendue autonome et évolue selon ses propres lois, mais le Créateur reste Dieu qui, souverainement, dans la force de son amour, peut poser sa main et redresser ce qui semble perdu ou tordu. L’Incarnation du Fils n’est-elle pas la preuve de l’entrée de l’invisible dans le visible de notre expérience ? La Résurrection n’est-elle pas l’éblouissement qui transfigure toute réalité mondaine et humaine par la grâce ? L’Esprit Saint n’est-il pas au cœur de nos vies ? Dieu crée, se dit, intervient, guérit. Dieu sauve et sanctifie. Dieu nous prend chez lui en nous faisant enfants dans la lumière du Ressuscité.

Guérison spirituelle : Jésus regarde le cœur. Il connaît les intentions et les dispositions. L’Evangile est rempli de ses dialogues de vie qui portent espérance et lumière dans les moments de doute. Jésus sait toucher les cœurs et frapper les esprits par sa Parole puissante et par son Regard lumineux. Il mène vers la vérité tout entière en « expliquant les Ecritures » et en posant le geste adéquat.  Parole et geste sont unis pour porter le salut et faire éclater la grâce dans l’amour. C’est aussi par la Parole et le geste que la matière devient lieu d’éternité dans les Sacrements.

Guérison physique : Jésus s’émeut de la détresse humaine. La pauvreté le touche, la misère l’interpelle, la maladie le provoque. Il pose alors des gestes de guérison qui, au-delà du spectaculaire, rétablissent l’harmonie perdue d’une création pervertie ou limitée. Les miracles de Jésus sont les gestes du Fils de Dieu, souverain Maître du monde et Seigneur de l’univers, Alpha et Oméga de la création, porteur d’éternité dans notre réalité contingente. Il rétablit alors la vie selon la volonté du Père et agit par la force de l’Esprit. Aujourd’hui encore, ses gestes de guérison physique sont des signes de sa bonté et agissent en nous comme des signes de sa présence aimante et puissante.

Guérison intérieure : Jésus, par ses gestes de compassion, cherche à toucher l’être profond et le secret jardin de la rencontre en nous. Guérir, oui parce qu’il aime comme le Père nous aime mais guérir pour mieux nous relever et retrouver la force de marcher et la joie de croire. Guérir pour assainir nos cœurs meurtris et nos esprits perturbés afin d’être libres d’aimer comme lui. Guérir pour retrouver le chemin intérieur qui est notre Ciel dans la communion trinitaire. Temples de l’Esprit, nous sommes désormais le lieu sacré de la présence Divine, par le Christ incarné et ressuscité.

S’il ne nous est pas facile de croire aux miracles, il nous est plus aisé de poursuivre un chemin de guérison intérieure que le Seigneur mènera à sa guise. Guérison spirituelle ou physique mais guérison intérieure qui plonge ses racines dans l’amour trinitaire et sa force de communion.

  1. 2. L’amour nous guérit.

On est étonné par les lectures de l’Evangiles où, bien souvent, à travers la demande d’un geste concret et immédiat, il y a un motif profond et spirituel. Jésus le saisit immédiatement et va au-delà de la demande pour atteindre le cœur ou les entrailles des personnes. Il sait reconnaître les vraies motivations ou susciter un questionnement qui aurait pu s’arrêter à un problème concret. Nous sommes nous-aussi centrés sur nos problèmes matériels ou nos limites humaines. Nous désespérons, parfois, comme Job (Job 7) qui exprime son désenchantement ou sa déception. Bien que légitimes, ces considérations ne nous satisfont pas et nous cherchons à aller au-delà du simple problème pour l’intégrer dans une réalité plus globale et dans une réflexion plus étendue, pour l’intégrer dans notre choix fondamental et les sources de la foi. N’est-ce pas l’amour qui, finalement, est la réponse puisqu’il jaillit  du cœur même de Dieu ?

L’amour au cœur de la création : si Dieu a créé, c’est parce qu’il est amour. Y avait-il une nécessité ? Certains philosophes le pensent, l’être existant ayant besoin d’un vis-à-vis. La foi ne le pense pas puisque l’amour est gratuit et que la divinité se suffit à elle-même et puisque la Trinité est communion dans le face à face éternel des Personnes Divines. Mais l’amour est au cœur du monde comme il sourd du cœur de Dieu. L’amour est la force de guérison qui restaure le dégradé pour l’insérer dans la beauté rétablie, qui féconde le limité pour l’intégrer dans l’infini.

L’amour au cœur de nos vies : si Dieu nous a créés, c’est parce qu’il est amour et qu’il nous veut avec lui. Toute l’histoire du salut en est la preuve et le Fils en est le témoin privilégié et le Révélateur autorisé. L’amour alors est notre lieu de naissance et de vie, notre milieu de respiration et l’atmosphère qui élève, notre origine et notre fin. L’amour guérit parce que Dieu guérit. Dieu peut bien, selon sa volonté, guérir de telle ou telle chose ou telle ou telle personne, il sera toujours l’amoureux qui vient s’établir dans nos existences bénies et choyées. La souffrance, physique ou morale, spirituelle ou psychologique, devient alors étonnamment un lieu de rencontre et de puissance. Par la force de l’amour divin et trinitaire, la Croix est le Trône et la Gloire du Fils !

  1. 3. Conclusion : ouverts à l’action de l’Esprit.

Le Christ est le Sauveur. Il est l’icône du Très Haut qui agit en notre monde. Il n’est pas un thaumaturge quelconque avec des pouvoirs de guérisseur. Il est la Présence divine et la Force de l’amour divin parmi nous.

Le Christ est le Fils. Il est le vis-à-vis du Père et avec lui le « spirant » de l’Esprit Saint. Cette puissance de communion par l’amour est source de guérison maintenant mais surtout lieu de notre éternité. Nous sommes aspirés par cette force attractive pour vivre dans la joie de l’amour trinitaire.

P. Francis

 

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