RAMEAUX C

« Que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse mais la tienne »

(Luc 19, 28-40 ; Luc 22, 14 – 23, 56)

Le carême touche à sa fin. Un long temps de préparation pour arriver à cette semaine particulière que l’on qualifie de ‘sainte’ car elle nous plonge dans le mystère de l’amour de Dieu. On a pu préparer son cœur par le jeûne, la prière et le partage. Nous entrons maintenant tous ensemble dans cette semaine qui a changé le cours de l’histoire et touché le fond de l’existence. Dieu s’est incarné et le voilà qui se donne jusqu’au bout. Il a parlé, a pardonné, a semé dans les cœurs le désir de la vie, de la paix et de l’éternité. Cette semaine révèle tout de l’homme mais aussi tout de Dieu. Elle révèle ce dont l’homme est capable de plus beau et de plus laid. Elle révèle ce jusqu’où Dieu peut aller pour montrer sa miséricorde et donc son amour. Il vient à notre rencontre et ne se fatigue pas de nous appeler, de nous inviter, de nous aimer. Il va souffrir pour nous pardonner. Il va se dépouiller pour nous enrichir. Il va mourir pour nous donner la vie. Tout cela prend sens le matin de Pâques. L’amour éclate et illumine l’univers, la grâce transforme les cœurs et traverse les âmes. Déjà le Christ en croix est signe de la victoire de l’amour. Il trône comme un roi, le seul Roi de l’univers. L’homme des douleurs est reflet de la beauté de Dieu. Mystère insondable, incroyable, intenable ! L’amour s’exprime maintenant, sans trompette ni fanfare mais dans la simplicité d’un condamné, aimé de Dieu, Fils du Père dans l’unité de l’Esprit Saint.

  1. 1. Le Roi de gloire

Jésus entre à Jérusalem comme le messie attendu, le roi consacré, le héraut de la promesse. N’est-ce pas la ville sainte ? Là se trouvent le Temple et les Tables de la Loi, le siège de la royauté et de la légitimité, le culte et les signes de l’Alliance. Dieu a choisi cette ville pour être lieu de paix et témoin de son unicité et de son amour universel. Il est le Roi d’Israël malgré les aléas de l’histoire, les péchés du peuple, les compromis des responsables. Il est le Maître parce qu’il a donné sa Loi de vie et a fait de ce ‘non-peuple’  son peuple chéri. Jésus va s’identifier à ce Dieu. Il l’appelle ‘Père’, il en prend les attributs au risque de paraître prétentieux ou blasphémateur. Sa croix sera le moment de vérité. Sa Résurrection sera le moment de la Vérité.

Le Christ Maître : en quoi Jésus est-il le maître ? Certes, il est maître spirituel car il dirige ses disciples vers la clarté et la communion. Il est maître car il enseigne et interprète la Loi et les prophètes. Sa parole porte et touche les cœurs. Cependant sa parole se révèle efficace, percutante, profonde. Elle traverse l’âme et rejoint la chambre secrète. Elle sait relever, éclairer et transformer. Ainsi, Jésus rejoint le lieu que seule la Parole de Dieu peut pénétrer. Comment fait-il donc ? Pourquoi sa parole est-elle pardon, vie, lumière ? Pourquoi sa parole est-elle un écho de la Parole Éternelle ? Il faudra Pâques pour comprendre : il est le Verbe de Dieu, la Parole de sagesse et de vérité, la Lumière. Jésus n’est pas un maître parmi d’autres, un parmi les enseignants ou prêcheurs d’Israël. Il est le Maître. Il EST ! Vérité incontournable pour le chrétien, vérité donnant vie pour le pécheur, vérité donnant accès à la Vérité toute entière. Il peut maintenant entrer à Jérusalem assis sur un âne comme le messie, l’humble serviteur, le révélateur du dessein divin. Son  humilité est garante de sa vérité.

