ORDINAIRE 11 B

« Il en est du règne de Dieu comme… »

(Marc 4, 26-34)

Jésus de Nazareth a prêche le Règne de Dieu. Il a regroupé des disciples pour dispenser son message et le porter aux extrémités du monde. Cette prédication est en continuité avec l’Ancien Testament. Dieu, en effet, y avait choisi un peuple pour être témoin de sa présence et pour annoncer au monde son Unité et sa Providence à travers l’Alliance et la Loi. Jésus s’inscrit dans cette mouvance tout en y mettant sa touche personnelle et en y introduisant un degré spirituel inégalé. Reconnu Fils de Dieu en sa Résurrection, ses paroles ne pouvaient prendre qu’une connotation spéciale et élever la communauté naissante à une connaissance plus grande. Le Règne de Dieu n’est pas temporel, il est éternel. Le Règne de Dieu n’est pas localisé, il est le Cœur de Dieu. Le Règne de Dieu n’est pas limité, il est enfoui dans le cœur de l’humanité, là où Dieu parle et aime. Le Règne de Dieu, c’est finalement, la communion en la Sainte Trinité, qui passe par nous, en nous, par le Christ, en Christ dans l’Esprit pour la gloire du Père. Que Dieu règne donc et établisse ce Règne d’amour tant souhaité.

  1. 1. Un Règne en croissance.

Jésus ne parle pas du Règne de Dieu comme une contrainte ou une localisation idéale. Il n’impose pas une théorie indiscutable qui nous forcerait à admettre sans réfléchir ou à adhérer sans conscience. Il en fait un idéal spirituel qui permettra de tenir compte de nos lenteurs mais aussi de nos capacités de croissance et de dépassement. Le Règne de Dieu est comme « un homme qui jette le grain dans le champ » ou « comme une graine de moutarde » qui croît et s’épanouit pour donner du fruit ou pour abriter « les oiseaux du ciel ». Fidèle à sa pédagogie, Jésus utilise des paraboles et des images parlantes qui vont droit au cœur et interpellent la raison. Notre nature humaine possède ses richesses mais demande aussi une progression : nous sommes capables de bien des choses si nous nous mettons en marche vers le Beau et le Bien, vers le Père par le Christ dans l’Esprit.

Le Règne en nous : on a beau chercher de tous côtés, le Règne de Dieu n’existe qu’en nous. Le Ciel se trouve dans notre âme, il est l’hôte de notre corps et de notre esprit. La personne humaine est le lieu de la rencontre entre Dieu et l’humanité. Le Christ, vrai Dieu et vrai homme, a montré le chemin tout en le permettant. Sa double nature est le point d’union des deux mondes, longtemps séparés mais désormais harmonisés en sa Personne unique de Verbe de Dieu. Le Ciel et la Terre se retrouvent dans une communion et harmonisation parfaite en lui. Par lui, nous sommes rétablis dans l’amitié de Dieu et cette amitié devient communion par notre libre acceptation. Il n’y a plus à chercher ailleurs, c’est en nous que cela se passe. St Augustin le rappelle dans ses Confessions.

Le Règne en croissance : si nous sommes ‘capables’ de Dieu, nous sommes en progression. Le grain a besoin de temps pour mourir à lui-même, croître et donner du fruit. Le semeur « ne sait comment la semence germe et grandit ». C’est dire que la grâce est donnée et qu’elle ‘travaille’ en nous. L’ayant acceptée, nous nous laissons façonner et transformer pour devenir peu-à-peu ce que nous sommes vraiment : êtres humains créés et voulus par Dieu en processus de filialisation, car de fait, être homme c’est être fils. L’amour s’exprime en nous, par l’acceptation et la beauté de notre nature humaine mais aussi par la perception du divin et la filiation adoptive qui élève notre nature et la porte à ce qu’elle doit être en vérité. Le Règne de Dieu, c’est ‘comme aller à la maison’ (Benoît XVI) et vivre notre réalité sous le regard paternel de Dieu dans la grâce de l’Esprit du Fils.

Règne et obstacles : s’il y a progression, transformation et acceptation, il y a forcément tensions et difficultés. Il n’est pas facile de lâcher prise et de se laisser faire, même quand théoriquement on sait que c’est pour le mieux. Il y a des morts à opérer et à accepter et des résurrections à vivre. Ces morts et résurrections sont une loi naturelle (voyez donc la nature et ses renaissances annuelles) mais aussi une loi spirituelle (pensez donc aux moments importants de votre vie spirituelle). On meurt pour renaître. On ressuscite pour s’élever toujours plus vers le Haut et ce haut est bien souvent en nous. Certains obstacles peuvent paraître insurmontables (tendances, pulsions, habitudes, pressions sociales, tentations, intérêts, mensonge…) mais ne sont jamais infranchissables. La grâce aurait-elle une limite ? Le Créateur ne pourrait-il pas opérer un miracle ? La nature humaine est-elle si pervertie que la Résurrection ne puisse la toucher en certains endroits ? Notre action est fondamentale mais l’action de l’Esprit est capitale. Ensemble, la grâce opère et sanctifie notre vie et notre personne.

Le Règne de Dieu se voit ainsi accueilli. Il est le lieu de l’amour, de la rencontre, de la communion.

  1. 2. Un Règne de communion.

On parle souvent de Paradis, de Royaume, de Règne, de Cieux et Terre Nouvelles, de Nouvelle Jérusalem… tant d’expressions pour désigner la même réalité : la communion enfin établie et vécue par les partenaires fidèles de l’Alliance dans le Fils !

Un rameau nouveau : comme un rameau planté sur une haute montagne  (Ez 17, 22-24), ainsi le Règne s’établit en nous. Il produit des fruits et accueille l’amour. Il rétablit la relation et entre dans la communion. La Montagne de Dieu, celle de Moïse, d’Elie ou de Jésus, c’est le lieu de rencontre où Dieu se donne ‘à voir’ et où l’amour est requis. Nous y montons nous-aussi malgré les difficultés et nous nous y établissons fermement pour mieux retourner à notre réalité humaine et être témoins du face-à-face.

Une vie nouvelle : comme une source d’eau vive qui jaillit du rocher, ainsi la grâce se répand en nos cœurs et transforme nos vies quotidiennes. Il ne s’agit pas d’être bon ou de braves gens, il s’agit d’être des saints, c’est-à-dire des fils et filles du Père, agissant selon notre nature unie à notre vocation filiale nouvelle. La vie humaine, banale et répétitive, est le lieu d’où sourd la Vie Nouvelle, divine et éternelle. Nous vivons donc l’extraordinaire dans l’ordinaire, l’ordinaire étant notre chemin habituel de progression et de communion. Souvenons-nous des mystiques et saints de notre histoire qui par leur communion réelle avec Dieu ont été des amants réels de l’humanité.

  1. 3. Conclusion : progresser dans l’espérance !

On se sent, bien souvent, loin du Règne de Dieu parce qu’on l’imagine loin et impénétrable. Jésus en aurait-il parlé sachant la distance impossible à franchir ? Jésus savait que ce Règne commençait en nous et proposait à tous d’y pénétrer en accueillant la Parole de grâce et notre vocation réelle de fils et filles.

On se sent impuissant à vivre des réalités du Règne de Dieu même si on en voit déjà les fruits et la beauté. Pourtant, il est là, en nous, vrai lieu de rencontre entre le Divin et l’Humain. « Nous avons confiance » (2 Co 5, 6-10) dit St Paul. Nous cheminons vers la gloire, c’est notre espérance.

P. Francis

 

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