ORDINAIRE 25 C

« Les fils de la lumière »

(Luc 16, 1-13)

Jésus poursuit son enseignement. En se rendant à Jérusalem, où il donnera sa vie pour le monde, il propose un style de vie nouveau s’enracinant dans une bonne compréhension de l’Alliance et une relation particulière à Dieu. Son enseignement insistera sur la miséricorde divine, sur la profondeur de la relation, sur la vie filiale. De fait, nous sommes enfants de Dieu par le Fils dans l’Esprit.  Le Fils nous a obtenu cette identité nouvelle par sa croix et sa Résurrection, préparés en soi par son Incarnation. Nous nous engageons alors dans une relation nouvelle avec le Père et vivons notre existence en conséquence. Tout s’éclaire par cet aspect filial. Tout doit s’illuminer en nous car la lumière pascale nous envahit et nous transforme, nous identifiant au Fils et nous portant à la plénitude de l’humanité. Jésus a bien conscience que cela demande conversion et changement, repentance quand nécessaire et temps pour s’adapter. C’est pourquoi il est si ouvert aux pécheurs, aux rejetés, aux pauvres. C’est pourquoi il interpelle les bien-pensants et les bien-installés, et même les gens de religion qui croient tout savoir et être dans la bonne ligne. Jésus nous ramène au cœur, non par sentimentalisme mais parce que le cœur est le lieu de l’amour et de l’ouverture, le lieu de la rencontre et du changement. Jésus nous propose un style nouveau, venant de notre relation mais aussi de notre identité nouvelle. Tout s’éclaire en lui.

  1. 1. Une vie filiale.

La parabole de l’intendant habile est pleine d’enseignements. Elle met en évidence la subtilité de la vie sociale et économique et les accommodements qui en résultent. Elle met en garde contre l’abus, l’exploitation et l’argent facile. L’intendant agit pour ses propres intérêts, usant de son intelligence, se faisant des amis avec l’argent d’un autre. Il sait se protéger, mettre sa vie à l’abri, prenant des moyens habiles mais peu honnêtes. Les « fils de ce monde » savent faire et dépassent en imagination les « fils de lumière ». Jésus nous pousse nous-aussi à la créativité mais pour le bien et avec le critère suprême de l’amour. La lumière divine nous accompagne.

Vie spirituelle filiale : notre relation au Père, par le Fils, est vécue dans l’Esprit. Nous sommes fils/filles de Dieu et cela doit émerger de notre relation et de notre vie spirituelle. Il n’y a pas d’autre voie que celle du Christ, une voie nouvelle qui nous introduit dans cette intimité si profonde qui fait de nous des fils/filles. La grâce agit et nous transforme. Elle vient parler au cœur, transformer l’âme, renforcer l’esprit, illuminer la chair. Nous resplendissons de cette relation. Elle transparaît dans notre quotidien, à genoux ou en action, seul ou en communauté. La prière est filiale ; le culte est filial ; l’adoration devient une intimité filiale. L’agir suit l’être.

Vie morale filiale : on se demande parfois s’il y a des critères moraux objectifs qui pourraient nous guider. On essaye de donner des orientations universelles, mais celles-ci ne conviennent pas toujours sous toutes les latitudes. Nous cherchons pourtant dans la Loi naturelle des moyens de coexister, de nous retrouver. A cela, on ajoute la Loi positive révélée (Évangile, Personne du Christ…) pour nous enraciner dans le Vrai et le Bien. Mais de toute évidence, l’éthique prend sa source dans la vie filiale obtenue en Christ et se concrétise dans une morale filiale qui met en lumière cette identité. Cette vie filiale est dynamique car elle puise dans la communion des Personnes Divines qui parlent à la conscience et partagent leur amour. Notre morale est donc teintée de cette relation et agit en conscience. Elle reflète le Vrai et le Bien en nous, sans avoir peur du pluralisme des approches mais sans relativisme aussi. C’est une morale exigeante car elle touche à la vérité.

Vie sociale filiale : avec ces critères en place, on peut aborder la vie sociale, politique et économique avec sérénité et cohérence. Il existe une trop grande dichotomie entre l’éthique et l’agir concret. On semble avoir deux existences. On croit mais on agit différemment. On se sait fils/fille de la lumière  mais on vit en enfants des ténèbres. Il est pourtant impératif d’être cohérent et conséquent, au risque d’une schizophrénie insupportable. La vie sociale doit refléter cette lumière et cette filiation. Nous agissons et vivons comme des sauvés, des êtres aimés, des enfants de Dieu. Nos relations sociales se transforment et s’épanouissent en fraternité, dans la justice et la paix. Les valeurs morales venant de l’éthique filiale nous aident à orienter la vie dans un esprit de justice et de vérité. La créativité pour le Bien prend alors toute sa grandeur contrairement aux manigances et compromis des ‘intendants pervers’.

Les fils de la lumière sont ceux qui ont Dieu pour Père, le Christ pour critère suprême, l’Esprit Saint pour énergie. L’amour filial d’une relation vraie s’épanouit dans l’agir quotidien et  oriente la vie vers le Royaume déjà là.

  1. 2. Dieu et l’argent.

Jésus parle de l’argent et tente de le remettre à sa place. Il s’adresse aux riches mais aussi aux pauvres qui rêvent d’être comme les riches. Si le bien-être matériel n’est pas un mal en soi, la recherche des richesses peut embuer notre existence et en faire une course sans fin. L’argent sert pour ce qu’il sert mais il ne peut devenir une idole à qui on voue sa vie. La richesse de la foi propose une autre voie de bonheur : l’amour filial qui vient apaiser nos cœurs et satisfaire nos besoins humains vitaux.

La chute des idoles : la vie est une lutte contre tout ce qui nous opprime. Nous sommes bien souvent dans l’illusion du bonheur, mettant notre espérance dans des idoles personnelles ou sociales. Nous leur construisons des temples et nous nous prosternons, ou au moins nous taisons, devant leur encensement. La christianisme pourchasse ces fausses idées et s’élève contre les idoles quelles qu’elles soient. Seule la vie filiale nous donne liberté et grandeur, nous élève et nous construit.

Le bonheur en Dieu : la vie est une recherche du bonheur, de l’apaisement, de la sécurité. Elle veut tranquillité et épanouissement. Où mettre son espérance ? Quel bonheur nous satisfera-t-il ? Jésus est clair : c’est le Père qui comble les cœurs par la grâce filiale et la communion dans l’Esprit. Unis au Fils, nous entrons dans l’intimité du Père et recevons l’Esprit d’amour dans une relation éternelle. « On ne peut servir Dieu et l’argent » dit Jésus. Un seul Dieu. Un seul Maître. Un seul Seigneur. Celui qui nous donne les ailes de l’aigle pour nous élever vers le Soleil et la fraicheur de la colombe pour nous tourner vers nos frères.

  1. 3. Conclusion : tourné vers le Père.

L’intendant habile devrait mettre son énergie dans l’amour de Dieu et des autres, pour son bonheur.

L’intendant fidèle met sa foi dans l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit. Il agit en fonction de sa vie filiale et de la force de l’Esprit qui l’unit à la Trinité. Il devient « fils de la lumière » en Christ.

P. Francis

 

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