Le Christ Seigneur : en quoi Jésus est-il le Seigneur ? Étonnante appellation pour un prophète ou un simple maître en Israël. Elle rejoint la seigneurie de Dieu, sa souveraineté, sa puissance. Comment résister à cette seigneurie, cette autorité suprême ? Jésus souffrira de s’être laissé appeler ‘Seigneur’ car ce titre prétend une égalité avec Dieu, un rang supérieur, un dépassement. Peut-il même prétendre à ce titre ? Voici donc une autre vérité incontournable pour qui croit au Christ ressuscité : cet homme est Fils de Dieu. Il est Dieu parmi nous. Il EST. Il peut maintenant entrer dans Jérusalem comme le Seigneur des lieux, le Maître de l’univers, la Présence du temple, la Loi.

Le Christ Roi : en quoi Jésus est-il le roi ? Les disciples osent proclamer : « Béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur ». Ont-ils perdu la tête ou revendiquent-ils une idée politique ? Peut-on se mettre à dos les Romains et César, les collaborateurs et le clergé ? Voici une appellation religieuse d’une grave prétention politique et Jésus sera accusé de s’élever contre l’autorité politique, seule raison crédible pour le faire crucifier ‘légalement’. Et pourtant, Jésus est roi. Il est même le Roi de l’univers, le Seigneur des mondes, le Créateur. Il EST. Sa royauté est réelle mais ne se confond pas avec nos piètres royaumes ou nos prétendues démocraties. Elle touche le Ciel et rejoint la Terre, elle atteint les limites du cosmos et entre dans l’éternité, elle est de toujours et pour toujours car c’est le Royaume de Dieu. C’est bien le vrai Roi qui entre à Jérusalem et prend possession de son trône.

  1. 2. Le Roi des douleurs

Le Maître et Seigneur ne tardera pas à affronter les forces hostiles. Ceux qui sont supposés le reconnaître vont le rejeter, trop enfermés dans leurs certitudes et leurs traditions, trop apeurés de perdre une autorité de polichinelle, trop compromis pour accepter la nouveauté, la vérité, la beauté, trop occupés pour accueillir l’amour. Ils rejetteront l’Envoyé, le Messie, le Roi. Cette ‘Semaine Sainte’ va nous montrer tous les méandres du cœur humain et son péché, son orgueil, sa bassesse. C’est une leçon de vie mais aussi une leçon de sagesse car, de fait, cette ‘Semaine Sainte’ va surtout nous montrer la miséricorde divine et la vérité de son amour.

Homme des douleurs : le Roi s’avance vers son trône mais son trône est une croix. Trône dérisoire mais combien symbolique. Trône de douleur mais combien salvifique. Trône de gloire mais combien véridique. Alors que nous nous rebutons devant la douleur, cette douleur insupportable et inhumaine, voilà qu’elle nous est présentée comme un passage obligé, un moment de vérité, un pas dans la confiance. La beauté humaine se laisse percevoir à travers ce moment dramatique !

Beauté du Fils : le Fils en croix est le ‘plus beau des enfants des hommes’, la vérité suprême, la force divine, la victoire de l’amour. Est-ce possible de voir le Beau dans cet homme en souffrance ? Le même qui a été transfiguré sur la Montagne, le voici reluisant de vérité sur la croix. C’est le même Seigneur, le Maître, le Roi : « Jésus de Nazareth, roi des juifs » (Mat 27, 37 ; Luc 23, 38). Saurons-nous dépasser la dramatique de ce moment pour rejoindre son âme, percevoir son être et toucher le divin ? La Beauté est là, devant nous, c’est le Fils du Dieu d’amour, lumineux d’Esprit Saint.

  1. 3. Conclusion : une semaine pour entrer dans le mystère.

Les Rameaux sont difficiles à vivre : de la joie suivie de la douleur. Une lecture joyeuse suivie d’une lecture dramatique de la Passion. Le Roi entre à Jérusalem pour rejoindre son trône, la croix !

Les Rameaux nous introduisent dans le mystère du Fils, sa beauté toute divine, sa profondeur toute humaine, son existence tout amour. Ils présentent le drame du Père par le don du Fils dans la force de l’Esprit. Cette dramatique humaine devient le drame divin, l’Œuvre de la Très Sainte Trinité, le plus beau témoignage de l’amour trinitaire. Entrons donc dans ce mystère d’amour.

P. Francis

 

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