ORDINAIRE 23 B

« On le prie de poser sa main sur lui »

(Marc 7, 31-37)

Notre foi n’est-elle que spirituelle ? Ne concerne-t-elle que notre relation avec Dieu sans aucun souci de notre vie quotidienne et de nos préoccupations les plus profondes ? On risque quelque fois de séparer les domaines et couper les ponts entre la foi et la vie, entre la grâce et la chair, entre le divin et l’humain. S’il y a évidemment autonomie des domaines, il n’y a pas de séparation définitive. Des liens existent, des passages se font jour, des va-et-vient s’opèrent. Nous ne sommes pas cloisonnés dans un aspect de notre vie sans que le reste ne soit touché. Nous ne pouvons faire fi du corps quand on s’occupe de l’âme. L’âme n’est pas indifférente aux souffrances du corps ou de l’esprit. C’est tout le génie du christianisme d’harmoniser la personne humaine et de créer des passages. Le Fils incarné nous a montré le chemin. Sa mort a touché notre âme. Sa Résurrection a transformé notre personne. La grâce filiale a envahi notre vie. Elle irradie notre âme, soutient notre corps et illumine l’esprit. Ainsi, le malade reçoit sa consolation, le désespéré reçoit un soubresaut d’espérance, le chercheur d’infini reçoit la lumière de l’invisible. La personne humaine atteint les Personnes Divines par la Personne Unique du Fils, Homme et Dieu. L’Esprit Saint se déploie en nous comme une chaleur qui réanime l’âme, guérit le corps et entraîne l’esprit. Si Dieu a créé l’âme immortelle, il a créé le corps mortel mais appelé à la résurrection. Rien n’est perdu. Toute la personne humaine est sauvée par l’amour éternel de la Trinité.

  1. 1. La main de Dieu guérit.

On aime voir Jésus opérer des miracles. On sait qu’il le peut et que le Père lui accorde sa puissance. Il est le Fils qui déploie l’amour trinitaire dans le monde. On remarque souvent que Jésus, tout en guérissant les corps, s’attarde à toucher les âmes. Le miracle ne serait pas complet s’il n’y avait équilibre entre la demande et le désir, entre les affres de mort et les désirs de vie, entre le visible et l’invisible. Il sait passer de la volonté de guérir corporellement à la volonté de grandir spirituellement. Jésus est un passeur qui rétablit l’harmonie et atteint le cœur. Sa guérison est parfaite quand elle enveloppe toute la personne. Encore faut-il y croire et ne pas nous arrêter à la seule guérison spirituelle ou à la seule guérison corporelle. Encore faut-il croire que le Seigneur guérit toujours aujourd’hui, dans le quotidien de nos existences mouvementées et non seulement dans les sanctuaires ou les lieux sacrés !

Dieu guérit le corps : Jésus guérit les corps. On le voit tout au long de l’Evangile. L’histoire de l’Eglise est remplie de ces actes merveilleux par lesquels Dieu intervient dans notre Histoire et se rappelle à notre mémoire. Si, bien souvent, c’est le seul miracle qui nous impressionne ou qui entraîne des controverses, c’est aussi un miracle qui rappelle le Créateur comme principe de tout créé. L’autonomie du créé est respectée mais rétablie dans son orientation primordiale. Dieu n’est pas détaché de sa création, encore moins de sa créature. Il n’est pas enfermé dans son Ciel sans intérêt pour nous. Il y a des guérisons physiques aujourd’hui. La foi oriente notre demande. Elle obtient ce qu’elle demande quand elle est pauvre et simple, humble et convaincue, reconnaissante et adorante.

Dieu guérit l’âme : Jésus guérit les âmes. L’Evangile le montre. L’histoire de l’Eglise est remplie d’exemples de ces moments merveilleux où Dieu touche les âmes et opère la guérison spirituelle selon sa volonté souveraine. On ne sait pourquoi Dieu guérit un tel ou un tel et pas celui-ci ou celui-là. C’est un mystère mais il appelle certainement tous les hommes à la paix et à la foi en lui. Ses voies sont diverses et mystérieuses. Elles en appellent à la liberté qui peut s’enraciner dans les cœurs préparés et ouverts. Les conversions sont légions. Les changements de vie sont spectaculaires. Les vocations à la filiation se multiplient dans un monde qui renie le sens de la vie, qui propulse vers la mort, qui tue l’âme dans ses demandes légitimes.

Dieu guérit l’esprit : Jésus guérit les esprits. L’Evangile regorge de ses discours lumineux et de ses discussions  passionnantes. L’histoire de l’Eglise est une longue recherche spirituelle et intellectuelle où les chrétiens ont harmonisé leur raison avec leur foi, ont utilisé les outils disponibles pour affermir la foi et l’articuler. Si le corps est si faible et l’âme si lumineuse, l’esprit aborde le monde avec quiétude et sérénité. L’angoisse disparaît pour laisser place à la lumière qui jaillit au matin de Pâques.

On le voit, le fameux « Effata, ouvre-toi » de Jésus, non seulement ouvre la personne à ses possibilités rétablies mais ouvre le Ciel pour une communion véritable où l’harmonie prend le pas et où l’amour élève. Ouvrons-nous donc à l’impossible du Christ qui plonge dans l’amour du Père par la grâce de l’Esprit Saint.

  1. 2. La vengeance de Dieu libère.

Finalement, ne serait-ce pas ceci la ‘vengeance’ de Dieu ? On en parle souvent dans l’Ancien Testament. Jésus l’a réalisée. Il a mis l’amour au centre de nos vies et de nos personnes. Il a révélé l’amour comme énergie et motivation principale. Il a rappelé l’amour comme principe de création et de recréation par le Résurrection. Il a exprimé l’amour du Père par sa croix et sa Résurrection. Il a donné l’Esprit d’amour comme tremplin vers le Dieu d’amour. Il nous a plongés dans l’amour trinitaire comme principe de vie et d’harmonisation. Il a vengé son Père en aimant !

Vengeance qui interpelle : on attendait une déflagration spectaculaire de la vengeance annoncée de Dieu. Le Crucifié est cette déflagration car il exprime le ‘jusqu’au bout’ du Père. La Résurrection est cette irradiation qui a englobé l’univers créé et a ouvert l’éternité.

Vengeance qui élève : on attendait une séparation des bons et des mauvais et voilà que le pardon est accordé, la paix est établie, l’amour est proposé. La vengeance est venue et a entraîné les hommes et les femmes vers des relations renouvelées, vers une possibilité inexprimable d’aimer, vers le partage de la communion trinitaire. La guérison est donc possible et entraîne toute notre personne vers l’harmonie et la vie. Le spirituel et le temporel se rejoignent pour devenir l’humain dans toute sa splendeur, pour devenir le quotidien dans toute sa grandeur, pour devenir sens et joie dans toute sa profondeur.

  1. 3. Conclusion : un Dieu proche

Le Père ne se détourne pas de sa création. Malgré le péché ou la révolte, il redit son amour et appelle à la vie. Son pardon et la grâce sont donnés en Christ qui touche et le corps et l’âme et l’esprit de l’homme. La guérison est complète car l’amour est total.

Le Père s’est effectivement vengé. Il a donné son Fils. Mort et ressuscité, le Fils est la réponse de Dieu à nos quêtes et questions humaines. Cette réponse exprime  tout son amour à partager. Ainsi, il s’est vengé en faisant de nous ses enfants de lumière happés en la Trinité.

P. Francis

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