VENDREDI SAINT

« Je vous l’ai dit : c’est moi ! »

(Jean 18 et 19)

Ce jour est singulier. Il est ressenti du dedans et tout chrétien le vit de façon particulière. On jeûne, on prie, on se rassemble dans la gravité en évitant chants, fleurs et musique. On sait qu’il se passe quelque chose de spécial. On ressent dans son être le moment particulier de cet événement. Que des innocents sont condamnés injustement est malheureusement très commun dans notre histoire, passée et actuelle. Mais ici, il s’agit du Christ, envoyé par Dieu pour redire l’amour du Père, pour appeler à la justice et à la communion, pour inviter au pardon et à l’éternité. Il s’agit du Fils, reconnu comme tel à Pâques certes, mais dont la divinité effleure, dont la filiation transpire. Il s’agit de Dieu lui-même cloué par sa créature à qui il promettait la vie éternelle, le partage de sa divinité, la possibilité d’une communion dans le mystère unitaire de la Trinité. On sent la gravité du moment mais aussi de l’importance de cette croix, instrument de torture mais aussi objet de révélation et de glorification. En touchant la croix, on veut s’approcher de Jésus et lui redire notre attachement, notre amour, notre engagement à sa suite à défendre la vie et la justice, la possibilité d’aimer. Vendredi Saint est un jour de ténèbres mais aussi une lueur d’espérance car celui qui meurt met tout son amour à nous sauver, à nous redire un amour qui nous dépasse.

  1. 1. La Croix, révélation du Fils

Peut-on dire que la croix était la destinée de sa vie ? Sa mission était de nous sauver en nous parlant d’amour. La croix devient rédemptrice car elle exprime tout l’amour du Fils pour le Père et pour l’humanité. Cet instrument honni devient un instrument de révélation et de salut. Elle éclaire la vie de Jésus et le présente comme le Fils dans l’Esprit donné.

L’incarnation du Fils : Il prit notre chair pour la sanctifier et la préparer à la rencontre. C’est une vraie transfiguration qui reflète la beauté de l’humain mais aussi sa fragilité. Le Christ s’incarne pour nous mener au Père, au-delà des limites et de la contingence. Puisqu’il se fait petit et humble, la croix va l’exalter et montrer sa grandeur. Le Christ est grand par son humanité souffrante et expiatrice mais aussi par sa divinité respectueuse de  l’humanité. Le Christ de l’incarnation est là sur la croix : unité de l’Homme-Dieu qui sauve le monde.

La mission du Fils : il vint pour nous parler du Père et nous inviter à partager son Royaume. Sa mission est de nous ramener au Père par la force de l’amour. Cet amour nous ouvre la possibilité de la communion et cette communion est trinitaire. Nous sommes invités à entrer dans ses relations éternelles dans l’amour. Cette mission passera par la croix pour crédibiliser la proposition mais aussi pour nous pardonner et nous obtenir la grâce, pour nous prouver, s’il le fallait, la vérité. La croix révèle la profondeur de l’amour du Fils pour le Père et du Père pour le Fils, la grandeur de l’amour donné dans l’Esprit Saint, la vérité de l’amour trinitaire. La mission du Fils a dû passer par la Croix.

L’identité du Fils : on pensait voir le messie et même un excellent prophète, on voit un Fils tout orienté vers son Père. Du haut de la croix, on peut dire : « celui-ci était le Fils de Dieu », on peut professer la foi en sa divinité, on peut partager cette divinité. La croix nous montre la réalité humaine du Christ mais entrevoit son identité divine. Sous cette apparence défigurée, il y a le visage de Dieu. Son la laideur d’un torturé, il y a la beauté de Dieu. Sous la souffrance d’un crucifié, il y a la paix de Dieu. Difficile conjoncture, tentation de spiritualisation et même du déni… il y a pourtant un homme qui se révèle Dieu. Il faudra toute la lumière de Pâques pour le voir et l’accepter.

La communion du Fils : peut-on parler de la croix sans parler du Père ? Le Fils qui meurt en criant et qui s’en remet à Dieu, est bien ce Fils du Père éternel qui le reçoit dans l’Esprit. Comment concevoir que cet homme soit le Fils « auprès de Dieu depuis toute éternité ? », soit le « Bien-aimé » en qui le Père se complaît ? qu’il soit le « Verbe de vie » ? Peut-on accepter que le Père le laisse torturer et mourir ? Certains l’ont refusé, l’ont dénoncé, ont combattu l’idée. Le chrétien accueille cette vérité dans l’humilité et la confiance, sachant que l’amour est plus fort que la mort et que le Père est plus grand que nos insipides tergiversations, plus grand que nos limites raisonnables et affectives… et pourtant, seul l’amour peut expliquer, si on le peut, cette réalité apparemment contradictoire. Une chose est certaine, le Fils de la communion éternelle est le même qui meurt en croix et si cette communion éternelle est vécue dans l’amour, c’est l’amour qui s’exprime aussi sur la croix. Toute la Trinité est là !

  1. 2. La Croix, révélation de l’amour

Peut-on vivre cette journée, ce drame, ce scandale sans nous incliner devant l’amour qui se laisse voir ? La révolte, si légitime en soit, laisse place à la contemplation et devient engagement pour les autres, pour un monde meilleur, pour donner sa juste place à Dieu dans nos vies, nos communautés, nos sociétés. Elle devient salvifique. Seul l’amour est digne de foi, en ce Vendredi Saint et le dimanche de Pâques. Seul l’amour est vérité et lumière pour nous entraîner dans cet événement humain mais cosmique et même divin.

L’amour du Fils : Jésus le Christ accepte ce moment difficile dans la confiance et l’obéissance. Il ne retient rien, ne met pas de conditions, de discute pas. Ceci s’explique par son amour inconditionnel pour le Père. Ce même amour éternel s’explicite dans son amour humain. La relation éternelle se reflète dans sa relation humaine et spirituelle au Père. Jésus le Christ est bien le Fils Unique de Dieu, « auprès de lui depuis toute éternité » et maintenant retournant à lui après cette mission de salut et de divinisation. La croix est le signe de cet amour !

L’amour de la Trinité : le Fils est le Fils du Père de qui il est engendré et qu’il aime. Le Père engendre et aime le Fils. Cet amour est l’Esprit Saint, Personne divine, unité du Père et du Fils. Cette vérité va se révéler sur la croix et s’illuminer à Pâques. La Trinité est amour, relation d’amour, communion dans l’amour. L’amour ad intra va s’exprimer ad extra. Ainsi, la croix est révélatrice des relations trinitaires et de l’identité de la Trinité. On ne peut donner aucune autre explication que celle de l’amour trinitaire pour ‘supporter’ le drame de la croix. Ce drame humain devient le drame divin.  L’amour divin va s’exprimer par l’amour humain du Christ. La croix est le signe de cet amour.

  1. 3. Conclusion : le Trône de gloire

L’iconographie chrétienne a tenté de montrer le drame de la croix : paisiblement avec un Christ victorieux et régnant, habillé en roi ou en prêtre ; dramatiquement avec un Christ souffrant et torturé, couvert de sang et d’hématomes ; symboliquement en le montrant absent ou détaché… Chaque époque a fait son choix, réaliste ou symbolique. Une autre tradition montre le Christ en croix porté par son Père, dans la présence de l’Esprit : c’est le Trône de gloire. Toute le Trinité est là, aimant, se soutenant, vivant en relation… Trinité qui sauve, qui relève l’homme par le Christ aimé.

P. Francis

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